Citer :
Pierma a écrit :
C'est grave, pour moi, parce que ça revient à présenter l'existence de ces services comme liée à Vichy.
Je ne vois pas qui d'autre aurait pu laisser le 2ème bureau clandestin se mettre en place et agir ... Désolé, mais je ne veux pas m'associer à cette chasse aux sorcières. L'histoire n'est pas binaire.
Amicalement.
JD
Pour le 2e Bureau, ça s'est passé très naturellement, et donc pas du tout de façon clandestine : si l'armée de l'armistice ne s'est vue autoriser que des moyens limités, en revanche son deuxième Bureau n'en manquait pas. Elle a tout simplement hérité du 2e Bureau de l'armée de 1940. C'est en ce sens seulement qu'il y a donc un lien entre les services secrets et Vichy.
Dans un premier temps leur présence à Vichy a été tout à fait officielle... à ceci prêt qu'ils ont trié dans les missions qu'on leur donnait,... et s'en sont donné d'autres.
Je suis assez d'accord avec l'idée que cette première cohabitation pouvait s'accommoder de la frange patriote de Vichy, dont Weygand est un bon exemple, mais une bonne partie de leur activité ne tient qu'à eux et les autorités de Vichy n'y ont quasiment pas de visibilité. Dans les faits ils n'en font qu'à leur tête.
Ce n'est qu'après le retour au pouvoir de Laval et leur "dissolution" qu'ils sont passés en totalité dans la clandestinité. Mais le cas était prévu depuis longtemps, compte-tenu de l'orientation de Vichy vers la collaboration, et au moment où ça se produit, la majorité de leurs officiers sont déjà "dans la nature".
Il ne s'agit pas de chasser les sorcières, mais à partir de cette date, au minimum, comment pourrait-on leur donner le qualificatif de vichysto-résistants : pour eux Vichy est un fromage qui offre des possibilités de camouflage et de noyautage des services officiels, mais ils auraient pénétré Vichy tout autant depuis une autre implantation clandestine, parce qu'il y avait beaucoup de "coups" à y faire.
A noter aussi que ce passage a la clandestinité s'accompagne de la possibilité de se financer clandestinement : le Vichy de Laval ne risque pas de les subventionner.
En réalité je n'aime pas le terme de vichysto-résistant parce qu'il induit, ou laisse supposer, l'idée que Vichy aurait pu susciter et financer des réseaux de résistance, ce qui n'est pas le cas pour la quasi-totalité. (A part quelques cas très rares déjà évoqués.)
Sans faire de chasse aux sorcières, il me semble souhaitable d'éviter cette ambiguïté.
JARDIN DAVID a écrit :
Il faut ensuite considérer l'évolution de ce Vichy et voir quand (jamais dans le cas de DUNGLER) les chemins se séparent avec ces vichysto-résistants. Vouloir absolument en faire des adversaires de PETAIN et de l'Etat Français de 1940, des esprits qui avaient tout vu et tout compris, ce n'est pas sérieux.
Non, il y a en 40, et encore un temps en 41, une foule d'honnêtes gens qui se sont retrouvés à Vichy avec l'idée que ce régime défendrait les intérêts nationaux et qu'il était donc possible d'y faire quelque chose. Des réseaux sont nés à Vichy, je n'en connais pas tout, mais je pense par exemple à Henri Frenay. Bien entendu, ils ont constaté l'évolution de Vichy vers la collaboration d'abord, la trahison pure et simple ensuite (Laval n'est pas autre chose qu'une créature allemande) et ils ont rompu les liens qu'ils avaient pu garder avec des officiels de Vichy : ça devenait trop dangereux.
Mais sans en faire "des gens qui avaient tout vu et tout compris", le premier signal pour eux a été Montoire : ça n'annonçait rien de bon. Et ça supposait donc de prendre un minimum de précautions par rapport au Vichy officiel.
Après il y a évidemment la manière dont on étudie leur histoire... et la manière dont on la présente : le terme de vichysto-résistance ne me parait pas adapté pour rendre compte de cette réalité. Tous ces gens qui ont commencé à Vichy n'y ont vécu qu'en marge. (Loustaunau-Lacau qui a pensé qu'à Vichy on pouvait s'afficher résistant sans dommage l'a payé très cher.)
Vous ne pouvez pas écarter Zemmour - et tant d'autres - d'un revers de main : la façon dont vous présenterez les choses, et dont vous les nommerez, peut donner lieu, ou pas, à une exploitation abusive. C'est un risque que vous ne pouvez pas ignorer.
Pour ce qui est de la perception initiale du régime, il y a des résistants qui ont repéré immédiatement l'ambiguïté du régime et ont fait le choix de s'en tenir à l'écart. Le colonel Touny, fondateur de l'OCM, avec déjà un expérience de renseignement au 2e Bureau d'une grande unité pendant la guerre - j'ai oublié quelle armée - commence (j'allais dire comme tout le monde) par aller voir ce qui se passe à Vichy et revient en disant :"ils ne parle tous que de double jeu, sans savoir ce que ce terme signifie concrètement. Le double jeu, on s'y perd et on y perd."