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Message Publié : 07 Avr 2021 18:47 
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Pierma a écrit :
A mon avis, il faut une connaissance profonde de cette époque avant de s'aventurer à imaginer comment ils pouvaient penser. Alors que vous réglez en deux phrases une question très complexe, dont je ne suis même pas certain qu'on saura y répondre un jour.


C'est pour cela que j'ai présenté ma réflexion sur une quinzaine de pages qu'il conviendrait de lire à tête reposée, et sans a priori sur mes motivations.
Le lien vers cette présentation est justement donné dans mon post initial...
:wink:

Merci de votre intérêt sur le sujet.


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Message Publié : 07 Avr 2021 18:51 
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Philippe de Commines
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Sisyphos a écrit :
Maintenant, quels sont vos avis sur le fait que le néolithique a pu débuter lorsque Homo Sapiens a découvert le lien entre la copulation et l'enfantement,

Tous les mammifères n'ont-ils pas fait le lien d'instinct ?

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Message Publié : 07 Avr 2021 19:41 
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Sapiens devient éleveur avant de devenir cultivateur, environ 2 ou 3 millénaires avant. Sapiens a aussi sûrement été un chasseur qui a appris à "vivre sur un troupeau", cela conduit les peuples qui pratiquent cela à suivre, à surveiller, et donc à observer en permanence le troupeau qui va leur fournir leur subsistance. On voit aux peintures pariétales qui datent de cette période que sapiens était un très bon observateur. On sait que les éleveurs comprennent très bien comment naissent les petits des animaux qu'ils élèvent. Ils comprennent assez bien le processus pour le détourner à leur profit et à sélectionner des traits qui correspondent à leurs besoins. C'est un fait connu que ce sont des discussions avec des éleveurs qui ont mené Darwin a se poser les questions qui l'ont conduit à élaborer sa théorie.

Bref, il y a de fortes chances que les humains qui nous ont précédé il y a 20 000 ou 30 000 années en connaissaient sur le rayon plus que la plupart des humains actuels qui n'en ont qu'une connaissance livresque. En pensant que seuls les néolithiques avaient accès à ce savoir, vous faites injure aux savoirs acquis par leurs prédécesseurs. Qu'on puisse penser cela au XIXème siècle, soit. Mais, aujourd'hui en voulant en discuter sur un forum de la préhistoire... Votre naïveté sur la question me laisse pantois. Vous prétendez apprécier le travail de Jean-Paul Demoule, vous devriez relire ces travaux, et essayer de les comprendre. Et surtout ne pas tomber dans le travers de prendre nos ancêtres pour des demeurés. Ils ont quand même inventé :
- la religion;
- comment se nourrir durant une année complète en exploitant un seul milieu qui change durant toute l'année (et c'est plus compliqué que vous ne le pensez)(*);
- comment survivre durant les glaciations dans des milieux très hostiles;
- comment développer une horticulture (et on pense que cela date peut-être d'il y a 15 000 à 30 000 ans);
- comment traverser un bras de mer pour aller conquérir d'autres lieux situés au-delà de l'horizon (dont l'Australie);
- ...

(*) connaissez-vous le paradoxe de l'ethnographe ? Il a été mis en lumière au cours du XIXème siècle. En fait, aussi savants qu'ils étaient, de nombreux ethnographes ont péri lorsqu'ils se sont retrouvés isolés dans des milieux qu'ils ne maîtrisaient pas. Les seuls qui ont pu survivre, ce furent ceux qui furent sauvés et accueillis au sein de leurs sujets d'études. Bref, ces peuples primitifs qu'ils venaient étudier. En fait, nous avons souvent tendance à croire que la vie dans un milieu où vivent d'autres humains est à la portée de tout le monde. Normal, puisque d'autres humains y vivent. Il y a juste un détail qu'il faut prendre en compte : savoir vivre dans un milieu donné requiert des connaissances qui se transmettent au cours de l'enfance de manière quasi-naturelle et qui sont culturelles. Si vous ne possédez pas les codes nécessaires, vous ne pouvez pas survivre sans l'aide des natifs. En quelque sorte, en minimisant les savoirs des anciens du paléolithique, vous faites la même erreur. Vous avez l'état d'esprit des ethnographes du XIXème siècle, vous savez tout, et les "sauvages" ne peuvent pas savoir ce que vous connaissez. Si vous désirez comprendre comment ils vivaient, faites preuve d'humilité. Essayez donc de comprendre comment on peut survivre sur un troupeau si on ne laisse pas survivre des jeunes mâles et des femelles. Donc, si vous n'avez pas compris que les 2 sont nécessaires pour que votre troupeau puisse vous nourrir à long terme. Et si vous avez compris cela, vous savez comment on fait des enfants.

Un humain, même du paléolithique, à part vos fonctions "primaires", ce sont aussi des porteurs de culture et de savoirs. Autrement, ils n'auraient pas été capables de nous transmettre le témoin.

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Message Publié : 08 Avr 2021 11:30 
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Narduccio a écrit :
Tous les mammifères n'ont-ils pas fait le lien d'instinct ?


Je ne pense pas mais je peux me tromper.
Je n'ai pas trouvé d'études éthologiques qui démontrent que les animaux ont conscience de se reproduire en copulant.
Cela ne veut pas dire qu'il n'en existe pas.
À mon avis l'instinct est une notion "fourre-tout" très pratique pour des comportements que nous ne comprenons pas,
ce qui nous évite de nous poser trop de questions à leurs sujets.

Je pense que ce lien est issu de l'éducation, sinon pourquoi les enfants poseraient-ils la question "Comment on fait les bébé ?" à leurs parents ?
Et s'il est issu de l'éducation, c'est que c'est un savoir acquit par l'expérience à un moment donné de notre histoire.
L'acquisition de ce savoir constituant un changement de paradigme majeur à même de changer une culture nomade de chasseurs/cueilleurs des dizaines de fois millénaire
et parfaitement établie dans son environnement, en une culture sédentaire d'éleveurs/agriculteurs complètement opposée dans l'esprit et en pratiques, et cela en quelques milliers d'années.

Narduccio a écrit :
Sapiens devient éleveur [...] de nous transmettre le témoin.

