Nous sommes actuellement le 25 Avr 2024 6:04

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 138 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4, 5 ... 10  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 06 Déc 2019 6:10 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9071
Barbetorte a écrit :
En fait, je suis d'accord avec vous. J'ai surtout réagi à l'idée exprimée par un athée telle qu'elle est rapportée par Aigle : Cette réforme ne pouvait qu'aboutir d'un point de vue strictement humain à l'effondrement de la pratique en faisant disparaître ses moteurs psychologiques ainsi qu'aux liens donnés par Jérôme. Curieusement, l'athée et les intégristes catholiques se rencontrent : tout s'écroulerait parce que les clercs eux-mêmes auraient sapé l'édifice. Je ne le crois pas. Ces moteurs psychologiques fonctionnaient en 1860 mais ne fonctionnaient plus en 1960.

C'est très clair pour moi. Il faut avoir des oeillères pour nier cette évidence. (Mais ces deux catégories en ont, concernant l'Eglise actuelle.)

C'est seulement il y a quelques années (je l'ai déjà raconté) que j'ai soudain sursauté devant l'évidence et demandé la confirmation à mon père :"Mais la messe en latin, vous ne compreniez rien ?" "Non, mis à part le sermon en français, rien du tout." Sans doute connaissait-il la traduction du Pater et du Credo, mais de fait, ils n'entravaient que dalle ! :mrgreen:

Plus amusant, certains prêtres manquaient volontiers de pédagogie concernant certaines formules : mon père m'a expliqué qu'il avait cru un bon bout de temps que la formule "Renoncez-vous à Satan et à ses pompes" concernait en fait... ses godasses ! 8-|

Au début des années 1960, il était plus que temps de parler français. Les fidèles, avec la généralisation de l'éducation, de la télévision, et d'idées plus libérales (bien avant qu'il soit question de Mai 68, autre explication bateau) auraient déserté en masse et quasiment jusqu'au dernier. (Pour ne rien dire de la situation actuelle, où les laïcs doivent souvent relayer des prêtres en nombre insuffisant, ce qui serait impensable en latin.)

Personnellement j'ai une explication hérétique sur la persistance du latin, qui vaut ce qu'elle vaut, mais sent le fagot. (Paul VI, qui en regrette avec sincérité la saveur et la finesse théologique, ne m'a pas convaincu du contraire.) Je pense que le message des Evangiles est révolutionnaire, si on veut bien y regarder de près, et qu'il fallait éviter qu'il tombe, en clair, dans des oreilles trop curieuses. Au Moyen-Âge, où le petit peuple prenait tout au premier degré, mieux valait ne pas proclamer "qu'il est plus facile à un chameau... qu'à un riche..." et autres paraboles violentes : le peuple aurait pillé les riches dans la minute ! lol

Toute l'histoire de l'Eglise est traversée par cette opposition : aussi réactionnaire, associée au pouvoir et bornée qu'ait pu être l'Eglise à certaines périodes, la discussion théologique n'y a jamais cessé, certains ordres n'ont cessé de faire voeux de pauvreté, et jamais l'institution n'a totalement étouffé le message évangélique. (Le pape actuel n'a-t-il pas choisi le prénom de Saint François d'Assise, figure absolue de la pauvreté catholique militante ?)

Dans l'Eglise d'après la Restauration, qui n'est pas un modèle de progressisme - ce qui vaudra à Champollion des démêlées chronologiques pittoresques - on trouve pourtant un Lacordaire pour affirmer :"Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit." Quel républicain, semi-clandestin à l'époque, n'aurait pas entendu là un plaidoyer pour des lois sociales ?

Et donc, pour le dire violemment, l'institution ecclésiale a tenu aussi longtemps que possible (1960 c'est déjà bien tard, après tout) à garder ce message dans une langue étrangère au commun. J'avoue que cette vision manque de charité pour cette vénérable institution, mais elle peut avoir sa part de vérité. (Combien de protestants a-t-on tué, qui prétendaient lire les écritures par eux-mêmes ? Protestants qui depuis trois ou quatre siècles se sont toujours trouvés du bon côté de la barricade, les persécutions fabriquent toujours des mauvaises têtes !)

Sur la persistance de la pratique religieuse dans les années 70, il est possible que Besançon ait mieux tenu que d'autres lieux, ce n'est pas une certitude mais je pourrais développer. Juste un indice : Charles Piaget, leader des Lip, était un héritier du syndicalisme chrétien, et a bénéficié, sans discussion, du soutien (y compris clandestin, chuchote-t-on en ville) de l'évêché !

