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Ces premiers Inuits ou Eskimaux à accéder aux rives polaires trouvèrent sans doute des ressources animales considérables. Des troupeaux de phoques géants, aujourd'hui disparus, qu'on abattait d'un coup de gourdin bien appliqué et qui ne s'enfuyaient pas devant les hommes ... exactement comme le Dodo de l'Île Maurice ou ceux de Madagascar.
Il devait y avoir des troupeaux infinis de palmipèdes, de baleines, dont le Narval presque disparu aujourd'hui. Puis ils ont mangé les derniers mammouths et les derniers bisons géants peut-être même les derniers rhinocéros laineux?
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Non, mais quelle était la distance réelle de banquise à franchir, sans côte "vraie" ?
Je voudrais qu'on précise bien ceci: si l'on sous-entend qu'il n'était pas très difficile d'y aller par pirogue, par exemple, ou le temps d'un trajet rapide, cela se discute, mais le débat est différent et les arguments le seront. Vivre sur la banquise, c'est très différent, et je considère cette proposition comme plutôt "ridicule".
Vivre sur une côte hors banquise, même par temps très froid, c'est bien différent de la banquise tout court. Pour aller chasser les troupeaux de baleines, il fallait déjà une bonne technique de chasse, et elle n'a pas été inventée si facilement, sans morts. Quant aux mammouths et aux bisons géants et autres rhinocéros laineux, au pied du glacier, oui, mais sur la banquise, non. Avez-vous vu quelque herbage pour eux sur la banquise? Sans parler des autres conditions de vie.
Il reste cependant de la viande, le phoque, et bien sûr le poisson. C'est peu par rapport à l'abondance des régions plus tempérées. Et surtout cela ne suffit pas. Vivre sur la banquise, à cette époque, c'est vivre sans matières premières rocheuses, sans peaux, sans ivoire, sans rien pour faire des filets, sans bois à brûler, sans herbes qui servaient à autre chose qu'à la salade; à l'exception de quelques phoques et des poissons, les sources de matière sont rares, très rares. Les esquimaux ont pu s'en tirer grâce aux troupeaux de rennes, mais sans eux, qui ne vont pas sur la banquise? Bref, envisager comme évidemment facile un saut dans le changement des modes de vie aussi complet, sur tous les plans à la fois, et pas seulement techniquement, du pied du glacier à la banquise, est naïf. Qu'on ait envie de le faire pour quelque raison que ce soit est très peu crédible.
Un voyage par pirogue, faisable en quelques mois, à l'aide de courants, pour des populations habituées à voyager en famille par mer, une fois le chemin reconnu par des voyages antérieurs, semble plus envisageable, sous réserve de choisir une période où, historiquement, les glaciers ont fondu beaucoup; mais les mêmes questions se posent: pourquoi déménager? Comment voyager nombreux ainsi? Un tel voyage ne se fait pas sans morts. Et il est de toute façon bien plus facile côté Pacifique, car toutes les raisons présentées sont valables pour l'Alaska, et combien plus facilement côté Alaska.
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Il suffit qu'il y ait concurrence trop sévère qui oblige à aller plus loin. C'est d'ailleurs une donnée d'écologie, pas seulement d'anthropologie - et les chasseurs-cueilleurs sont à bien des égards soumis aux règles classiques de l'écologie.
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Imaginons l'Europe accueillante : ce n'est pas tout, il faut encore avoir une raison de quitter l'Afrique... pour les hommes comme pour les mammifères avant eux. Pour cela, il faut qu'il ne soit plus possible de rester. C'est le cas de nos hirondelles : quelle idée saugrenue ont-elles de revenir en Europe au printemps ? Et bien, il y a plusieurs dizaines d'espèces africaines qui les concurrencent au point qu'à la saison des nids, il n'y a plus assez de proies pour tous. Alors, on "se décide" à prendre le risque mortel de migrer, rejoindre des réservoirs de proies inaccessibles à ceux qui ne le prennent pas. Même topo pour les chasseurs-cueilleurs d'Afrique. S'ils partent, c'est que la viande manque en Afrique et pas seulement qu'il y en a ailleurs -sinon, aucun intérêt.
Mais pourquoi voulez-vous réduire les conditions de vie aux proies pour se nourrir? Le climat est une condition bien plus essentielle. C'est vrai en particulier pour les migrations d'oiseaux. En hiver: on ne reste pas là où il fait trop froid pour survivre. En été: on part de là où il fait trop chaud. Résultat: on vit à peu près dans les mêmes températures toute l'année, celles auxquelles on est bien adapté. S'il s'agissait de suivre les proies, pourquoi traverser une mer où il n'y en a pas pour de nombreuses espèces? Les mammouths se sont réfugiés au pied du glacier lors du réchauffement, parce que c'est le seul endroit où persistaient les conditions climatiques auxquelles ils étaient adaptés, pas en raison d'une concurrence; et de même pour d'autres espèces. Les mammouths s'y sont éteints quand même dans ces régions les conditions climatiques ne leur ont plus convenu. (Et ils n'ont pas essayé de vivre sur la banquise!) Les rennes et les rhinocéros ne s'orientent pas vers le nord en raison de la concurrence, mais parce qu'ils fuient les moustiques des terres chaudes et humides du sud ou ne veulent pas s'enliser dans les fondrières boueuses (problème du mammouth aussi d'ailleurs).
Le risque de migration est mortel sur la banquise, pas d'Afrique en Europe en passant par le Proche-Orient, les conditions de vie sont excellentes sur ce chemin jusqu'à la fin aux époques de réchauffement climatique, et ce chemin est emprunté par les proies habituelles en même temps que par les hommes. Par contre, un réchauffement entraînant un changement de paysage entraîne, sans concurrence, la disparition des espèces animales qui recherchent un type de paysage particulier et suivront leur chemin selon les conditions climatiques, et d'autres restent. Mais le réchauffement ne convient pas non plus aux hommes, adaptés à un climat particulier au long des siècles: en fait, dans ce chemin vers l'Europe, ils n'ont fait que voyager à climat à peu près constant, dans un environnement tout aussi accueillant que leur environnement originel, avec les mêmes espèces animales, les mêmes conditions de vie. C'est rester dans un climat très différent, avec l'adaptation indispensable, qui exigerait le plus d'effort. Dans ces conditions, pourquoi ne pas voyager, plutôt? Les clans humains étaient de toute façon au moins semi-nomades, et peu attachés à leurs demeures, avec très peu d'outils permanents qui auraient alourdi le bagage, utilisant les laines, herbes, peaux, bois et pierres sur place et se déplaçant là où l'on trouvait des ressources au lieu de stocker beaucoup. Ce qui comptait pour eux sur cette route, c'était qu'elle reste abondante en ressources tout au long. Et elle l'était d'Afrique en Europe. Elle l'était de moins en moins sur place avec le réchauffement, qui exigeait par ailleurs toute une adaptation. Donc pourquoi rester dans un lieu moins hospitalier? Il ne s'agit pas de concurrence.