Si le temps que vous avez passé à écrire ce message vous l'aviez utilisé à lire mon texte de façon complète et posée,
cela vous aurez évité de continuer à me faire un procès d'intension infondé sur la base d'un survol en diagonale partiel et partial (en espérant que vous avez au moins fait cela),
et à brandir votre savoir tel un marteau face à un clou qui ne veux pas rester à sa place.
Sans parler de votre ton condescendant constant et du dénigrement systématique de ma personne.
Je ne remet pas en question le savoir acquis par les spécialistes, et plus généralement par l'humanité, sur cette période.
Je souhaite seulement ouvrir une discussion sur ce qui a provoqué la bascule paléolithique/néolithique à l'aune des mes réflexions basées sur le travail de ces mêmes spécialistes et notamment de Monsieur Demoule.
Et il me semble que ce forum est le "lieu" idéal pour cela. Mais je me trompe peut-être.

Narduccio a écrit :
(*) connaissez-vous le paradoxe de l'ethnographe ?

Je connais très bien le paradoxe de l'ethnographe. Encore une fois, si vous aviez lu mon texte de façon normale vous vous en seriez aperçus.
Mais merci pour ceux qui ne le connaissaient pas.

Narduccio a écrit :
Essayez donc de comprendre comment on peut survivre sur un troupeau si on ne laisse pas survivre des jeunes mâles et des femelles. Donc, si vous n'avez pas compris que les 2 sont nécessaires pour que votre troupeau puisse vous nourrir à long terme. Et si vous avez compris cela, vous savez comment on fait des enfants.

Vous semblez avoir une vision "industrielle" de la chasse au paléolithique, comme si elle était pratiquée de façon intensive et sur une base journalière, ce qui n'est pas le cas d'après ce que j'ai pu lire.
Je ne pense pas que la question de la survivance de troupeaux de plusieurs centaines d'animaux face à la prédation d'un groupe d'une dizaine, deux tout au plus, de chasseurs/cueilleurs se soit posée à ce même groupe,
du fait que la population des troupeaux se renouvelait beaucoup plus vite que celle des homo sapiens de cette époque.
Je pense que les chasseurs humains attrapés surtout ce qu'ils pouvaient, à savoir les individus affaiblis par leur condition ou leur âge, comme les autres prédateurs moins humains.


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Message Publié : 08 Avr 2021 12:27 
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Sisyphos a écrit :
Narduccio a écrit :
Tous les mammifères n'ont-ils pas fait le lien d'instinct ?


Ce n'est pas moi qui ai écrit cela ...

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Message Publié : 08 Avr 2021 12:52 
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Sisyphos a écrit :
Narduccio a écrit :
Essayez donc de comprendre comment on peut survivre sur un troupeau si on ne laisse pas survivre des jeunes mâles et des femelles. Donc, si vous n'avez pas compris que les 2 sont nécessaires pour que votre troupeau puisse vous nourrir à long terme. Et si vous avez compris cela, vous savez comment on fait des enfants.

Vous semblez avoir une vision "industrielle" de la chasse au paléolithique, comme si elle était pratiquée de façon intensive et sur une base journalière, ce qui n'est pas le cas d'après ce que j'ai pu lire.
Je ne pense pas que la question de la survivance de troupeaux de plusieurs centaines d'animaux face à la prédation d'un groupe d'une dizaine, deux tout au plus, de chasseurs/cueilleurs se soit posée à ce même groupe,
du fait que la population des troupeaux se renouvelait beaucoup plus vite que celle des homo sapiens de cette époque.
Je pense que les chasseurs humains attrapés surtout ce qu'ils pouvaient, à savoir les individus affaiblis par leur condition ou leur âge, comme les autres prédateurs moins humains.


Vous prétendez que je ne lis pas ce que vous écrivez, je pense que vous en faites tout autant. Pour un groupe d'humain, vivre sur un troupeau au long terme, est tout l'inverse d'une chasse industrielle. Il semble bien y avoir, en certains lieux et à certaines époques, des abattages de masse Où on débite des troupeaux entiers, s'il faut en croire les traces archéologiques retrouvées en ces lieux. Mais, ce n'est pas cela "vivre sur un troupeau". Vivre sur un troupeau impose une démarche très proche de celle des éleveurs où un groupe relativement réduit d'humains reste à proximité d'un troupeau, mais en le laissant divaguer à sa propre initiative. D'après certains spécialistes, c'est une pratique qui aurait amené à l'élevage, tout simplement. Donc, on prélève plus ou moins régulièrement certains individus, mais sans que ne soit remise en cause la viabilité du troupeau. Or, pour cela, il y a 2 populations qu'il faut maintenir dans le troupeau. Il faut, d'un coté assez de mères pour un renouvellement efficace des générations. De l'autre, des mâles pour couvrir ces mères. C'est surtout nécessaire dans les régions où les conditions ne sont pas réunies pour que prospèrent de grands troupeaux. Dans les grandes plaines, on peut se permettre de se comporter en prédateur "basique" et tuer des proies selon son bon désir. Mais, dans ces conditions, on n'a pas besoin de devenir éleveur, car la ressource est abondante. Devenir éleveur est intéressant là où la ressource est limitée, ou là où il faut de l'intelligence pour la faire prospérer en la menant aux bons moments sur les bons terrains de pâture.

Sisyphos a écrit :
ce qui n'est pas le cas d'après ce que j'ai pu lire.

Justement, essayez de projeter ce que vous avez pu lire. Dans certaines régions, où il y a de grandes plaines, il peut exister des grands troupeaux qui ont conduit les humains a devenir des super-prédateurs, comme une publication récente le prétend : Homo sapiens a été un superprédateur durant 2 millions d'années, jusqu'à un changement de régime. Il ne faut pas faire attention à la super-erreur présente dans le tire, homo sapiens ne s'étant individualisé que depuis environ 300 000 ans, il n'a pas pu remplir le rôle de super-prédateur durant 2 millions d'années ... ;)
Ou La chasse aurait-elle favorisé l'évolution de la taille du cerveau humain ?

Je reviendrais plus tard sur cette étude. Mais, là où il y a pas de grandes plaines. Ou lors des glaciations. Dans ces conditions, il est préférable d'arriver à vivre en exploitant un seul troupeau, même de faible taille. Cela suppose d'en assurer la protection face aux autres prédateurs qui deviennent des concurrents. Et donc, on voit une synergie se mettre en place. Synergie qui est profitable aussi bien aux humains qui exploitent un réservoir de viande facilement disponible, qu'aux animaux qui composent le troupeau qui payent le prix de cette protection par un prélèvement limité d'un certain nombre d'individus.

