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Message Publié : 15 Juil 2012 16:41 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
Message(s) : 2683
Bien que detestant céline en raison de ses positions politiques, je viens de me pencher sur sa biographie et découvre avec stupeur que
- il s'est volontairement engagé sous les drapeaux à 18 ans en 1912
- il est rapidement promu : brigadier en 1913, maréchal des logis en mai 1914 (à 20 ans !)
- il n'a combattu que trois mois puisqu'il a été blessé dès la fin octobre 1914
- il reçoit la croix de guerre et une citation
- il est définitivement réformé dès janvier 1915.

Bref un parcours curieux qui ne révèle pas un antimilitariste farouche (engagé volontaire puis des promotios rapides) et une période combattante très courte - mais probablement traumatisante certes. Cela étant on est bien loin d'un ancien combattant qui aurait fait 4 ans de tranchées et Verdun !...

Comment dans ces conditions expliquer la virulence antimilitariste qui caractérise son oeuvre? aspirait il à une guerre romantique avec héroïques charges de cavalerie et a-t-il été déçu ?

et comment cet antimilitarisme était il apprécié à Vichy ? ou par les milieux collaborateurs que céline fréquentait à Paris?

quel est votre avis ?


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Message Publié : 15 Juil 2012 17:16 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 12 Mai 2012 3:13
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Au contraire je trouve que Céline est sans doute l'un des plus grands écrivains français.

Citer :
Comment dans ces conditions expliquer la virulence antimilitariste qui caractérise son oeuvre? aspirait il à une guerre romantique avec héroïques charges de cavalerie et a-t-il été déçu ?


Faut-il vivre l'expérience de la guerre pour être antimilitariste ? Là est la question.


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Message Publié : 15 Juil 2012 18:38 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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ue

Bref un parcours curieux qui ne révèle pas un antimilitariste farouche (engagé volontaire puis des promotios rapides) et une période combattante très courte - mais probablement traumatisante certes. Cela étant on est bien loin d'un ancien combattant qui aurait fait 4 ans de tranchées et Verdun !...


J'ai plusieurs bios de Céline, je n'ai pas le temps de les vérifier toutes, mais celle de Buin (2009), raconte que:
Céline s'est engagé en octobre 2012, en devançant l'appel, dans le 12ème régiment de cuirassiers (cavalerie lourde donc) stationné à Rambouillet. Bien qu'ayant peur des chevaux au début, il deviendra un cavalier acceptable, selon ses supérieurs.
Il est entouré, d'après ce qu'il raconte, de recrues parlant à peine le Français, paysans de la Bretagne bretonnante, et de sous-offs alcooliques, abrutis ou sadiques, et passe son temps à manipuler du fumier, sur un fond d'ennui profond.
De cette vie de caserne, il tire une mauvaise idée de l'armée française, qu'il voit comme imbue d'elle même, sans (à son avis) les compétences ou l'héroisme justifiant cette haute opinion.
Cependant, lors de la déclaration de guerre, il succombe lui aussi à l'ambiance patriotarde, et part avec assez d'enthousiasme avec le 2ème escadron du régiment de cuirassiers, finalement stationné en Argonne. Il entend le canon mais son escadron n'y est pas engagé dans les combats. En septembre 14, ils avancent sur Verdun--encore relativement tranquille--et parviennent au fort de Troyon, où ont lieu des combats assez durs, le régiment manque d'être encerclé à Saint Mihiel.
Après un re-passage par Torcy, le 12ème cuirassier est envoyé à Armentières, où ont lieu des combats dont les Français sortent vainqueurs, dont les batailles pour le contrôle des ponts de la Lys et de la Deule, jusque vers Comine (Noirceur sur la Lys dans le Voyage).
Vers le 15 octobre, le 12ème cuirassiers entre en Belgique; les affrontements sont violents, et cette fois ci, c'est l'armée française qui recule sur Poelkapelle et Langemark.
Le 27, s'étant porté volontaire pour une mission de liaison sous le feu de l'ennemi, Céline est blessé gravement, à l'épaule et au bras droit (humérus fracturé par une balle)--et non à la tête, comme le prétend la légende littéraire qu'il a lui-même répandue.
Deux jours après, on lui enlève la balle à l'hôpital de Hazebrouk--sans anesthésie, il l'a refusée--mais l'opération lui laissera des suites douloureuses et invalidantes: paralysie des extenseurs de l'avant-bras, hyperesthésie du nerf radial, ankylose du coude. La convalescence de LFC se déroule juqu'au 1er décembre à Hazebrouk, puis il est muté au Val de Grâce. Ses parents et amis qui le visitent à l'hôpital le décrivent comme "hagard, fébrile,agité, quasi-insomniaque, choqué par sa blessure et ce qu'il a vu sur le champ de bataille".
Sa guerre est donc finie, mais il en ressort traumatisé, physiquement diminué (altération du tympan et de l'oreille interne consécutives aux déflagrations et donnant lieu à des céphalées, vertiges, et troubles divers)-- et converti au pacifisme.
C'est au Val de Grâce, le24 novembre, qu'il est décoré de la médaille militaire. Il quitte cet hôpital pour l'hôpital auxiliaire boulevard Raspail, puis pour l'hôpital de Villejuif, où le professeur Gustave Roussy (dépeint sous le nom de Professeur Destombes dans le Voyage) le convainc de subir une opération, qui a lieu, avec des résultats mitigés--ses divers troubles subsistent.
Il est envoyé à l'hôpital de Vanves le 22 février 15,où il restera jusqu'en mars.
Fin mars, il revient à Paris, d'où il partira pour aller en GB.

