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Message Publié : 28 Juil 2008 1:00 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 10:11
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Bonjour à tous,

J'ai donné un texte d'Olaf Asbach en lien pour réfléchir sur la naissance de la notion moderne d'Europe, mais je l'ai placé dans le fil "UE et Empire Romain". Je crois qu'un fil dédié à ce sujet à sa place, sauf avis contraire des modérateurs.

http://www.cceae.umontreal.ca/IMG/pdf/asbach.pdf

J'avoue avoir trouvé en ce texte ce que je cherchais depuis pas mal de temps.

La notion d'Europe se créée à l'époque moderne non sans reprendre les éléments mis en place durant le Moyen Âge. Alors la notion moderne d'Europe existe-t-elle avant 1700 ? Bonne question...

Ceci ne remet pas en cause la pré-existence d'une civilisation à la notion d'identité politique constituée et connue.

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« Étudiez comme si vous deviez vivre toujours ; vivez comme si vous deviez mourir demain. » Isidore de Séville


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Message Publié : 03 Août 2008 21:10 
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Salluste
Salluste
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Inscription : 21 Juin 2006 17:06
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Localisation : Haute-Savoie
Un article de René Rémond, publié dans un numéro récent de la revue "XXeme siècle" indiquait que, jusqu'au XVIIIeme, plus que d'Europe, on parlait plus souvent de "chrétienté". Il enchainait ensuite sur les racines chrétiennes de l'Europe.

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"Cambronne ne machait pas ses mots ... heureusement pour lui ! " J. Yanne


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Message Publié : 03 Août 2008 22:37 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 10:11
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En effet, la notion de chrétienté concernait l'occident latin, distinct de Byzance. Ce dernier disparu, c'est la notion d'Europe qui émerge.

René Rémond, dans ce que vous dîtes, est tout à fait en accord avec ce que dit Asbach.

Ce dernier dans la conclusion de son article dit la choses suivante qui est assez séduisante

Citer :
"À la différence de l’imaginaire de la christianitas, la notion d’« Europe » s’établit comme catégorie apte à penser les relations des structures, cultu-res et procès du monde vécu et des institutions modernes. Cette notion permet de faire de la nécessité (l’universalisme médiéval en pleine désintégration) une vertu : la diver-sité, les différends et les contradictions sont interprétés comme principes de constitu-tion, d’existence et de productivité de l’Europe."


Olaf Asbach mentionne plus haut la République des Lettres

Citer :
L’idée humaniste mentionnée d’une « culture européenne » commune n’est pas seulement une « idée » mais une réalité vécue, produit par ce mouvement humaniste même. Elle est expérimentée, constituée et maintenue par les institutions et pratiques communes, répandues sur l’espace européen, ceux de la science, de la jurisprudence et de la littérature, par les réseaux des corres-pondances, par l’entretien des pratiques culturelles et des valeurs communes, par les voyages et les relations amicales dans une respublica litteraria qui se croit transnationale et cosmopolite, mais qui est, en réalité, une « république européenne ».


Ceci est à mettre en parallèle avec les trois unifications européennes de Krzysztof Pomian : la chrétienté, la république des lettres et enfin l'Union Européenne. Celles que nous pourrions associer respectivement aux monarchies, aux aristocraties et aux démocraties ?

Ces trois moments donnés par Pomian ne présuppose pas l'existence de l'Europe avant 1700 mais elle nous dit que cette première tentative d'unification européenne fait sens, ce que l'article d'Asbach aurait tendance à confirmer.

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Message Publié : 25 Août 2009 17:40 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 10:11
Message(s) : 2082
http://staff-www.uni-marburg.de/~asbach ... e_2005.pdf

Le lien donné en début de fil n'est plus valide.

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Message Publié : 25 Août 2009 19:06 
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Polybe
Polybe

Inscription : 11 Juin 2008 14:10
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viewtopic.php?f=91&t=18168&st=0&sk=t&sd=a&start=30


Lohengrin a écrit :
LostOrpheus a écrit :
La Capitale turque serait restée Edirne, que cela n'aurait rien changé à ma question, car c'en était une... B) ...puisque Edirne est également sur le continent européen. Non ?