(Ce Fred Lip qui a réussi à planter la marque, entre toutes, qui incarnait le haut de gamme horloger à la française ! Jetez un oeil sur quelques marques du Jura suisse, pour rire ! Devenu conseil en entreprises, la compréhension rétrospective de son erreur m'a fichu en rage. Passons.)

Citer :
Si l'église catholique était restée telle qu'elle était sous Pie XII, on aurait assisté dans ces pays à une fuite massive vers les églises évangéliques.

C'est pourtant, j'ai lu quelques infos là-dessus, ce qui semble s'être passé au Brésil, avec une certaine ampleur. (Il faudrait regarder précisément à quel point. Les évangéliques sont en tous cas un des soutiens affichés et solides de Bolsonaro.) Est-ce parce que leur liturgie très festive donne toute sa place à la samba ? Je l'ignore.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Déc 2019 11:47 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 19 Fév 2011 17:03
Message(s) : 1140
Pierma a écrit :
Barbetorte a écrit :
Je ne pense pas du tout que Vatican II ait conduit à l’effondrement de la pratique religieuse parmi les Catholiques. Sans cette réforme, l'effondrement aurait été pire.

+1
Sérieusement? 8-| Tous les what-if sont forcément périlleux, mais celui-ci demanderait sacrément à être documenté. Car:
1/ passer de 75% à 3% de pratique dominicale en 25 ans, je ne vois pas trop comment cela aurait pu être pire
2/ c'est dans les espaces sociologiques et géographiques où l'empreinte de Vatican II* a été la moins forte que les taux de pratique et le nombre de vocations sont restés les plus élevés (c'est la thèse du sociologue Yann Raison du Cleuziou pour la France, c'est valable ailleurs aussi).

* je prends ici Vatican II au sens large: pas les textes stricto sensu, mais l'ensemble des changements en liturgie, pastorale, manière de voir le monde, relation à l'au-delà, aux autres religions... qui tournent autour. Ce que le pape Benoit XVI, qui à cette époque était un observateur bien placé a appelé "l'herméneutique de la rupture".


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Déc 2019 12:11 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9071
Vézère a écrit :
Pierma a écrit :
Barbetorte a écrit :
Je ne pense pas du tout que Vatican II ait conduit à l’effondrement de la pratique religieuse parmi les Catholiques. Sans cette réforme, l'effondrement aurait été pire.

+1
Sérieusement? 8-| Tous les what-if sont forcément périlleux, mais celui-ci demanderait sacrément à être documenté. Car:
1/ passer de 75% à 3% de pratique dominicale en 25 ans, je ne vois pas trop comment cela aurait pu être pire

3% de pratique dominicale en 1988 ? ça me parait une pratique bien marginale... 8-|
Qu'appelle-t-on "pratique dominicale", derrière ce chiffre ?

Combien de Français se disent-ils aujourd'hui catholiques ?

Et pour avoir un autre repère, quel est actuellement le taux de mariages religieux, dans cette population ?

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Déc 2019 14:17 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 19 Fév 2011 17:03
Message(s) : 1140
Pierma a écrit :
3% de pratique dominicale en 1988 ? ça me parait une pratique bien marginale... 8-|
Qu'appelle-t-on "pratique dominicale", derrière ce chiffre ?
oui, j'ai caricaturé.
Pratique dominicale = ce que les sociologues appellent "messalisants".
Dans les années 60, ceux qui vont à la messe tous les dimanches.
Aujourd'hui ce taux est trop bas pour être lisible, on a donc élargi la définition: ceux qui vont à la messe au moins une fois par mois.
En 1960 (ancienne définition): 45% des Français
En 1998 (nouvelle définition): 16% des français
En 2016: 4.5% des Français

Pierma a écrit :
Combien de Français se disent-ils aujourd'hui catholiques ?
En 1972, 87% des Français. En 2010, 65%.
Pierma a écrit :
Et pour avoir un autre repère, quel est actuellement le taux de mariages religieux, dans cette population ?
170 000 en 1990,
70 000 en 2012.
Je n'ai pas trouvé le nombre des mariages religieux en 1960, seulement le pourcentage: 80%. Les 20% restants sont très majoritairement des remariages civils après divorce.