Or, pour vivre ainsi d'un troupeau, il faut le comprendre, d'où les adaptations des humains sur le long terme :
Citer :
Par conséquent, aussi bien sur le plan physique qu'intellectuel, les humains se sont adaptés à la situation en développant de nouvelles facultés. "Alors que le cerveau du chimpanzé, par exemple, est resté stable pendant 7 millions d'années, le cerveau humain a triplé, atteignant sa plus grande taille il y a environ 300 000 ans. Outre le volume cérébral, la pression évolutive a poussé les humains à utiliser le langage, le feu et des outils sophistiqués tels que l'arc et la flèche, à adapter leurs bras et leurs épaules aux lancers ainsi que leur corps à la poursuite. Ils améliorent leurs outils de pierre, ils domestiquent les chiens et finalement ils domestiquent le gibier lui-même puis ils finissent par se tourner vers l'agriculture", a indiqué le Professeur Ran Barkai.

La plus ancienne preuve de l'utilisation de l'arc remonte à environ 12 000 ans : des flèches associés à des fragments d'arcs fabriqués en bois de pin avec des pointes de quartz ont été mis à jour dans un ancien campement de chasseurs de rennes dans les tourbières de Stellmoor en Allemagne.

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Message Publié : 08 Avr 2021 13:13 
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Sisyphos a écrit :
Et s'il est issu de l'éducation, c'est que c'est un savoir acquit par l'expérience à un moment donné de notre histoire.
L'acquisition de ce savoir constituant un changement de paradigme majeur à même de changer une culture nomade de chasseurs/cueilleurs des dizaines de fois millénaire
et parfaitement établie dans son environnement, en une culture sédentaire d'éleveurs/agriculteurs complètement opposée dans l'esprit et en pratiques, et cela en quelques milliers d'années.

Vous faites de cette prise de conscience (bien tardive, selon vous) la cause du passage du paléolithique au néolithique ?

C'est de la spéculation pure et simple.

Les préhistoriens ont déjà largement travaillé sur les causes et les conditions de ce changement (sauf erreur, la période transition s'appelle le mésolithique ?) qui sont nombreuses et attestées par l'archéologie, sans qu'on aille faire des hypothèses sur un changement culturel des mentalités dont on n'aura jamais aucune preuve, aucun indice.

J'arrête de poster sur ce fil, inutile de perdre du temps à réfuter des âneries.

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Message Publié : 08 Avr 2021 13:14 
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Vous prétendez que je n'aurais que survolé votre texte, soit, faisons-en l'analyse, comme vous semblez vouloir le faire du livre de Jean-Paul Demoule.
Citer :
Outre le fait que l’utilité des structures retrouvées sur le site est inconnue, c’est celui qu’il existe d’autres sites analogues espacés régulièrement entre eux d’une cinquantaine de kilomètres, qui m’a interpellé. N’ayant pas trouvé d’informations détaillées sur ces autres sites, ce qui suit spécule que l’on y retrouve des structures équivalentes à Göbekli Tepe.

Pour imager le cheminement de ma pensée, je vous propose une petite mise en situation : nous sommes une culture de chasseurs cueilleurs nomades, et comme toute forme de vie, mais à notre échelle, notre fonction première est, consciemment ou inconsciemment, de protéger notre futur, d’assurer notre avenir, pour permettre la perduration de la vie.

Que faisons-nous pour sécuriser un peu plus notre mode de vie ?

À cette question, l’Homo Sapiens Sapiens moderne nous répond : vous vous sédentarisez et vous inventez l’agriculture et l’élevage.

Soit.


Là, il est très difficile de vous suivre. C'est bien ce que ne cessent de répéter les préhistoriens actuel, dont Jean-Paul Demoule, il faut éviter toute sur-interprétation. Les préhistoriens notent certaines pratiques, par exemple l'existence de sites plus ou moins importants qui semblent être des sites cultuels. Quels cultes y ont été rendus ? On ne peut que faire des supputations. Si on prend Göbekli Tepe, on peut juste noter l'importance des figures animales. Même si le choix des animaux choisis pour les représentations n'est sûrement pas anodin, il est difficile d'aller plus loin. Pour un occidental, le renard est, par exemple, l'image de la ruse. Ce n'est pas le cas pour toutes les cultures. Il est donc très difficile de se mettre à la place d'un chasseur-cueilleur d'in y a 12 000 ans. D'autant plus que les chasseurs-cueilleurs des environs de Göbekli Tepe ne sont pas représentatifs des chasseurs-cueilleurs du paléolithique : ils sont sédentarisés. En effet, il semble que les sites cultuels du genre dont Göbekli Tepe est l'archétype ne naissent que durant la phase de sédentarisation qui précède la néolithisation. Mais, le fait qu'on n'ai pas retrouvé de sites plus anciens n'est pas la preuve de leur absence, en effet, s'ils ont été faits dans des matériaux plus périssables, ils n'ont sûrement pas laissé de traces. Bref, les gens qui allaient prier à Göbekli Tepe, si jamais c'est bien à cela qu'il servait, n'étaient pas des chasseurs-cueilleurs nomades, mais des populations sédentarisées. Et c'est bien à cette époque-là qu'on trouve la trace des premiers villages durables.

Cela montre une évolution très importante, les humains qui se sédentarisent ont la culture nécessaire pour exploiter une même endroit durant toute l'année. Et ils ont développé la culture pour stocker de la nourriture sur plusieurs mois, au minimum. Et, cela se passe AVANT l'invention de l'élevage et de l'agriculture. De lus, la plupart des peuples qui pratiquent l'élevage ne sont pas sédentaires.

Ensuite, c'est une période de relative abondance, c'est ce qui permet de passer du temps à élever un site tel que Göbekli Tepe. Quand on lutte pour sa survie au quotidien, on n'a pas les ressources nécessaires à l'érection d'un tel site. Cela conduit d'ailleurs à une espèce de paradoxe, on a le temps de philosopher, donc de chercher un sens à la vie. Alors qu'on na plus besoin de lutter au quotidien pour "protéger notre futur, d’assurer notre avenir, pour permettre la perduration de la vie"...

