Pédro a écrit :
Oui bien entendu, mais certaines oeuvres populaires possèdent plusieurs niveaux de lecture. One Piece peut se voir comme un simple divertissement et l'accomplissement des héros par leurs volonté, thème typiquement shonen, ou alors comme une critique des rapports de pouvoir dans le monde, une critique du racisme, de l'intolérance, de l'ordre pour l'ordre... Bref, si les enfants le lisent peu pour cela il n'en reste pas moins que le thème est présent.
Tout à fat d'accord. One piece est beaucoup plus nuancé que la plupart des shonen d'aventure, avec des personnages souvent ambivalents et qui changent de camp, ou sont en contradiction avec leur camp, même s'il existe des gentils et des méchants. Il place un rapport de pouvoir très intrigant dans un manga, avec des personnages positifs qui sont en rébellion ouverte contre un pouvoir officiel très construit, avec plusieurs classes de personnages, nobilité toute puissante (mais peu présente), pouvoir exécutif omniprésent et omnipotent (la marine) générant une opposition politique (quelque chose comme "armée rebelle") et une confédération de royaumes où le souverain peut être bon ou mauvais, alors même que la nature globale du pouvoir relève du mauvais camp. Alors que dans la plupart des mangas fantaisistes du même genre (la comparaison la plus proche me paraissant être fairy tail, beaucoup moins fin sur le plan politique), les gentils s'insèrent dans les structures de pouvoir, et tendent à les stabiliser, c'est l'inverse dans One Piece, où le camp "gentil" (pirates - mais pas tous les pirates) est un camp en opposition au pouvoir, même si celui-ci le tolère dans une certaine mesure, voire fraye avec lui. La stabilité du monde ne peut être assurée que par l'équilibre des deux camps, ce qui est sensible dans la hiérarchie des personnages puissants.
Une amie qui a travaillé sur les représentations visuelles dans le manga il y a déjà une dizaine d'années me disait aussi que le fait que le héros principal ait des cheveux noirs (grosso modo, c'est le héros japonais par excellence, porteur d'une certaine neutralité) était une étrangeté dans des mangas de ce type. Je regrette de ne pas avoir poussé la conversation plus loin sur ce point.
Il y a un côté très libéral, voire libertaire dans ce manga ; le héros choisit qui il met dans quel camp, et ce, en dehors de toute structure de pouvoir (il peut aider un roi ou le destituer, tout comme il peut s'allier à un pirate ou s'y opposer) ou de lignée (les héros se construisent sans famille ou contre elle). Cela fait écho, pour moi du moins, à la manière dont la société japonaise considère sa marginalité : très peu d'affaire portées en justice, mais des arrangements plus ou moins à l'amiable par pression sociale, et des organisations mafieuses plus ou moins tolérées afin de juguler les délinquants, et le besoin d'être dans une structure, même illégale, pour avoir une existence sociale.
Je ne suis plus One Piece depuis pas mal de temps (c'est quand même 80% de "je fais un gros boum ; tu fais un boum encore plus gros"
), mais j'ai souvenir que les épisodes entre les arcs étaient très révélateurs sur cette construction politico-sociale d'un monde presque totalement fantaisiste. On a l'impression que l'auteur à créé dès l'origine le cadre socio-politique, les hiérarchies et les rouages sociaux, alors que très souvent, ceux-ci sont des raccommodages au fil des besoins, et soumis à l'aspect commercial du manga (qui se continue tant qu'il est lu).