Pour commencer la discussion autour des Ménines, je voudrais faire quelques remarques quant à la position du spectateur dans ce tableau. C'est à mon sens la première observation qui nous vient à l'esprit en le regardant.
En effet, quand on regarde ce tableau, la première chose que l'on voit, que l'on ressent, c'est qu'on est regardé, oppressé.
Regardé par le peintre qui jette un coup d'oeil furtif. Il faut mettre en lumière l'importance de la mise en abîme dans cette oeuvre: le peintre nous regarde et fait face à un tableau que nous voyons de dos. Surtout, il y a ces petits êtres difformes qui nous regardent aussi. Or c'est vers eux, en raison de leur difformité et de leur place centrale sur le tableau, que notre regard se porte en premier lieu: est-ce à dire que nous sommes aussi difformes et étranges qu'eux puisque tout le monde semble nous regarder. Même les "vrais modèle" fictifs que l'on aperçoit dans le miroir du fond nous regardent par la médiation de cet objet, tout en nous tournant le dos. Il y a donc, animal compris, au moins 9 personnes qui nous regardent avec attention. Au travers de leur visage, peut-être pouvons nous apprendre des choses sur nous?
Il est intéressant de dresser des parallèles. Avec un tableaux de Joseph Ducreux d'abord, dont une des versions se trouve au Louvre,
Le portrait de l'artiste sous les traits d'un moqueur:
Ce qui est intéressant, c'est que c'est d'abord un auto-portrait, c'est à dire que ce qui est représenté se trouve hors du tableau (ce qui n'a rien que de logique), mais surtout face au tableau. Le miroir du fond des Ménines a grossi et occupe maintenant tout l'espace du tableau. Mais le plus surprenant, c'est l'attitude du peintre représenté qui se moque lui aussi de nous...
Pour aller encore plus loin, il faut s'en remettre à un tableau de Duane Hanson datant de 1970:
Tourists
Effectivement, si nous ressemblons à ces touristes lorsque nous regardons
Les Ménines ou le tableau de Ducreux, on comprend aisément que les personnages des tableaux se moquent de nous! La mise en abîme atteint son degré maximal avec Hanson: nous nous regardons en train de regarder des gens comme nous qui regardent, etc, etc. On pourrait se demander si le tableau d'Hanson n'est pas le tableau que nous voyons de dos et que peint l'artiste dans les Ménines de Vélasquez...
Voilà pour les premières réflexions sur la place et le statut du spectateur dans les Ménines, en espérant que quelqu'un ait une remarque à faire...