La question que je me pose, c'est que quelle que fut l'Histoire de cette partie du continent européen, les turques n'ont-ils pas cherché à conserver un pied en Europe pour, historiquement, pouvoir peser d'un poids selon leurs intérêts, ce qui avec la construction européenne se présente très bien en leur avantage ? Je ne fais pas de jugement ni moral, ni politique, je constate et me pose des questions. Tout comme la France cherche à conserver ses territoires d'Outre-mer afin qu'à un moment donné cela pèse en ses faveurs. Cela a été le cas, par exemple, avec la Guyanne qui a permis de par son placement géographique la mise en oeuvre d'Ariane Espace. Je fais cette digression pour expliquer le but de mon propos. ;)


Dans ce cas il faudrait plutôt historiciser la géographie. Au moment de la conquête de Constantinople par les Turcs ottomans, le continent européen (tel que nous connaissons aujourd'hui) n'existait tout simplement pas. Autrement dit, quand les Sultans ottomans des XVe et XVe siècles faisaient des conquêtes à l'ouest du Bosphore et des Dardanelles, ils ne pensaient pas qu'ils élargissaient les frontières de leur Etat vers l'Europe, mais ils pensaient (à juste titre) qu'ils étaient en train de conquérir l'Empire romain d'orient. Par ailleurs, ils allaient nommer ces territoires "Roumélie" (pays des Romains); presque aucune allusion généralisée à "l'Europe" dans l'empire ottoman, probablement jusqu'au XXe siècle.

Quant à la politique actuelle de la Turquie qui consiste à revendiquer une certaine identité européenne, cela n'est presque jamais fondé sur des fondements simplement géographiques. Les Turcs sont tout à fait conscients que cette notion de "frontières de l'Europe" qui passeraient par les détroits de Marmara et l'Oural ne signifie pas grand'chose. Du coup, ce n'est pas le tout petit territoire conservé "dans le continent" qui leur pousse à chercher les faveurs de la construction européenne (je peux dire que la région de la côte égéenne turque -qui se trouve géographiquement en Asie- est beaucoup plus "européenne" ou "modernisée" par rapport à certains quartiers géographiquement européens d'Istanbul, mais aussi par rapport à certaines villes de pays balkaniques qui font partie aujourd'hui de l'Union Europénne).

Les arguments qui sont présentés pour plaider pour l'adhésion de la Turquie à l'Union europénne sont plutôt de l'ordre politique, économique et culturelle; en effet, depuis le XIXe siècle, les politiciens turcs suivent un programme (ou des programmes) de modernisation politico-sociale calquée exclusivement sur les modèles européens-occidentaux. Est-ce que ce modèle est vraiment réussi ? ça, c'est un autre sujet de discussion. Mais tout cela a peu de choses à voir avec le fait que les Turcs aient conservé un pied en Europe en retenant Edirne ou Constantinople/Istanbul comme capitale. Finalement, ces "continents" (et surtout l'Europe) ne sont-ils pas des "constructions", des "communautés imaginaires" que chacun peut définir selon ses propres orientations idéologiques ou intérêts ?


LostOrpheus a écrit :
Lohengrin a écrit :
Finalement, ces "continents" (et surtout l'Europe) ne sont-ils pas des "constructions", des "communautés imaginaires" que chacun peut définir selon ses propres orientations idéologiques ou intérêts ?


N'est-ce pas, déjà, de l'idéologie que de soutenir cela. On peut se le demander également. lol J'ai du mal à croire qu'un Continent recouvert de Cathédrales et d'églises ne soit qu'une construction de communautés imaginaires. B)

De plus, à l'heure où la démocratie et la laïcité sont relativement bien établis en Europe, la communauté (imaginaire ou non) devrait transcender les idéologies ou intérêts. Non ?


Isidore a écrit :
Lohengrin a écrit :
Finalement, ces "continents" (et surtout l'Europe) ne sont-ils pas des "constructions", des "communautés imaginaires" que chacun peut définir selon ses propres orientations idéologiques ou intérêts ?

Sans trop aller dans le HS, la notion moderne d'Europe qui succède à celle de chrétienté et qui est encore la noter aujourd'hui s'est construite en partie notamment contre l'empire Ottoman qui ne peut être qualifié d'européen. Mais sinon qu'entendez vous par construction imaginaire et orientations idéologiques et intérêts ?

