Intéressante discussion, j'aimerai y participer !
L’art ne peut-il n’être que figuratif, ou bien, peut-il aussi intégrer l’art concret et abstrait ?
Il est vrai qu’un certain nombres d’œuvres abstraites (au sens large) sont très réussies dans leur intensité expressive. Par contre, pour un panel non exhaustif d’œuvres “abstraites” combien sont de vraies fumisteries ? il semble que la statistique conduit à un résultat bien supérieur à un même échantillon d’œuvres figuratives. Pour la bonne raison que l’interprétation de la caractéristique artistique des premières est nettement plus large avec une possibilité d’argumentation pléthorique !
Une œuvre figurative ne jouit pas hélas de ce noble statut, elle est immédiatement lisible et sanctionnable dans l’instantanéité ! La qualité d’exécution du travail est immédiatement interprétable (respect de la perspective, respect de la vraisemblance, respect des couleurs et de la lumière…). La représentation du sujet traité apporte-t-elle un plus artistique par rapport à une vulgaire copie picturale de la nature ? Facile à prouver. Par contre, toutes ces exigences figuratives imposent à l’artiste un vrai travail de création, de finition, de composition, etc, pour magnifier cette nature.
En conclusion, avec l’art brut, on ne manipule qu’un concept pour faire de l’art, avec l’art figuratif, il faut savoir maitriser son pinceau, ce qui requiert déjà une certain expérience. Souvent des historiens nous sortent leurs citations favorites, mais c’est là tout l’écueil qui existe entre l’analyse d’un historien de l’art non praticien ou d’un amateur d’art et la réalité physique et intellectuelle d’une œuvre.
Il est vrai qu’en art abstrait les a priori graphiques ou intellectuels n’existent pas, il n’y a aucune technique à critiquer, on est directement dans le concept… Par contre, on peut concevoir qu’une œuvre plastique “abstraite” soit artistiquement convaincante. Il faut tout de même que l’artiste soit intervenu dans son élaboration et que l’impulsion expressive qui en résulte soit due, non pas au fruit du hasard, mais essentiellement au talent de l’artiste.
A ces derniers je répondrais que la nature est nettement plus complexe que le plus débridé délire intellectuel, fut-il fortement coloré et décorativement équilibré. Par ailleurs, le peintre ne peint jamais l’exacte réalité, il la recrée pour la magnifier et lui rajoute sa propre vision ainsi que son filtre artistique pour créer une symbolique universelle remplie d’humanité.
Donc, l’art abstrait et l’art figuratif sont tout deux possibles, avec une réserve toute spécifique au premier : le doute technique qui induit une valeur artistique ajoutée qui serait sujette à caution. Ici, l’analyse et le jugement sont amendés. Ce n’est plus l’œuvre qui sera jugée, mais l’ensemble des œuvres ou une grande partie du travail de l’artiste pour y rencontrer un style reconnaissable et non aléatoire. Pour une œuvre figurative, celle-ci se suffit à elle-même pour la qualifier ou non d’artistique.
A vous de tirer les conclusions qui s’imposent. Le problème avec des artistes réputés comme Rothko, c’est que l’Art passe d’un statut noble à celui d’un vulgaire artisan pour nuanciers décoratifs exposables dans vos salons ! J’ai rien contre les nuanciers décoratifs, mais les élever au rang d’œuvres universelles, c’est un petit peu pousser fort le bouchon ! Où est la dimension humaine de ces œuvres ? Toute cette problématique a pour origine la naissance des critiques d’art, apparus vers le second empire et, qui ont totalement perverti la vraie valeur artistique pour la confiner dans des discours hermétiques où le concept devient l’œuvre et ou l’œuvre disparait totalement derrière le concept ! Une valeur artistique doit provenir de l’œuvre elle-même et pas du discours d’interprétation d’un commerçant fusse-t-il professionnel. C’est justement à partir du moment où l’Art est réquisitionné par des marchands boursicoteurs qu’il perd sa dimension humaine et son message originel. Une œuvre doit exalter la condition humaine et comme nous évoluons dans un monde de lumière, d’objets et de corps humains, il est nécessaire de créer à partir de cette réalité et pas de créer des concepts imaginaires sensés représenter la condition humaine.