Rien que sur ces quelques lignes, on se rend déjà compte que vous effleurer votre sujet et que vous n'arrivez pas à vous mettre en situation. Vous projetez sur ces populations des considérations actuelles, et vous simplifiez ce qui pouvait être leur philosophie de la vie. Exactement comme le faisaient les préhistoriens du XIXème siècle.

La suite au prochain épisode, mais vous allez voir que je vous ai bien lu.

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Message Publié : 08 Avr 2021 13:57 
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Pour apporter un élément supplémentaire dans votre exposé Narduccio, à propos de la nécessité d'une "culture" de l'exploitation agricole avant l'invention de l'élevage et de l'agriculture sédentarisés, le livre de James C. Scott (https://yalebooks.yale.edu/book/9780300 ... inst-grain) se penche précisément sur cette transition. Il pose la question de la raison des ces ~4000 ans entre les traces archéologiques de cultivation et celles des premières sédentarisation. Son analyse est qu'en termes de coûts/bénéfices, l'optimalité de la sédentarisation n'était pas du tout si évidente que ça.

Scott est anthropologue au départ mais aussi spécialisé en sciences politiques. Ce genre de perméabilité entre les approches anthropologiques et archéologiques, dans des études menées par des gens qui maîtrisent le sujet, me semble très fructueuse.

Edit :
Je souligne "études menées par des gens qui maîtrisent le sujet", en rapport avec l'analyse qui a démarré ce fil.
Mais, je ne veux pas dire qu'il faut être PR ou MCF dans un domaine pour avoir quelque chose à dire d'intéressant sur le sujet, au contraire. En revanche, la moindre des choses me semble être de faire l'effort de justifier et d'étayer ses avis et opinions, en ayant vérifié dans la mesure du possible dans les recherches passées ce qui s'en rapproche ou ce qui s'en distingue, pour précisément se situer. On peut donner des avis infondés aussi, mais c'est mieux de bien les situer vis à vis de l'état de l'art, afin que chacun puisse bien comprendre où se situent les désaccords potentiels avec ce qui est admis.


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Message Publié : 08 Avr 2021 15:22 
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J'ai connaissance des travaux de James C. Scott, et cela a nourrit ma réflexion sur le sujet. Avec d'autres. Merci pour cette référence.

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Message Publié : 09 Avr 2021 11:08 
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Narduccio a écrit :
Sisyphos a écrit :
Narduccio a écrit :
Tous les mammifères n'ont-ils pas fait le lien d'instinct ?


Ce n'est pas moi qui ai écrit cela ...


En effet, désolé. Mélimélo de balises Quote.
Je n'ai pas les droits nécessaires pour faire la correction.

Je n'ai pas le temps nécessaire pour répondre à chacun d'entre vous aujourd'hui.
Je m'y attacherai ce weekend.
En attendant, merci de ne pas clôturer le sujet.

Cordialement.


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Message Publié : 10 Avr 2021 15:26 
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Suite :
Citer :
Mais, d’une part, nous pouvons lui arguer que cela constitue un bouleversement radical et non une évolution de notre mode de vie existant, d’autre part, que le phénomène qui fait passer une culture nomade des centaines de fois millénaire, à une culture sédentaire totalement opposée dans l’esprit, en quelques milliers d’années seulement, relève du tsunami culturel .


Je pense que c'est vous qui avez du mal à comprendre comment les choses se sont passées. En fait, actuellement, on sait que les humains du mésolithique pratiquaient des formes limitées de cultures. Mais ce n'est pas tout, j'ai lu, il y a des années, l'étude d'un spécialiste sur les archers européens du mésolithique. Il notait que leur vagabondage relevait du fait culturel. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre son raisonnement. Il avait étudié l'écologie d'un groupe humain du mésolithique, ce groupe se partageait entre plusieurs habitats allant de l'un à l'autre au cours de l'année. Or, d'après ses calculs, ce groupe avait à sa disposition 16 tonnes de viandes dans son proche environnement. Donc, ils auraient pu se nourrir sans avoir à se déplacer. Mais, ils se déplaçaient. Ils en concluait que ce phénomène était culturel.

Quand on a dit cela, on a tout dit et rien dit, car un fait culturel qui va perdurer pendant plusieurs milliers d'années peut avoir 2 causes, une négative et une positive. La négative est qu'ils n'auraient pas encore développé la culture qui leur aurait permit de vivre une année complète au même endroit. Et cela peut aussi avoir plusieurs raisons, soit c'était leur niveau d'intelligence qui est en cause, donc ils se contentaient de répéter de manière moutonnière d'anciens modes de vies. Soit que le changement de mode de vie entraînait trop de conséquences sur leur modèle social. La cause positive pouvant être un choix conscient d'un mode de vie qui leur convenait mieux pour diverses raisons, dont des raisons qu'on pourrait qualifier de philosophiques.

Le problème est que nous ne pouvons que constater qu'ils n'étaient pas sédentaires, alors qu'ils pouvaient l'être. Et supputer les raisons possibles de ce choix de vie. Mais, il y a une pièce supplémentaire à verser au dossier. Avant la fin du mésolithique, la sédentarité est une exception. Mais, elle existe. Elle existe dans un cas précis : une ressource de nourriture importante et disponible durant toute l'année, mais qu'on court le risque de perdre si on laisse un autre clan s'en emparer. C'est le cas, par exemple, des sites où il y a des ressources importantes en coquillage. Durant des périodes très longues, parfois des dizaines de milliers d'années, des groupes humains se sont accrochés au même territoire. Donc, les humains du mésolithique, mais aussi du paléolithique étaient capables de vivre de manière sédentaire, quand la ressource valait la peine d'être conservée et défendue.

Or, à la fin du mésolithique, juste avant le néolithique, les hommes deviennent sédentaires. Notez bien qu'ils deviennent sédentaires avant la généralisation de l'agriculture. Avant même son instauration comme mode de nourrissage prépondérant. Les premiers groupes sédentaires sont bien le fait de chasseurs-cueilleurs.