Citer :
Comment dans ces conditions expliquer la virulence antimilitariste qui caractérise son oeuvre? aspirait il à une guerre romantique avec héroïques charges de cavalerie et a-t-il été déçu ?

Beaucoup de combattants de 14/18 sont revenus de la guerre antimilitaristes; le cas de Céline n'arien d'exceptionnel, ses blessures étaient sérieuses puisqu'elles ont nécessité plus de temps d'hospitalisation qu'il n'en a passé au front, et l'écrivain a pu être victime d'un cas relativement bénin de PTSD (syndrome de stress post-traumatique).

Citer :
et comment cet antimilitarisme était il apprécié à Vichy ? ou par les milieux collaborateurs que céline fréquentait à Paris?


Céline n'aimait pas Vichy, et on peut supposer qu'il n'en était guère apprécié en retour; son côté énergumène ne pouvait plaire dans ce milieu (apparemment) assez gourmé. Il fréquentait surtout des collaborateurs parisiens, et un peu l'ambassade allemande.


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Message Publié : 18 Juil 2012 19:04 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
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Je conseille la lecture de "casse-pipe" chez Folio, c'est là qu'il raconte sa guerre.

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 19 Juil 2012 0:21 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 12 Mai 2012 3:13
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Merci Tonnerre, votre contribution est très enrichissante.


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Message Publié : 20 Juil 2012 19:54 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Saladin a écrit :
Merci Tonnerre, votre contribution est très enrichissante.



et complète ce que je disais : engagé volontaire à 18 ans, maréchal des logis (sergent) à 20 ans, décoré pour un action héroïque... on ne voit guère d'hostilité à l'armée dans tout cela ?

je cherche toujours une date du basculement de l'héroisme du soldat exemplaire vers l'antimilitariste pathologique : Louis Ferdinand a-t-il réfléchi et changé d'avis après sa blessure (à l'hôpital par exemple) ou après la guerre ?

difficile de le savoir en lisant ses oeuvres qui ne sont qu'imparfaitement autobiographiques..


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Message Publié : 20 Juil 2012 21:13 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Je re-cite ce que j'écrivais ci dessus:

Citer :
De cette vie de caserne, il tire une mauvaise idée de l'armée française, qu'il voit comme imbue d'elle même, sans (à son avis) les compétences ou l'héroisme justifiant cette haute opinion.


Si l'on en croit ce biographe--qui se base entre autres sur les lettres que Céline écrivait à sa famille--l'aversion de Céline pour l'armée résulte de son expérience de l'armée.
De même que son pacifisme résulte de son expérience de la guerre.
Ce qui est parfaitement logique.
Je ne comprends donc pas bien ce qui reste obscur pour vous dans ces évolutions céliniennes 8-|


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Message Publié : 20 Juil 2012 21:30 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
Message(s) : 2683
Tonnerre a écrit :
Je ne comprends donc pas bien ce qui reste obscur pour vous dans ces évolutions céliniennes 8-|


C'estr pourtant simple à mes yeux : quand on deteste l'armée on n'est pas promis sergent aussi vite - quand on déteste la guerre on ne sporte pas volontaire pour des missions difficiles et on ne recoit pas de médaille !