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Abordons la problématique d’une éthique à l’œuvre artistique ! Si pour un artiste la seule participation intellectuelle est d’avoir su dévisser deux boulons sur un mur, avoir voler un bien public, puis mis l’objet sorti droit d’une usine, dans un musée (le fameux urinoir de Duchamp) cela s’appellerait de l’art selon les boursicoteurs d’art ou les critiques d’art ! Et bien je dis non ! Je ne rentre pas dans ce délire où seule l’idée du concept artistique deviendrait la seule variable d’un objet prétendu “œuvre”. Non, le travail d’un artiste sur son œuvre (sa création) est de donner à son œuvre sa nature artistique et pas juste, de discourir d’art en plaquant sur un objet manufacturé dans l’usine du coin, son estampille créatrice.
Ces critiques d’art, nés sous le second empire, qui manipulent l’opinion publique, ont tout perverti, ils confondent tout et n’ont même plus une notion réaliste de ce qu’est un artiste, qu’ils croient, à tort ou à raison, qu’il puisse s’agir d’un bonimenteur ou d’un escroc !
Dans ce cas, la nature serait aussi un objet exposable ! Il suffirait de déraciner un arbre et de le mettre en plein musée pour en faire une œuvre d’art et pourquoi pas se prétendre artiste conceptuel d’un arc en ciel !?? … Une œuvre d’art ne peut exister légalement si elle n’est pas incluse dans une technique artistique et qu’elle ne soit le fruit du travail d’un artiste ! Le fruit d’un travail d’un artiste : cela veut dire que l’œuvre est obligatoirement le résultat matériel et intellectuel de l’artiste créateur. Un artiste ne peut pas prétendre avoir “découvert” une œuvre ! Comme une œuvre ne peut exister sans être le fruit d’un artiste ! Sinon, cela voudrait dire, puisque l’artiste n’y est pour rien !, que l’art peut être même réalisé sans l’artiste ! Imaginons deux secondes qu’une ruche d’abeilles qui fabriquent leur gâteau de cire (les fameuses alvéoles hexagonales) soit transporté dans un musée par un artiste qui prétendrait avoir réalisé une œuvre d’art ! Il y aurait escroquerie ! Puisque les vrais créateurs de l’œuvre sont en réalité les abeilles ! même parallèle avec l’urinoir de Duchamp, ce n’est pas Duchamp le créateur mais l’ouvrier qui a participé dans l’usine à la fabrication de l’objet !
CONCLUSION
La sensibilité exprimée par une œuvre doit être exprimée de façon claire et non équivoque. L’art d’aujourd’hui est trop souvent obscur, confus, mal ficelé , intellectuellement simpliste, uniquement démonstratif et se suffisant d’une forme dans l’ignorance du fond, pauvre techniquement et sans ambition ni universalisme.
Aujourd’hui, le goût de l’effort étant totalement banni et, avec ces beaux principes, plus besoin d’étudier la perspective, l’harmonie des couleurs, le clair-obscur, l’anatomie, la lumière… il ne reste que le barbouillage interprétable à l’envie ou carrément, l’objet du quotidien compilé et détourné, l’objet technologique ou industrialisé posé sur un socle au musée ou l’idée sacro-sainte élevée au rang d’art et fabriquée par une équipe d’anonymes besogneux. L’art transformé en business en est également une cause déterminante, puisque qu’aujourd’hui l’art est un investissement refuge pour des toiles qui atteignent des sommets monétaires. La dictature de l’art abstrait et concret en est une autre, qui voudrait que l’art ne soit plus jamais une représentation de la réalité mais un refus total de la matière réelle ou l’œil est élevé au rang “d’instrument de l’esprit”. Cet art là ne peut que confiner à une esthétique géométrisante et coloriste ! C’est la réduction du domaine de l’Art pictural à une représentation unidimensionnelle sans référence, sans lien social, sans sens politique, sans narration et dédié uniquement à un algorithme neuronal de cruciverbiste de l’Art.
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