Qu'est-ce qui aurait poussé ces nomades invétérés à devenir sédentaires ... La réponse semble bien être une question de densité de population. En fait, quand la densité de population augmente, il arrive un moment où un territoire est occupé de manière optimale. Mais cela à des conséquences. La première est que si vous vous déplacez vous trouverez l'endroit où vous désirez vous installer déjà occupé par un autre clan. La seconde est que l’endroit que vous allez déserter sera automatiquement occupé par les clans voisins et que quand vous désirerez vous y réinstaller, il faudra en chasser ceux que vous allez considérer comme des occupants illégitimes. Bref, à un moment, il vaut mieux devenir sédentaire que de courir le risque de subir des actes de violence répétés.

Bref, là on voit que vous inversez ce qui s'est sûrement passé. Le bouleversement "radical" s'est fait avant la sédentarisation. Ou plutôt, c'est ce bouleversement culturel qui conduit à la sédentarisation. Et l'agriculture semble être une conséquence de la sédentarisation...

Les sites cultuels comme Göbekli Tepe semblent être une conséquence de la sédentarisation. En fait, les humains qui se côtoient doivent avoir des codes communs, une culture commune pour accepter de partager le même territoire, et pour échanger. Ces sites sont nécessaires pour vivre en paix avec ses voisins.

En fait, il faut bien se mettre en tête que grouper des humains ne coule pas de sources. Sociologues et ethnologues ont identifié déjà depuis plus d'un siècle des seuils qui semblent montrer des besoins différents dans la gestion de groupes humains. Par exemple, un seuil optimum souvent retenu pour une équipe de travail est environ 12 personnes. Car au-dessus de ce seuil, des sous-groupes vont se former spontanément. Il existe d'autres seuils, comme environ 75, environ 250, ... En fait, 250 semble être le nombre de personnes maximum qu'un humain peut connaitre "personnellement", en connaissant le nom et quelques détails personnels. Ce sont des moyennes, bien entendu. Et spontanément, un groupe qui fait plus de 250 personnes a tendance à se fractionner en 2 ou 3 sous-groupes. Au dessus- de ce chiffre, on n'est plus capable de faire personnellement confiance à quelqu'un. On lui fera confiance car il appartient (ou pas) à un sous-groupe auquel on accorde de la confiance...

Et donc, quand on se retrouve à vouloir faire vivre des milliers de personnes dans le même environnement, il faut quelque chose qui les unit. Et l'un des meilleurs ciments que l'on connaisse, c'est la religion.

Pour résumer, si vous êtes un nomade depuis la nuit des temps, vous ne pourrez devenir un sédentaire que si vous avez déjà fait ce que vous nommez un tsunami culturel. En fait, il faut faire le constat que la vie nomade n'est plus possible et qu'il faut passer le seuil qui fait de vous un sédentaire. Un nomade qu'on oblige à vivre de manière sédentaire revient un nomade dès qu'il en a l'occasion. Un nomade qui a choisit de devenir sédentaire, ne saura plus redevenir nomade, sauf s'il y est contraint.

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Message Publié : 11 Avr 2021 22:36 
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Avant toutes choses je souhaiterais lever ce qui semble être un doute.
J'ai l'impression, mais ce n'est peut-être qu'une impression, que vous pensez que je fais l'amalgame entre système cognitif et intelligence, le premier étant l'environnement dans lequel la seconde évolue, une évolution non pas qualitative mais formelle.
Par analogie, si l'intelligence est l'eau (H2O), alors dans un certain système cognitif, elle formera des glaciers et des banquises, dans un autre des cours d'eau et des lac, dans un autre encore des mers et des océans et encore dans un autre des nuages et des précipitations.
Mais elle reste fondamentalement la même intelligence (H2O).
L'homo sapiens possède les mêmes capacités intellectuelles, fondées sur sa physiologie, depuis 300 000 ans, quelque soit son époque.
Et c'est notre système cognitif, la façon dont nous nous percevons et comprenons, ainsi que l'univers dans lequel nous évoluons et dont nous faisons partie, qui change au cour du temps, en fonction de nos expériences et donc de nos sens.
Et ce n'est pas faire injure aux êtres humains du paléolithique, du néolithique ou même du XIXieme siècle, que de considérer qu'ils n'ont pas formellement le même système cognitif.
Ce serait même retomber dans les travers des ethnographes, dénoncés par Narduccio, que de ne pas le faire.
D'autant plus que c'est cette diversité cognitive qui fonde la diversité culturelle de notre espèce, et qui fait de nous des individus si différents les uns des autres.
J'espère que cela dissipe pour tout le monde l'illusion que je puisse prendre les homo sapiens, quelques soient leurs époques, pour des abrutis.

Narduccio a écrit :
Sapiens a aussi sûrement été un chasseur qui a appris à "vivre sur un troupeau", cela conduit les peuples qui pratiquent cela à suivre, à surveiller, et donc à observer en permanence le troupeau qui va leur fournir leur subsistance.

Est ce une conviction personnelle ? Si oui, sur quoi la fondez-vous ? Si non, pouvez vous, svp, me communiquer vos sources afin que j'enrichisse ma réflexion ?
Narduccio a écrit :
Vivre sur un troupeau impose une démarche très proche de celle des éleveurs où un groupe relativement réduit d'humains reste à proximité d'un troupeau,
mais en le laissant divaguer à sa propre initiative. D'après certains spécialistes, c'est une pratique qui aurait amené à l'élevage, tout simplement.
Donc, on prélève plus ou moins régulièrement certains individus, mais sans que ne soit remise en cause la viabilité du troupeau.

Et pourquoi passer par ce stade transitoire, plus chronophage et énergivore que la chasse "normale" et l'élevage, qui consiste surtout dans un premier temps à maintenir captif et à disposition des animaux sauvages, alors que toutes nos avancés techniques visent à nous faire gagner du temps et/ou économiser notre énergie ?
D'autant plus que cela implique de passer d'un système cognitif "Acteur", propre à tous les animaux, à un système cognitif "Pasteur", qui nécessite une dissociation d'avec son environnement.
Étant donné que le système cognitif change par l’expérience du monde au travers de nos sens, et qu'il n'y a pas d'exemple d'animaux qui pratiquent le "vivre sur le troupeau"
dans l’environnement de l'homo sapiens paléolithique, qu'est ce qui pourrait être la cause de cette dissociation ?
Narduccio a écrit :
Or, pour cela, il y a 2 populations qu'il faut maintenir dans le troupeau.
Il faut, d'un coté assez de mères pour un renouvellement efficace des générations.
De l'autre, des mâles pour couvrir ces mères.