L'installation de la capitale ottomane dans les mêmes murs que ceux de l'empire byzantin me semble être une des seules marques de la volonté de continuer celui ci. Quand sous la période de Soliman il est question de référence gréco-romaines c'est d'Alexandre, Troie qu'il s'agit et pas de l'héllénisme byzantin ! Il est fait référence à un "imaginaire" ignorant quelque peu les 1000 ans d'histoire (et même plus...) qui viennent de se dérouler.

Gilles Veinstein leçons au collège de France a écrit :
L’équilibre maintenu, tant bien que mal, entre héritage impérial et illustration de l’islam, est rompu en faveur de la seconde tendance par le successeur de Mehmed II, son fils Bâyezîd II, soucieux d’apaiser les oppositions irréductibles suscitées par la politique de son père, surtout de la part des religieux, oulémas et derviches. La prétention impériale n’en reste pas moins bien présente chez ce sultan.

De cette leçon le passage sur le choix de faire de Constantinople la capitale :
Gilles Veinstein leçons au collège de France a écrit :
Pour mesurer les véritables enjeux et apprécier à leur juste valeur les réponses apportées, il faut en effet revenir sur une cascade de pseudo-évidences, construites a posteriori, sur la base du tour que les événements ont pris. Il n’était pas évident que Mehmed veuille prendre Constantinople (une partie de ses conseillers l’en dissuadaient) ; que Constantinople étant prise, il veuille en
assurer la survie (S. Yerasimos a montré comment certains milieux gâzî appelaient au contraire à l’anéantissement de la ville infidèle) ; que cette survie étant acquise — ce qui apparut sans équivoque, aussitôt la conquête accomplie —, il en fasse sa capitale au détriment d’Edirne : aucune des traditions musulmanes spéculant sur la conquête de Constantinople n’envisageait sa transformation en capitale musulmane. De fait, les mêmes adversaires d’Istanbul, ville maudite, réclamaient le maintien d’Edirne, ville au contraire sainte, « ancien et saint seuil des gâzî », comme capitale ottomane). Enfin, dernière conséquence qui, pas plus que les autres, ne découlait nécessairement des prémisses précédentes, il n’allait pas de soi non plus que cette capitale restât une « capitale impériale » au plein sens du terme, comme Rome et Constantinople, la « nouvelle Rome », l’avaient
été, c’est-à-dire non pas le centre d’un sultanat parmi d’autres, mais celui d’un État prétendant unifier


Lohengrin a écrit :
Isidore a écrit :
Sans trop aller dans le HS, la notion moderne d'Europe qui succède à celle de chrétienté et qui est encore la noter aujourd'hui s'est construite en partie notamment contre l'empire Ottoman qui ne peut être qualifié d'européen.


Quand est-ce que cela se fait, cette construction de la notion moderne d'Europe ? Au XVIe siècle, à l'époque où l'Empire ottoman est à son apogée, le Royaume de France n'hésite pas de faire alliance avec l'Empire ottoman contre les Habsbourgeois, et l'amitié franco-ottomane dure jusqu'à la fin du XIXe siècle sauf la Campagne d'Egypte de Bonaparte. Charles XII de Suède, soutenu par la France contre la Russie, trouve refuge dans l'Empire ottoman au début du XVIIIe siècle. Aux XVe et XVIIe siècles, un bon nombre de princes hongrois protestants n'hésitent pas de s'allier à la Porte, contre les Habsbourgs. Même au XIXe siècle, les Polonais très catholiques trouvent refuge dans l'Empire ottoman. Tout cela pour dire que, à aucun moment de l'histoire, il n'y a eu une politique anti-ottoman homogène en Europe; l'Empire ottoman faisait partie d'un système international dans lequel différents Etats, principautés ou communautés du continent européen pouvaient s'allier, ou faire la guerre à cet Empire.

Isidore a écrit :
Mais sinon qu'entendez vous par construction imaginaire et orientations idéologiques et intérêts ?

