Il est très clair que la création de l'Académie entre dans le contexte des progrès de l'absolutisme.
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LE FRANCAIS,LANGUE DE LA NATION
L’extension de l’usage du français (et, qui plus est, d’un français qui puisse être compris par tous) est proportionnelle, pour une large part, aux progrès de l’administration et de la justice royales dans le pays. Inversement, l’essor de la langue française et la généralisation de son emploi sont des facteurs déterminants dans la construction de la nation française.
Deux articles de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, signée par François Ier en août 1539, donnèrent une assise juridique à ce processus :
Article 110 : Afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence des arrêts de justice, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait, ni puisse avoir, aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demander interprétation.
Article 111 : Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus dans lesdits arrêts, nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel français et non autrement.
Ainsi la vie publique du pays était-elle indissociablement liée à l’emploi scrupuleux (afin de ne laisser « aucune ambiguïté ou incertitude ») du « langage maternel français ». Ce texte fondateur doit être rapproché de la Deffence et Illustration de la langue françoyse (1549). Le manifeste du groupe qu’on appellera plus tard la « Pléiade » proclame, exactement dix ans après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, l’excellence et la prééminence du français en matière de poésie. On le voit, l’attachement résolu à la langue française répond à une exigence à la fois politique, juridique et littéraire.
C’est la même exigence qui conduit à la création de l’Académie française en 1635. Selon les termes de Marc Fumaroli, Richelieu a fondé l’Académie pour « donner à l’unité du royaume forgée par la politique une langue et un style qui la symbolisent et la cimentent ». Ainsi, l’article XXIV des statuts précise que « la principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ».
Le dispositif imaginé par Richelieu était si parfait qu’il a franchi les siècles sans modification majeure : le pouvoir politique ne saurait sans abus intervenir directement sur la langue ; il laisse donc à une assemblée indépendante, dont le statut est analogue à celui des cours supérieures, le soin d’enregistrer, d’établir et de régler l’usage. En matière de langage, l’incitation, la régulation et l’exemple sont des armes bien plus efficaces que l’intervention autoritaire