Mais admettons qu'ils aient pratiqué le "vivre sur le troupeau", qui reste, à mon avis, une inspiration très "moderne", au vu de leur environnement d'alors.
Cela n'implique pas forcément de connaître les mécanismes de la reproduction pour ce faire.
Il suffit d’épargner les jeunes et les femelles gravides, qui sont reconnaissables dans la population des proies "faciles", et de s'attaquer aux autres.
Pour un petit troupeau, un seul mâle survivant peut couvrir toutes les femelles, et pour les grands troupeaux la question du nombre de mâles survivants ne se pose même pas.
De plus, dans un environnement fractionné par la végétation et le relief, le nombre d'animaux n'est pas moindre. Les troupeaux sont plus petits mais plus nombreux et plus mobiles,
ce qui complique d'autant plus la distinction et le suivi spécifique de l'un d'entre eux.
Il ne faut pas oublier non plus qu'à la fin du paléolithique la population mondiale d'homo sapiens ne dépassait guère les dix millions, entre 5 et 10 suivant les sources,
grosso modo 1/10ieme de la population française actuelle, principalement concentrée dans les zones tempérées Eurasiennes, et qu'ils vivaient en groupe d'une ou deux dizaines d'individus tout au plus, dans la majorité des cas.
Dans un environnement aussi propice pour eux que pour les troupeaux d'herbivores, en amélioration graduelle avec la fin de la glaciation, et avec une telle densité de population
et donc une si faible pression prédatrice sur ces mêmes troupeaux, sans parler de la diversification alimentaire qui c'est amorcée de 25 à 30 000 ans plus tôt, d’après l'article que vous citez,
comment l'idée d'économiser la ressource en protéine, sans parler de la "cultiver", peut elle avoir germé spontanément ?
C'est ce qui me fait penser que l'élevage, puis l'agriculture, sont des conséquences de la sédentarisation, elle-même provoquée par un autre facteur.

Narduccio a écrit :
Mais, là où il y a pas de grandes plaines. Ou lors des glaciations.
Dans ces conditions, il est préférable d'arriver à vivre en exploitant un seul troupeau, même de faible taille.

Je ne comprend pas l’enchaînement logique de vos affirmations.

Narduccio a écrit :
Citer :
la pression évolutive a poussé les humains à utiliser le langage, le feu et des outils sophistiqués tels que l'arc et la flèche,
à adapter leurs bras et leurs épaules aux lancers ainsi que leur corps à la poursuite.

Qu'est ce que la notion de "pression évolutive", qui est définie comme résultant de "Toute cause qui réduit ou augmente le succès reproducteur dans une partie d'une population",
et que je met dans le même sac que "l’instinct", a à voir avec le langage, le feu, les outils, l'arc et la flèche et l'adaptation du corps au lancer ou à la poursuite ?

Narduccio a écrit :
Là, il est très difficile de vous suivre. C'est bien ce que ne cessent de répéter les préhistoriens actuel,
dont Jean-Paul Demoule, il faut éviter toute sur-interprétation.

Je ne comprend pas votre interrogation. C'est une mise en situation qui part du postulat de base des préhistoriens actuels, présente succinctement la réponse couramment donnée,
et déroule un argumentaire qui abouti à une autre réponse potentielle, et une interprétation du site de Göbekli Tepe comme un centre de ressources et non un site cultuel.
Citer :
À cette question, l’Homo Sapiens Sapiens moderne nous répond : vous vous sédentarisez et vous inventez l’agriculture et l’élevage.
Soit.
Mais, d’une part, nous pouvons lui arguer que cela constitue un bouleversement radical et non une évolution de notre mode de vie existant, d’autre part,
que le phénomène qui fait passer une culture nomade des centaines de fois millénaire, à une culture sédentaire totalement opposée dans l’esprit, en quelques milliers d’années seulement, relève du tsunami culturel .
Ce qui rend caduque la réponse de l’Homo Sapiens Sapiens moderne dans le cadre d’une évolution « naturelle » des choses. La réponse reste donc en suspens.
L’un des axes de perduration de la vie passe par les ressources nécessaires à cette vie.
Donc par la sécurisation de l’accès à ces ressources. Comment donc sécurisons-nous l’accès aux ressources qui nous sont nécessaires, sans remettre en question notre nomadisme ?
Une des réponses techniques, tout à fait réalisable à cette époque, est un maillage du territoire par un ensemble de dépôts de ressources uniformément répartis.

Je précise que l'expression "tsunami culturel" provient directement des travaux de Mr Demoule.
Le plus frappant avec Göbekli Tepe, c'est que, toujours d’après Mr Demoule, il existe autour de ce site, d'autres sites similaires régulièrement espacés d'un cinquantaine de kilomètres les uns des autres.
Une sorte de maillage, donc.
Si ce sont des ouvrages cultuels, ils doivent être d'importance au vu du temps et de l'énergie nécessaires à leur construction et de l'époque où elle s'est produite.
Cela représenterai donc une densité géographique de sites cultuels majeurs à faire palir la Grèce antique, à une époque pour laquelle l’existence de la notion de culte reste largement débattue,
et est souvent une hypothèse "faute de mieux"... Voir le cas des "Venus".

Narduccio a écrit :
Quand on lutte pour sa survie au quotidien, on n'a pas les ressources nécessaires à l'érection d'un tel site.

Narduccio a écrit :
Alors qu'on na plus besoin de lutter au quotidien

Attention à ne pas chausser les bottes de l'ethnographe. Considérer les homo sapiens du paléolithique comme ne faisant que survivre (pendant 300 000 ans tout de même,
sans compter les genres homo précédents) dans une nature qu'ils regarderaient comme hostile et qui les terrifierait, c'est leur attribuer un système cognitif moderne, et sauter à pieds joints dans le paradoxe, sans parler d'en faire une espèce de névrosés chroniques.
Ils devaient au contraire être parfaitement intégrés à leur environnement, en connaître chaque danger et chaque bienfait, savoir comment les éviter ou en tirer partie, et les anticiper.
Ils devaient également se transmettre cette connaissance par l'enseignement pratique, puisqu'il y a continuité dans l'utilisation d'outils, oral et par les "fresques" pariétales, ce qui implique qu'il avait le temps pour le faire.
Avez vous l'impression que les animaux survivent, ou luttent, au quotidien ? Ils vaquent, ils vivent, ils se sustentent, conscient qu'un bruit, une odeur ou un mouvement inhabituel peut être le signe avant coureur d'un danger, et ça s’arrête là.
Avez vous l'impression que les derniers groupes humains dit "primitifs" d'Amazonie survivent, ou luttent, au quotidien ? Alors pourquoi ne courent-ils pas vers la "civilisation" ?
Pourquoi voulez vous qu'il en ai été différemment pour l'homo sapiens paléolithique, en l’absence de tout autre référentiel ?
Et c'est moi qui n'arrive pas à me mettre en situation ?

log a écrit :
Pour apporter un élément supplémentaire dans votre exposé Narduccio, à propos de la nécessité d'une "culture" de l'exploitation agricole avant l'invention de l'élevage et de l'agriculture sédentarisés, le livre de James C. Scott
(https://yalebooks.yale.edu/book/9780300 ... inst-grain) se penche précisément sur cette transition.