Par construction imaginaire, j'entends "attribuer un cadre commun à plusieurs entités distinctes pour prétendre qu'ils ne forment qu'une seule et même chose". Dire que l'Europe est un ensemble chrétien, c'est proposer une lecture unidimensionnelle d'un espace géographique pour soutenir que cette espace ne forme qu'une seule entité cohérente. C'est une construction dans la mesure où on sélectionne et attribue a posteriori des caractéristiques communs à un ensemble hétérogène. C'est "imaginaire" parce qu'on fait tout ce travail au niveau conceptuel, ce qui permet de dépasser la complexité factuelle. Tout cela est orienté par les motifs idéologiques (par idéologie je n'entends pas simplement "idéologies dures" mais tout système de pensée politique ou mentalité collective).

LostOrpheus a écrit :
Lohengrin a écrit :
Finalement, ces "continents" (et surtout l'Europe) ne sont-ils pas des "constructions", des "communautés imaginaires" que chacun peut définir selon ses propres orientations idéologiques ou intérêts ?


N'est-ce pas, déjà, de l'idéologie que de soutenir cela. On peut se le demander également. lol J'ai du mal à croire qu'un Continent recouvert de Cathédrales et d'églises ne soit qu'une construction de communautés imaginaires. B)


Mais bien sûr, cher LostOrpheus, tout est idéologique dans le plus idéologique des mondes :wink:
Quant à la question du continent couvert de cathédrales et d'églises, je dis encore une fois "historicisons tout cela". Croyez-vous que ce constat serait valable à l'an mil où les Eglises d'Orient et d'Occident se déchiraient entre eux ? Franchement, je ne vois pas quand la Sainte-Sophie et Notre-Dame de Paris ont pu faire partie d'un même espace culturel. Si vous persistez dans votre point de vue, je vous conseille d'éviter la compagnie des constantinopolitains de 1204.

Et puis, est-ce qu'il serait vraiment possible de dire qu'à l'époque moderne, une église catholique et un temple calviniste faisaient partie d'un même système de références ? Voyons voyons, on vient juste de commémorer l'anniversaire de la Saint-Barthélémy.

Bon bref, ce n'est qu'à la période contemporaine (et surtout avec l'intégration européenne) que l'on commence à parler d'une "Europe chrétienne". Et attribuer une culture millénaire unifiée à un espace géographique à partir d'un moment précis, c'est quoi, si ce n'est pas un discours idéologique?

LostOrpheus a écrit :
De plus, à l'heure où la démocratie et la laïcité sont relativement bien établis en Europe, la communauté (imaginaire ou non) devrait transcender les idéologies ou intérêts. Non ?


Ben non. Que la démocratie et la laïcité dépassent les idéologies ou intérêts, c'est du discours idéologique pur et dur (et du point de vue technique, ce n'est ni plus ni moins idéologique que de dire "à l'heure où la dictature prolétarienne est bien établi, on devrait transcender les idéologies ou intérêts).

Et puis, définissez-vous l'Europe par la démocratie et la laïcité, ou par les églises et cathédrales?


Isidore a écrit :
Lohengrin a écrit :
l'amitié franco-ottomane
Pour le coup voici un "mythe", c'est une alliance de circonstance qui dure et qui est le fait du roi mais qui ne va plus loin que les couloirs du cabinet royal. C'est une alliance bénéfique mais point d'affectif là dedans. Parler d'amitié me parait relever de l'imaginaire au sens où vous le définissez vous même. Louis XIV sous la pression de ses ministres arrêtera ses opérations dans le Limbourg lors de l'avancée des troupes ottomanes vers Vienne afin que l'empereur puisse rapatrier ses troupes pour défendre la capitale de l'empire. Il en sera convaincu par ses ministres et sa noblesse.

Quant à cette notion moderne d'Europe je la reprends de plusieurs modernistes dont Poumarède et Olaf Asbach donné sur un fil dédié (nous pouvons peut être continuer la discussion en cet endroit). Elle donne ce que les européens perçoivent et construisent comme étant l'Europe. L'empire Ottoman n'est pas diabolisé (tous les souverains à un moment ou à un autre passé des alliances avec le Sultan) mais il est perçu comme un Autre, un élément non européen. C'est une des conclusions du livre de Géraud Poumarède "Pour en finir avec l'idée de Croisades". Je trouve que les communications de Veinstein au collège de France vont dans ce sens.

