On ne sait pas où est passé ce tableau, qui se trouvait à l'infirmerie Marie-Thérèse à Paris, institution créée par l'épouse de Chateaubriand en 1819. La duchesse d'Angoulême en inaugura la chapelle en 1822 et laissa son nom à l'établissement.
Vous pourrez en apprendre plus sur ce tableau grâce à l'article de Mme Geneviève Haroche-Bouzinac (Dossier de l'Art, n°150 (9 €) - mars 2008, pages 40 à 42). Je n'en citerai que la fin qui aborde le problème de sa disparition :
Citer :
[...]
Dans l'opuscule que le chanoine Baurit consacre en 1974 à l'infirmerie, il prend acte de la disparition et suppose que ce tableau "particulièrement séditieux" a été détruit par les Communards qui se seraient introduits dans l'établissement.
Si cette hypothèse va dans le sens des clichés répandus sur la Commune, elle n'en est pas moins fausse.
Un témoignage innocente les insurgés, celui de Louis Hautecoeur. Cet éminent membre de l'Institut prouve qu'en 1914 le tableau était toujours en bonne place.
Louis Hautecoeur fait le récit de sa visite à l'infirmerie Marie-Thérèse et découvre une oeuvre qu'il ne trouve pas - "hélas", dit-il - à la hauteur du reste de la production du peintre. Il n'en publie pas moins la seule reproduction - presque une vignette - dont nous disposons aujourd'hui.
A l'époque où Louis Hautecoeur décrit le tableau, malgré la séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'infirmerie Marie-Thérèse appartient toujours au diocèse qui la gère.
Treize années plus tard, en 1927, François Rousseau consacre un article à la demeure de Chateaubriand :
"On y voyait autrefois, dit-il, un tableau de madame Vigée-Lebrun qui avait pour sujet l'apothéose de Marie-Antoinette. Il a disparu".
François Rousseau a donc entendu parler du tableau, peut-être l'a-t-il vu lui-même; il ne propose pas d'explication.
Il ne nous reste aujourd'hui que des hypothèses. Entre ces deux dates, 1914 et 1927, plusieurs événements pouvaient avoir motivé le déplacement d'un tableau aussi séditieux. Trois types de piste entrent en concurrence. La piste idéologique tout d'abord : en 1924 eut lieu la fête du premier centenaire de l'institution. Des discours furent prononcés, des laïcs furent invités.
Quelque officiel pourrait avoir ordonné de remiser temporairement le tableau subversif, qui depuis n'aurait jamais reparu.
La précaution sécuritaire, ensuite : d'une part, le conflit de 1914-1918 et les risques qu'il pouvait faire courir aux oeuvres d'art a pu décider un administrateur à mettre le tableau à l'abri; d'autre part la campagne de travaux, avec la construction d'une aile supplémentaire, a réduit la surface de la chapelle et détruit l'antichambre où figurait la toile. Le tableau aurait alors été affecté dans un autre lieu. Toutefois dans ce cas, une trace écrite aurait subsisté.
Enfin, l'hypothèse d'une indélicatesse n'est pas à écarter, puisque les tableaux de Guérin (la Vierge en lumière) et de Mignard (Sainte Catherine ou sa copie) manquent également à l'appel.
Jusqu'à présent, les archives n'ont pas donné le mot de l'énigme, et cette effigie étrange manquera à la galerie des images de Marie-Antoinette, jusqu'au jour, prochain peut-être, où un promeneur averti reconnaîtra dans la pénombre d'une chapelle éloignée le dernier hommage de Mme Le Brun à sa reine.
Geneviève Haroche-Bouzinac,
professeur à l'université d'Orléans