Merci pour la référence, je vais m'y plonger avec intérêt. :)

log a écrit :
Mais, je ne veux pas dire qu'il faut être PR ou MCF dans un domaine pour avoir quelque chose à dire d'intéressant sur le sujet, au contraire. En revanche, la moindre des choses me semble être de faire l'effort de justifier et d'étayer ses avis et opinions,
en ayant vérifié dans la mesure du possible dans les recherches passées ce qui s'en rapproche ou ce qui s'en distingue, pour précisément se situer. On peut donner des avis infondés aussi,
mais c'est mieux de bien les situer vis à vis de l'état de l'art, afin que chacun puisse bien comprendre où se situent les désaccords potentiels avec ce qui est admis.

Merci du conseil. :)
Quels sont, d’après vous, les avis et les opinions du texte qui manque de justification ou d'étaiement ? Et quelles sont les publications que vous pouvez me conseillez qui permettraient de palier ce manque ?
Merci d'avance.

Narduccio a écrit :
Qu'est-ce qui aurait poussé ces nomades invétérés à devenir sédentaires ... La réponse semble bien être une question de densité de population.
En fait, quand la densité de population augmente, il arrive un moment où un territoire est occupé de manière optimale. Mais cela à des conséquences.
La première est que si vous vous déplacez vous trouverez l'endroit où vous désirez vous installer déjà occupé par un autre clan.
a seconde est que l’endroit que vous allez déserter sera automatiquement occupé par les clans voisins et que quand vous désirerez vous y réinstaller, il faudra en chasser ceux que vous allez considérer comme des occupants illégitimes.
Bref, à un moment, il vaut mieux devenir sédentaire que de courir le risque de subir des actes de violence répétés.

Est ce une opinion personnelle ? Pouvez vous me communiquer vos sources svp ?
De plus, les analyses génétiques montrent que les individus pouvaient passer d'un groupe à un autre, et parfois sur de très grandes distances
(confinement oblige, je n'ai pas les chiffres exact sous la main, car je ne suis pas chez moi, mais je vous les donnerai ainsi que la référence de la source),
ce qui fait de l'idée de clans fermés, repliés sur eux-mêmes et en compétition les uns avec les autres, une vue de l'esprit sans fondement réel.

Narduccio a écrit :
Elle existe dans un cas précis : une ressource de nourriture importante et disponible durant toute l'année, mais qu'on court le risque de perdre si on laisse un autre clan s'en emparer.

À la suite de la remarque précédente, pourquoi "défendre" une ressource abondante quand on peut la partager et/ou l’échanger avec les nomades de passages et qu'on ne se considère pas en compétition les uns avec les autres ?
Est ce que l'idée qu'ils aient pu être très heureux d'être nomade vous a effleuré l'esprit, et que, contrairement à l'homo sapiens moderne, ils ne convoitaient pas tout ce qu'ils voyaient ? Sinon pourquoi la sédentarité était elle l'exception ?

Narduccio a écrit :
Bref, là on voit que vous inversez ce qui s'est sûrement passé. Le bouleversement "radical" s'est fait avant la sédentarisation. Ou plutôt, c'est ce bouleversement culturel qui conduit à la sédentarisation. Et l'agriculture semble être une conséquence de la sédentarisation...

Un bel et long argumentaire, destiné visiblement à démontrer que je n'ai rien compris à rien et que je devrais retourner jouer aux billes, pour au final arriver au même constat...
Est ce que vraiment vous ne devriez pas lire correctement ce texte, en évitant de vous jeter sur votre clavier à chaque ligne lue de travers, svp ?


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Message Publié : 12 Avr 2021 1:06 
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Sisyphos a écrit :
Avant toutes choses je souhaiterais lever ce qui semble être un doute.
J'ai l'impression, mais ce n'est peut-être qu'une impression, que vous pensez que je fais l'amalgame entre système cognitif et intelligence, le premier étant l'environnement dans lequel la seconde évolue, une évolution non pas qualitative mais formelle.
Par analogie, si l'intelligence est l'eau (H2O), alors dans un certain système cognitif, elle formera des glaciers et des banquises, dans un autre des cours d'eau et des lac, dans un autre encore des mers et des océans et encore dans un autre des nuages et des précipitations.
Mais elle reste fondamentalement la même intelligence (H2O).
L'homo sapiens possède les mêmes capacités intellectuelles, fondées sur sa physiologie, depuis 300 000 ans, quelque soit son époque.
Et c'est notre système cognitif, la façon dont nous nous percevons et comprenons, ainsi que l'univers dans lequel nous évoluons et dont nous faisons partie, qui change au cour du temps, en fonction de nos expériences et donc de nos sens.
Et ce n'est pas faire injure aux êtres humains du paléolithique, du néolithique ou même du XIXieme siècle, que de considérer qu'ils n'ont pas formellement le même système cognitif.
Ce serait même retomber dans les travers des ethnographes, dénoncés par Narduccio, que de ne pas le faire.
D'autant plus que c'est cette diversité cognitive qui fonde la diversité culturelle de notre espèce, et qui fait de nous des individus si différents les uns des autres.
J'espère que cela dissipe pour tout le monde l'illusion que je puisse prendre les homo sapiens, quelques soient leurs époques, pour des abrutis.