Sur le passage de Moyen Âge à Europe Olaf Asbach nous dit la chose suivante que je fais mienne (la citation est un peu longue...) :
Olaf Asbach a écrit :
Des facteurs externes ont provoqué un changement des catégories de perception, de description et de jugement du propre et de l’autre aboutissant à une nouvelle définition de l’« Europe » et de la « Non-Europe ». L’offensive de l’Empire ottoman et la chute de Constantinople en 1453 ont mené à une situation géopolitique et culturelle radicalement nouvelle, mettant fin au mental map âgé de plus de mille ans. Le « monde chrétien » est désormais territorialement fondu et se voit directement confronté avec un monde non-chrétien. Par-là, à l’opposition traditionnelle interne à la chrétienté succède celle entre la chrétienté et l’islam. Désormais, la scission entre l’Orient et l’Occident recoupe celle qui prévaut entre chrétiens et non-chrétiens, et alors cette dernière opposition peut être associée au face-à-face entre européen et non-européen. L’« Europe » peut être identifiée à l’« Occident chrétien ». Dans ce contexte, le but politico-religieux de la sauvegarde ou du rétablissement du monde chrétien s’ajoute à l’idée d’« Europe » et à l’idée de paix. L’« Europe » géographique acquiert une acception politique dans le sens d’une « Communauté européenne de défense » des différents États chrétiens sur le territoire européen. En 1454, une année après la chute de Constantinople, l’Humaniste Enea Silvio Piccolomini appelle à une croisade contre les non-croyants. À cette fin, les princes européens durent vaincre leurs conflits entre eux et se réunir. C’est alors que Piccolomini conçoit l’Europe comme « notre patrie, notre propre maison, notre propre domicile ».13 De cette manière, il relie la communauté spirituelle et religieuse à l’idée d’une communauté de destin et d’action : l’« Europe ».


C'est cette conception qui est à la base de qu'Asbach donne comme la notion moderne, au sens de l'époque moderne, d'Europe. Et il me semble qu'elle reste encore belle et bien valable aux origines de la construction européenne dans les écrits des précurseurs de l'Europe.

Lohengrin a écrit :
Bon bref, ce n'est qu'à la période contemporaine (et surtout avec l'intégration européenne) que l'on commence à parler d'une "Europe chrétienne".
Manifestement non selon Asbach (et pas mal de modernistes) et je le rejoins... En illustration un autre extrait de son propos :
Olaf Asbach a écrit :
Pour cette raison, on peut constater avec Jacques Le Goff cet apparent paradoxe que le concept d’Europe n’a joué aucun rôle au Moyen Âge, période pendant laquelle, vu ‘objectivement’ et post festum, beaucoup d’éléments fondamentaux de l’Europe future ont été formé.11 Rudolf Hiestand a illustré ce paradoxe par une tournure historiquement et systématiquement précise : « il n’y a pas d’idée de l’Europe du Moyen Âge, l’idée de l’Europe remplace le Moyen Âge.

Lohengrin a écrit :
Et attribuer une culture millénaire unifiée à un espace géographique à partir d'un moment précis, c'est quoi, si ce n'est pas un discours idéologique?
Qui vous parle d'une culture unifiée ? Vous ne nierez pas l'existence d'un terreau culturel européen commun (et ceci même entre orthodoxes et catholiques cf. plus bas ) ... étranger à l'empire ottoman.

Lohengrin a écrit :
Franchement, je ne vois pas quand la Sainte-Sophie et Notre-Dame de Paris ont pu faire partie d'un même espace culturel. Si vous persistez dans votre point de vue, je vous conseille d'éviter la compagnie des constantinopolitains de 1204.
Quans les intellectuels passent de l'un à l'autre comme lors de ces liens jamais défaits visant à réunir à nouveau la chrétienté. La fuite de la quasi totalité des intellectuels byzantins vers l'Europe au fur et à mesure de l'avancée ottomane tendrait à le confirmer.

1204 bien sur mais je ne conseille pas à un lansquenet de dire à un romain dont il vient de mettre la ville à sac qu'ils appartiennent au même espace culturel. On pourrait dire la même chose entre un protestant et un catholique du St Empire, etc... Alors que pourtant, ils appartiennent bel et bien au même système de référence. C'est en ce temps là que les humanistes de toute obédience échangent à travers l'Europe autour des Erasme et autres Pierre Bayle.

