Tolan a écrit :
Je pense qu'il serait possible d'établir quelques probabilités.
Généralement, en France, on peut remonter sa généalogie vers 1600 et un peu avant.
On peut donc avoir des données sur une période avant l'exode rural, et voir le pourcentage de personne qui viennent d'une contrée un peu lointaine (à partir de 50 kms, par exemple).
On ne peut pas généraliser car il y a de grandes disparités selon les régions. Moi, par exemple, je vis en région Centre et le départ de ma généalogique sur les 5 premières générations s'étend sur trois départements : le Loir-et-Cher, l'Indre-et-Loire et la Sarthe. Mais au final, quand j'arrive vers 1600, justement, je me retrouve avec 16 ou 17 départements à exploiter. Parce que la région Centre est une région de convergence des grands axes routiers et fluviaux, parce qu'il y a des "migrants" (maçons du Limousin, scieurs de long du Forez, etc.) et beaucoup de mélanges de population y compris dans les campagnes. Les secteurs les plus pauvres (la Grande Sologne par exemple) n'échappent pas à la règle puisque les populations appartiennent presque toutes à la catégorie des journaliers et se déplacent beaucoup d'un bled à l'autre (parfois, c'est un vrai jeu de piste), certes pas forcément très loin, mais sur deux à trois générations, ça peut en faire, du chemin !
A contrario, il y a des régions où les populations sont "endogames" et où la généalogie des familles sur les quatre derniers siècles ne dépassent pas les frontières de deux cantons. C'est le cas de la Bretagne par exemple. Les Bretons ont beaucoup migré ailleurs, mais personne n'est venu se mêler à eux (jusqu'à une période récente), la région étant trop pauvre pour intéresser qui que ce soit. Certains secteurs du Massif Central, des vallées alpines et pyrénéennes, idem.
De plus, généraliser jusqu'à Charlemagne, c'est le grand écart. Il y a des mouvements de population, plus ou moins importants, selon les époques. Auxquels il faut ajouter le gouffre démographique de la Grande Peste Noire (qui a décimé entre un tiers et la moitié de la population européenne, en s'attaquant d'abord aux plus précaires) et les guerres de toute espèce qui ont rayé des villages entiers ou poussé des groupes à déménager ailleurs.
Tolan a écrit :
JEt aussi, et c'est souvent oublié, le mariage se faisait presque uniquement entre personne de même niveau social et de même richesse. Ceux qui font de la généalogie l'ont sans doute remarquer. La mixité sociale n'existait pas vraiment, sans parler des nobles qui se mariaient qu'entre eux.
C'est juste dans le domaine des corporations, surtout. Et dans les familles riches. Sauf que... là aussi, il y a des exceptions notables. Une famille noble désargentée peut très bien s'allier à une famille bourgeoise fortunée, parce que l'une et l'autre y trouve leur compte : la première pour se débarrasser d'une fille qu'on ne peut pas doter correctement, la seconde pour ajouter un titre à son patronyme. C'est d'ailleurs toujours comme ça que le citoyen lambda d'aujourd'hui "décroche" une ascendance de la noblesse.
Les niveaux sociaux vont et viennent selon les familles. La mienne est issue, des deux côtés, de cultivateurs tout ce qu'il y a de plus modestes. Pourtant, je me retrouve quand même avec un notaire qui a légué 32 000 livres à ses héritiers au XVIIIe siècle, un conseiller au Châtelet de Paris, un secrétaire du maître des requêtes de Louis XIV, une foultitude de familles bourgeoises et d'autres choses que je n'aurais jamais pu imaginé quand j'ai commencé. Je pense même frôler l'ascendance noble par deux fois, mais il me manque, hélas, des éléments probants. C'est assez imprévisible, en fait, et beaucoup moins axé sur un antagonisme ville/campagne comme aujourd'hui. Même les riches vivaient à la campagne ou y avaient des propriétés.
L'ascenseur social fonctionne aussi, quelqu'un du commun, doté de facultés particulières, pouvant accéder à un destin tout à fait remarquable, grâce à l'intercession d'un curé clairvoyant avec des relations. C'est le cas d'un grand nombre de peintres du roi et de graveurs du roi, etc. Sans parler de tous les anoblis pour services rendus (par exemple, le premier Taillevis, médecin de François Ier).
Il faut juste se débarrasser du carcan de clichés que l'on a sur le passé et des images d’Épinal léguées par l'école de la IIIe République qui, hélas, ont la vie dure.