De 1912 à 1914 le comportement du cuirassiers destouches semble correspondre au modèle du bon petit soldat - ce qu'il cache parfaitement dans "Le voyage" où il n'évoque jamais de volontariat ni d'héroisme... on a l'impression d'avoir affaire à un pauvre type qui n'est même pas patriote (il ne connait même pas la cause bi le prétexte de la guerre !). Un simple soldat mobilisé contre son gré. Rien à voir avec le "vrai" destouches. Pourquoi ce travestissement ?


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Message Publié : 21 Juil 2012 11:20 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Citer :
C'estr pourtant simple à mes yeux : quand on deteste l'armée on n'est pas promis sergent aussi vite - quand on déteste la guerre on ne sporte pas volontaire pour des missions difficiles et on ne recoit pas de médaille !


Mais non, justement, le lien que vous établissez entre ces deux points n'est pas automatique.
On peut très bien détester la guerre, considérer que c'est une sanglante stupidité, et pourtant vouloir se battre courageusement, ne serait-ce que par altruisme, par solidarité avec ses frères d'armes, par goût du panache, par sens du devoir, pour venger des camarades, par goût du risque ou témérité pure.
Un de mes parents a fait la guerre du Vietnam. Plutôt antimilitariste, il y est parti avec l'idée que cette guerre était absurde et inutile, il n'a pas particulièrement apprécié certains des gradés avec qui il est entré en contact non plus, et pourtant il a largement "fait son devoir" au point de recevoir plusieurs "Purple Hearts", "Bronze Stars" et "Silver Stars".

Citer :
De 1912 à 1914 le comportement du cuirassiers destouches semble correspondre au modèle du bon petit soldat - ce qu'il cache parfaitement dans "Le voyage" où il n'évoque jamais de volontariat ni d'héroisme... on a l'impression d'avoir affaire à un pauvre type qui n'est même pas patriote (il ne connait même pas la cause bi le prétexte de la guerre !). Un simple soldat mobilisé contre son gré. Rien à voir avec le "vrai" destouches. Pourquoi ce travestissement ?


Parce que c'est un roman, pas une autobiographie.
De même que son séjour en Afrique réel est fort différent des horreurs qu'il raconte sur "Fort Gono" dans Le Voyage, idem pour son séjour aux EU.
Céline stylise, grossit toujours le trait, voire invente de toute pièces pour présenter sa propre vision déformée de la réalité.
Vision toujours très noire et pessimiste.
Il cherche donc a présenter Bardamu comme un pauvre type absolument ordinaire, la victime type, un être ballotté par les événements partout et toujours, engagé dans des aventures qui le dépassent.
Ce que n'est pas exactement Céline: contrairement à l'image qu'il a donnée de sa famille (pauvre, socialement déclassée), il est en fait d'une origine plus bourgeoise et aisée que ce qu'il a raconté dans Le Voyage.
Et il a fait de bonnes études de médecine, et aurait pu faire une belle carrière de mandarin dans ce domaine, s'il avait été tenté par une réussite bourgeoise.
Donc, s'il racontait la vérité quand à son propre séjour à l'armée et au front--un homme qui devance l'appel, qui se porte volontaire pour des missions au lieu de suivre et subir passivement comme un mouton--il détruirait cette vision nihiliste de l'impuissance fondamentale et de la victimisation/destruction inéluctable de l'être humain qui est la sienne et qu'il veut transmettre littérairement.
Cela dit, si, il y a peut être une certaine revendication d'héroisme chez Céline: dans les narrations personnelles qu'il a faites pour son entourage de son passage au front, il prétendait toujours avoir été blessé à la tête, et même avoir été trépané, alors qu'il a été blessé au bras et à l'épaule.
D'ailleurs, ses biographes ont pris initialement cette légende au pied de la lettre, jusqu'au moment ou des biographes plus récents se sont avisés de vérifier ses dossiers militaires et médicaux.
Blessé à la tête, trépané, c'est plus dramatique, plus frappant et "littéraire" qu'une simple blessure à l'épaule. Céline ne cherche pas à relater ce qui s'est vraiment passé: pour mieux faire passer sa vision très sombre de la condition humaine, il affabule et recherche l'effet "coup de poing".


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