Ben, depuis quelques décennies, les paléoneurologues se posent beaucoup de questions sur ce point précis : L'homo sapiens possède les mêmes capacités intellectuelles, fondées sur sa physiologie, depuis 300 000 ans, quelque soit son époque. Il y a 30 ans, on pouvait écrire que la différence entre l'homme de Cro-magnon et l'homme moderne était simplement culturelle. Bref, si on allait "cueillir" un enfant Cro-Magnon et qu'on l'éduquait comme on éduquerait nos enfants, il serait strictement identique à eux. Mais, les premiers sapiens n'ont pas tout à fait la même forme de crane que la nôtre. Et les traces qu'on découvre à l’intérieur des cranes fossiles montrent qu'une partie de notre cerveau a évoluée. Si on compare les volumes ... hé bien notre cerveau est un tout petit peu moins volumineux, en moyenne que celui de nos ancêtres d'il y a 50 000 ans. Est-il plus efficient ? Excellente question à laquelle ne répondent pas réellement les spécialistes du développement du cerveau. En fait, on ne sait pas si nous avons les mêmes capacités intellectuelles. Et même si nous avons les mêmes, vous oubliez un détail : les sociétés humains évoluent en interaction. On n'a pas les mêmes interactions et les mêmes questionnements quand on vit dans un groupe de 15 personnes que quand on vit en interaction avec des dizaines de milliers de personnes.

Je n'ai jamais trouvé de livre qui condense ce qu'on lit dans quelques lignes de tel ou tel article écrit dans des revues spécialisées à ce sujet. Certains préhistoriens mettent en avant la capacité pour un groupe d'humains d'avoir plus de capacité d'analyse que celle qui est propre à une seule personne. Certains semblent même croire qu'un groupe peut être plus intelligent que la somme des intelligences des personnes qui le composent.

Nos ancêtres n'étaient pas des abrutis, mais ils vivaient dans un monde différent du notre, avec des cultures différentes, et des contingences différentes. C'est pour cela que dans les livres d'un Jean-Paul Demoule, ou d'autres spécialistes, il y a pas mal de conditionnel. Sur ce forum, je me suis souvent rendu compte qu'il est très compliqué pour une personne du XXIe siècle de comprendre la mentalité des personnes qui vivaient au XVIIIe siècle, alors quelqu'un qui vivait il y a 10 à 15 millénaires, je n'aurais pas la prétention, ni de le comprendre, ni de savoir expliquer ce qu'il fait ou pense. Je constate que c'est aussi le cas dans la plupart des livres de préhistoriens modernes que je lis. Ils constatent des faits, ils posent des hypothèses. Il est rare qu'ils tranchent ou qu'ils soient aussi affirmatifs que vous l'êtes. C'est, en fait, le plus gros reproche que l'on peut vous faire. Il semble que vous estimez être capable de comprendre à quoi ils auraient pu penser. Comme je l'ai dit, je n'aurais pas cette prétention.

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Message Publié : 12 Avr 2021 1:22 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Sisyphos a écrit :
Narduccio a écrit :
Sapiens a aussi sûrement été un chasseur qui a appris à "vivre sur un troupeau", cela conduit les peuples qui pratiquent cela à suivre, à surveiller, et donc à observer en permanence le troupeau qui va leur fournir leur subsistance.

Est ce une conviction personnelle ? Si oui, sur quoi la fondez-vous ? Si non, pouvez vous, svp, me communiquer vos sources afin que j'enrichisse ma réflexion ?


Plusieurs articles dans de nombreuses revues où j'ai lu des articles sur cette période qui m'intéresse beaucoup.
Au fait, j'ai donné une référence récente dans l'une de mes précédentes interventions. Vu la manière dont en parlent les spécialistes de l'époque, il me semblait presque qu'il s'agissait d'une évidence. Et, c'est est une quand on prend le temps d'y réfléchir.
Sisyphos a écrit :
Narduccio a écrit :
Vivre sur un troupeau impose une démarche très proche de celle des éleveurs où un groupe relativement réduit d'humains reste à proximité d'un troupeau,
mais en le laissant divaguer à sa propre initiative. D'après certains spécialistes, c'est une pratique qui aurait amené à l'élevage, tout simplement.
Donc, on prélève plus ou moins régulièrement certains individus, mais sans que ne soit remise en cause la viabilité du troupeau.

Et pourquoi passer par ce stade transitoire, plus chronophage et énergivore que la chasse "normale" et l'élevage, qui consiste surtout dans un premier temps à maintenir captif et à disposition des animaux sauvages, alors que toutes nos avancés techniques visent à nous faire gagner du temps et/ou économiser notre énergie ?
D'autant plus que cela implique de passer d'un système cognitif "Acteur", propre à tous les animaux, à un système cognitif "Pasteur", qui nécessite une dissociation d'avec son environnement.
Étant donné que le système cognitif change par l’expérience du monde au travers de nos sens, et qu'il n'y a pas d'exemple d'animaux qui pratiquent le "vivre sur le troupeau"
dans l’environnement de l'homo sapiens paléolithique, qu'est ce qui pourrait être la cause de cette dissociation ?


Désolé, vous devriez vous intéresser à certains travaux réalisés par des éthologues. Certains se sont posés la question de savoir pourquoi certains herbivores semblaient apprécier de vivre à proximité de groupes de prédateurs. Cela semble contre-intuitif de prime abord. La réponse est pourtant simple, il vaut mieux avoir comme voisin un groupe de prédateurs qui va défendre son territoire et protéger indirectement le troupeau que d'être à la merci de plusieurs groupes de prédateurs. Il y a donc des troupeaux d’antilopes qui vivent à proximité immédiate de groupes de lions. Et apparemment, ces troupeaux prospèrent plus que ceux qui ne sont pas dans ce cas.

Second point, cette phase transitoire n'est pas "plus chronophage". En fait, prenons l'exemple des loups, qui sont aussi des super-prédateurs. Les loups semblent moins attachés à un territoire que d'autres prédateurs. En fait, ce serait parce que pour nourrir une meute, il faut régulièrement des proies d'une certaine taille capable d'offrir deux ou trois dizaine de kilo de viande. Les loups font des kilométrages impressionnants. Pour trouver leurs proies, ils font des dizaines de kilomètres. Donc, avec une assez grande dépense énergétique. Suivre et surveiller un troupeau, est bien moins chronophage. Un gamin peut rester en surveillance quand le troupeau broute et donner un signal dès que le troupeau se met en branle.

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