(je propose d'ailleurs de continuer cette discussion sur ce fil - viewtopic.php?f=106&t=17735 - , nous sommes un peu HS et loin de la capitale ottomane finalement sur le thème mais pas dans la symbolique)


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Message Publié : 28 Août 2009 18:17 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 23 Août 2009 14:32
Message(s) : 5
Pour moi, l'Europe est issue du Judéo-Christianisme et du Corpus Gréco-Latin.

Les différences théologiques qui séparent les Catholiques, les Orthodoxes et les Protestants ne devraient plus être un drame aujourd'hui, car l'espérance est la même pour chaque famille chrétienne. Mais cela n'engage que les croyants.

Que cela plaise ou non, et personnellement je suis plutôt agnostique (mais à l'écoute), toutes nos valeurs fondatrices viennent de là... même les Lumières du XVIII ème Siècle sont issue de cet ensemble-là puisqu'elles se sont dressées contre.

Ne pas reconnaître le simple fait que ce sont les valeurs bibliques et philosophiques du Corpus Gréco-Latin qui ont contribué à faire émerger l'ensemble de civilisations qui ont recouvert le continent européen c'est être un peu borné, je pense, et idéologiser justement le débat.

C'est comme lorsqu'on vient me dire que l'influence arabe a été conséquente en raison de sa présence en Andalousie. Je veux bien que l'influence arabe ait exercé son rôle, je ne le nie pas, mais ce ne sont pas les 200 mots d'origine arabe qui se sont incurvés dans notre langue qui ont permis l'éclosion des "Essais" de Montaigne, des "Pensées" de Pascal et du "Discours de la Méthode" de Descartes... et je ne parle pas de "L'Ethique" de Spinoza... ou de "La Phénoménologie de l'Esprit" de Hegel... ou du "Faust" de Goethe.


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Message Publié : 28 Août 2009 23:34 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 06 Fév 2009 16:01
Message(s) : 412
Article de Winston Churchill publié dans Le Figaro du 15 février 1930 : Les Etats-Unis d'Europe
"Cette idée de l'unité européenne, qui paraît si nouvelle aux oreilles ignorantes, n'est en réalité qu'un retour aux anciennes coutumes de l'Europe. Pourquoi la trouve-t-on surprenante? L'Europe a vu les Romains sur la Tyne et les Espagnols sur le Danube, citoyens égaux d'un seul État. Dans des temps moins reculés, elle a été universellement unie par le christianisme. Elle a reposé son corps décharné sur le système vénérable du Saint Empire romain."

Bien que je poste ce texte de Churchill, je ne pense pas que le christianisme ait uni l'Europe, néanmoins celui-ci a été utilisé par différents souverains pour agrandir ou consolider leur domaine.

Isidore a écrit :
Alors la notion moderne d'Europe existe-t-elle avant 1700 ?
Comment définissez-vous la notion moderne d'Europe ?


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Message Publié : 29 Août 2009 9:14 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
Message(s) : 2722
Localisation : 中国
Citer :
Chruchill: "Cette idée de l'unité européenne, qui paraît si nouvelle aux oreilles ignorantes, n'est en réalité qu'un retour aux anciennes coutumes de l'Europe. Pourquoi la trouve-t-on surprenante? L'Europe a vu les Romains sur la Tyne et les Espagnols sur le Danube, citoyens égaux d'un seul État.
C'est curieux, j'avais pourtant cru savoir que l'histoire de l'empire romain avait été marquée par un certain nombre de révoltes de peuples qui ne voulaient pas tomber sous sa domination. A se demander d'ailleurs pour Winston n'a pas accepté la vision allemande d'unité européenne et ne s'est pas soumis...


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Message Publié : 29 Août 2009 12:36 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 06 Fév 2009 16:01
Message(s) : 412
Enki-Ea a écrit :
A se demander d'ailleurs pour Winston n'a pas accepté la vision allemande d'unité européenne et ne s'est pas soumis...
Quelle vision allemande en février 1930 ? Cette citation de Churchill est au début de son article, la suite me semble répondre à votre question. viewtopic.php?f=50&t=19232


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