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Tout d'abord, de nombreux artistes de nus, surtout à la Renaissance, sont homosexuels (ce n'est pas qu'un cliché, même s'il ne faut pas généraliser, bien sûr. Au premier plan, Michel-Ange, auteur du célèbre David, qui est pourtant un nu héroïsé, mais aussi des esclaves du Louvre, dont le mourant a un modelé androgyne, ou encore de la bataille des centaures où les corps masculins entremêlés ont une forte chargé érotique. On trouve des nus masculins érotiques chez d'autres artistes : le David de Donatello, par exemple, dans les figures androgynes de Léonard (saint Jean-Baptiste du Louvre) ou chez Pérugin.
Je suis tout à fait conscient que certains artistes aient été homosexuels, et qu'ils ont érotisé le corps masculin, et j'apprécie pleinement le sens (et la beauté) des oeuvres que vous citez ;
cependant, c'est l'érotisme hétérosexuel et la célébration érotique du corps féminin qui dominent
numériquement dans les représentations de nus dans nos musées, pour des raisons évidentes de domination de la représentation artistique par des peintres masculins hétérosexuels, et de domination corrélative du point de vue masculin et de la culture hétérosexuelle dans l'art.
Je m'étais une fois amusé avec des amis à comptabiliser les représentations de nus masculins et de nus féminins dans une demi-douzaine de salles du Louvre (l'épuisement arrive vite): les nus féminins l'emportaient de beaucoup.
De plus, le traitement du nu par des hommes est forcément, pour les raisons ci-dessus, différent lorsqu'il s'agit d'autres corps masculins: dans les représentations mythologiques, les exemples que vous donnez ne sont que des exceptions, et les hommes y sont le plus souvent présentés comme des sujets, c'est-à dire actifs/virils, et non érotisés, passifs et sexuellement offerts.
C'est la mise en évidence de l'agentivité voire de l'agressivité masculines--le fait d'accomplir avec courage et détermination des actions remarquables--qui est essentiellement traité dans le nu masculin dans la peinture mythologique, tandis que les femmes nues y sont par contre montrées le plus souvent comme objets sexuels purs.
Enfin, ¨même dans le cas d'artistes homosexuels, et à peu d'exception près, l'érotisation du corps masculin est plus discrète, pour des raisons de nouveau évidentes: même dans l'Italie du XVIe siècle, les homosexuels savaient que leurs inclinations étaient tout au plus tolérées et qu'ils devaient faire preuve d'une certaine prudence dans leur expression artistique.
Le regard du peintre n'est pas asexué, et les considérations de genre doivent être prises en compte dans l'art comme ailleurs. Pour mettre ceci en évidence, essayez un peu d'imaginer l'inverse du tableau bien connu de Manet que vous citez: trois hommes complètement nus en plein air sous le regard de trois femmes totalement habillées...
Vision incongrue voire dérangeante, non?