Laziz a écrit :
Pour ce qui est d'Asimov que vous comparez à Homère, vous me faîtes sourire, bien que je reconnaisse que le Cycle de Fondation sont des livres d'une grande force imaginative. Mais je tiens à vous faire remarquer que le Mahabharata n'est pas l’œuvre de plusieurs personnes, mais d'une seule, n'en déplaise à votre sentiment...
Vous savez, je ne pense pas que Narduccio parlait de la qualité intrinsèque de l’œuvre - que chacun d'entre nous peut juger - mais de l'intelligence des idées qui y sont déployées.
Or l'
Odyssée, le
Mahâbhârata, la bible,
le seigneur des anneaux, les
pensées de Pascal, les poèmes de Villon, que sais-je encore, sont toutes des œuvres à un même niveau d'intelligence. Toutes déploient de grandes qualités. Ces qualités sont différentes dans le
Mahâbhârata, les poèmes de Beaudelaire et
Voyage au bout de la nuit, mais ces qualités sont là. Si elles sont différentes, c'est que les mondes dans lequel évoluent les différents auteurs sont des mondes complètement différents, appelant une mise en œuvre différentes de l'intelligence : on ne demande pas la même chose à un poète indien du IVe siècle avant Jésus christ et à un philosophe du XXe siècle.
De la même façon, il est indéniable que nous soyons aujourd'hui scientifiquement bien plus avancé que jamais. Depuis 2 ou 3 siècles, cet esprit scientifique s'est peu à peu imposé si bien qu'actuellement, le moindre écolier sait que la terre tourne autour du soleil, que les maladies sont causées par des microbes et que les mouches ne naissent pas du pourrissement de la viande. Mais il serait absurde, à l'aune de cette connaissance, de juger qu'un homme du XIIe siècle était "plus bête" parce qu'il ne connaissait pas tout cela. Tout comme il est absurde de le juger "plus intelligent" sous prétexte qu'il connaissait le nom des plantes, qu'il savait ferrer un cheval ou monter une armure sur un mannequin. Des mondes différents appellent des savoirs différents.
Pour prendre un exemple que je trouve parlant, je me suis souvent demandé ce que ferait un grand auteur - prenons Molière - s'il vivait aujourd'hui. Et bien je ne pense pas qu'il écrirait exactement les mêmes pièces qu'au XVIIe siècle. Il prendrait les outils du monde d'aujourd'hui pour dire ce qu'il a à dire : sans doute le cinéma, la télévision, peut-être même internet (horreur des horreurs !).
Ainsi, en renversant cet exemple, on peut penser que Miyazaki, Georges Lucas ou Goscinny, se retrouvant dans un siècle antérieur, n'auraient pas utilisé leur intelligence à faire des dessins animés sublimes, des films à grand spectacle et des bandes dessinées hilarantes. Mais sans doute des pièces de théâtres, des libelles, des pastiches, des romans, des poèmes, que sais-je encore ?
(Ou peut-être n'auraient rien ils fait, illettrés qu'ils auraient sans doute été, car la démocratisation de l'accès à la culture a évidemment multiplié les vocations, mais c'est un autre pan de ce débat).