Vézère a écrit :
En 1960 en France métropolitaine, 96% des habitants sont baptisés.
Vous êtes certain de ce chiffre, Vézère ?
Quand on connait le score du PCF en 1960 (Je dirais au moins 30%) ce chiffre un peu curieux évoque irrésistiblement le camarade Bottazzi, dit Peppone, amenant baptiser son nouveau né :
- Comment allez-vous l'appeler ?
- Lénine.
- Alors, allez le baptiser à Moscou !
(Le bambin finira avec le doux nom de Camillo Lénine Bottazzi, il me semble...)
Merci d'avoir recherché ces chiffres, qui donnent un éclairage certes très moyen, mais très loin de l'écroulement total que les 3% suggéraient.
Au passage, sans vouloir plomber l'ambiance, on obtiendrait sans doute un chiffre désespérant pour l'Eglise, en regardant non pas les fidèles, mais l'écroulement des vocations.
Je note qu'en 2010 65% des Français se disent catholiques, ce qui est considérable, mais que 10% seulement vont à la messe au moins une fois par mois. (J'interpole à la louche ces 10% en prenant les deux chiffres qui encadrent 2010, avant et après.)
La conclusion est immédiate : nous avons des Français qui se disent catholiques, en forte proportion... mais qui ne vont plus à la messe !
Ils vont à l'église pour les baptêmes, les mariages et les enterrements...
(On peut se demander ce que signifie pour eux "être catholique", mais même sans évoquer leur foi, c'est au minimum une forte empreinte culturelle qui persiste durablement.)
Mon parrain râlait volontiers - et ses collègues confirmaient - que les messes de mariage soient parfois un vrai cirque, la fête commençant dans cette vénérable enceinte où le caractère sacré de la cérémonie passait très au dessus de la tête d'une bonne partie de l'assistance. Blagues douteuses, commentaires à haute voix, ovations, chants, rejouer la scène pour les caméras... (une fois, il s'est éclipsé, sans que personne s'en aperçoive. Puis il s'est ravisé - je ne peux pas leur faire ça - et est retourné embarquer les mariés de façon ferme pour qu'au moins le registre paroissial soit signé.)
Mai comparer avec la situation du catholicisme à l'étranger, amène pour moi à ce constat fréquent : là où le catholicisme compte encore un nombre important de pratiquants, il va de pair, souvent, avec une conception religieuse d'une autre âge.
C'est le cas en Amérique latine et centrale, et même dans un pays aussi évolué que les USA, il faut voir de quelle religion on parle : 50% des Américains non seulement croient à l'existence des anges autour d'eux (pourquoi pas...) mais pensent également que ces anges interviennent matériellement - ou physiquement, comme on voudra - dans leur vie quotidienne.
C'est un catholicisme à l'ancienne, entaché de superstitions et de refus de la science. Pour reprendre la formule de Barbetorte, il semble que
les facteurs psychologiques qui fonctionnaient encore en 1860... y fonctionnent toujours.
(A une époque certains évêques américains - dans les états de l'Ouest, dont la Californie, je ne saurais être plus précis - avaient entrepris de faire signer à toutes leurs ouailles une attestation confirmant qu'ils condamnaient l'avortement, un refus de signer entraînant une excommunication.
C'est Jean-Paul II qui fit mettre le hola à cette pratique.)
Et on ne parle pas de la croyance créationniste, ou de sa variante plus astucieuse, "
l'intelligent design" qui ne nie plus Darwin, mais postule que Dieu a créé l'univers avec un paramétrage physique qui devait conduire l'évolution à faire apparaître un homme à son image.
Il est vrai que la position créationniste stricte est difficile à tenir, mais elle compte encore nombre de partisans. (Position illustrée par ce mot impérissable d'un évêque américain, à l'époque des premiers débats sur Darwin :"Dieu a créé le Monde en 6 jours,
fossiles compris" !)
Et je compte pour rien le total des dédommagements obtenus par des fidèles victimes, enfants ou adolescents, d'abus sexuels. On parle en centaines de millions de dollars, voire en milliers, au point, il me semble, que le Vatican a été sollicité pour contribuer à éponger une addition qui dépassait les capacités de l'église des USA.
(Toujours et partout, le magister de célibataires très respectés s'accompagne de ce phénomène, qui peut toucher aussi d'autres activités que la religion, l'homme est ainsi... Si la très catholique Irlande semble avoir battu tous les records en ce domaine, on s'aperçoit aujourd'hui que les langues se délient un peu... dans certains pays musulmans, où commencent à sortir des affaires qui ne sont certainement que la parti émergée d'un épouvantable iceberg. Qui veut faire l'ange...)
En pensant à l'Irlande et à la Pologne, pays les plus catholiques d'Europe, où le catholicisme a longtemps joué le rôle de défense identitaire, je me demandais si cet aspect identitaire ne joue pas un rôle dans tous ces pays de catholiques de tradition.
L'Amérique latine est intéressante, de ce point de vue : dans les pays andins, ce qui recouvre la majorité des pays hispanophones, la coexistence avec les Amérindiens se passe bien en apparence, la mixité est réelle, mais derrière cette image idyllique se cache un racisme effroyable. (J'ai eu l'occasion, à propos de la crise bolivienne, d'en discuter avec un bon connaisseur du continent, qui me disait :"Les métis ? Bien sûr qu'ils sont nombreux, mais ils sont souvent les plus hostiles aux Amérindiens. Plus royalistes que le roi.") En gros, dans ces pays, on est catholique ou on est indien.
J'ai découvert avec effarement qu'en Bolivie plus qu'ailleurs, parce que les Amérindiens réfugiés sur l'altiplano - autant dire sur Mars - n'ont pas été évangélisés, ou on résisté, ceux-ci vénèrent encore la Pachamama, déesse de la Terre !
Ce qui leur vaut un mépris insondable de la part des catholiques, qui vivent dans les régions de plaine, à l'est. (en Bolivie, la séparation est également géographique.) On a donc vu la récente prise de pouvoir de l'extrême droite se faire sous le signe de la Croix. Il est superflu d'interroger la nature de cette foi combattante...
Cela pourrait d'ailleurs expliquer l'invasion des évangélistes au Brésil. Le catholicisme y est moins identitaire, donc plus fragile : il n'y a pas d'Amérindiens au Brésil. (hors Amazonie, mais c'est autre chose.)
On pourrait de même envisager le rôle identitaire joué par la religion chez les émigrants vers les USA : comment imaginer que les italiens déracinés n'aient pas importé une tradition catholique très ancrée ? (Et la Mafia aussi, tant qu'à faire, phénomène stupéfiant : elle se porte mieux là-bas qu'en Italie !) Sans compter, comme en Allemagne, le face à face avec les régions ou les quartiers protestants.
En somme, si vous voulez garder un catholicisme vivace et très attaché à ses traditions, opprimez-le, confrontez le à des concurrents, ou faites le immigrer !
Je ne vais pas faire de la sociologie sans analyses fouillées et sans données, mais je suggère simplement qu'il peut y avoir d'autres causes que la réticence à Vatican II pour expliquer que la religion catholique a bien résisté dans d'autres pays : le mieux serait d'y aller voir.
Je ne vois guère qu'une spécificité française : un anticléricalisme longtemps très vivace, apparu avec la dernière violence pendant la Révolution, mais qui a toujours persisté.