En 1960 en France métropolitaine, 96% des habitants sont baptisés.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Déc 2019 19:23 
Hors-ligne
Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4462
Localisation : Versailles
je trouve ces débats intéressants.

Mais je voudrais formuler des observations d'ordre méthodologique : notre forum prohibe à juste titre l'uchronie. Dès lors, il ne faut pas débattre de ce qui se serait passé si le Concile n'avait pas eu lieu ! sujet sans fin et sans critère de validité scientifique.

En revanche, je pense que nous pourrons débattre de deux autres aspects. Nous pouvons comparer le but du concile (et de la réforme liturgique) et ses résultats. Nous pouvons aussi comparer la situation française et celle des autres pays.

S'agissant de la réforme liturgique: la présentation de Paul VI se réfère explicitement au "peuple d'aujourd'hui, qui veut qu'on lui parle clairement, d'une façon intelligible qu'il puisse traduire dans son langage profane. Si la noble langue latine nous coupait des enfants, des jeunes, du monde du travail et des affaires,"
Après 1969, avons nous vu affluer dans les églises des enfants, des jeunes, des travailleurs et des hommes d' affaires ? la réponse semble plutôt négative !

Il me semble aussi assez clair que la réforme liturgique (et d'autres aspects du Concile, comme le dialogue avec les non catholiques) a été appliquée avec fermeté et même une certaine audace dans notre pays. Ce qui fut moins le cas ailleurs (Italie par exemple). Il est clair aussi (coïncidence ?) que les pays plus prudents ont connu une désaffection moins marquée pour le catholicisme (Italie, Etats Unis).

Je me place évidemment dans une chronologie bornée à 1991.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 0:10 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9071
Vézère a écrit :
En 1960 en France métropolitaine, 96% des habitants sont baptisés.

Vous êtes certain de ce chiffre, Vézère ?
Quand on connait le score du PCF en 1960 (Je dirais au moins 30%) ce chiffre un peu curieux évoque irrésistiblement le camarade Bottazzi, dit Peppone, amenant baptiser son nouveau né :
- Comment allez-vous l'appeler ?
- Lénine.
- Alors, allez le baptiser à Moscou !
(Le bambin finira avec le doux nom de Camillo Lénine Bottazzi, il me semble...) :mrgreen:

Merci d'avoir recherché ces chiffres, qui donnent un éclairage certes très moyen, mais très loin de l'écroulement total que les 3% suggéraient.

Au passage, sans vouloir plomber l'ambiance, on obtiendrait sans doute un chiffre désespérant pour l'Eglise, en regardant non pas les fidèles, mais l'écroulement des vocations.

Je note qu'en 2010 65% des Français se disent catholiques, ce qui est considérable, mais que 10% seulement vont à la messe au moins une fois par mois. (J'interpole à la louche ces 10% en prenant les deux chiffres qui encadrent 2010, avant et après.)

La conclusion est immédiate : nous avons des Français qui se disent catholiques, en forte proportion... mais qui ne vont plus à la messe !
Ils vont à l'église pour les baptêmes, les mariages et les enterrements...
(On peut se demander ce que signifie pour eux "être catholique", mais même sans évoquer leur foi, c'est au minimum une forte empreinte culturelle qui persiste durablement.)

Mon parrain râlait volontiers - et ses collègues confirmaient - que les messes de mariage soient parfois un vrai cirque, la fête commençant dans cette vénérable enceinte où le caractère sacré de la cérémonie passait très au dessus de la tête d'une bonne partie de l'assistance. Blagues douteuses, commentaires à haute voix, ovations, chants, rejouer la scène pour les caméras... (une fois, il s'est éclipsé, sans que personne s'en aperçoive. Puis il s'est ravisé - je ne peux pas leur faire ça - et est retourné embarquer les mariés de façon ferme pour qu'au moins le registre paroissial soit signé.)

Mai comparer avec la situation du catholicisme à l'étranger, amène pour moi à ce constat fréquent : là où le catholicisme compte encore un nombre important de pratiquants, il va de pair, souvent, avec une conception religieuse d'une autre âge.

C'est le cas en Amérique latine et centrale, et même dans un pays aussi évolué que les USA, il faut voir de quelle religion on parle : 50% des Américains non seulement croient à l'existence des anges autour d'eux (pourquoi pas...) mais pensent également que ces anges interviennent matériellement - ou physiquement, comme on voudra - dans leur vie quotidienne. 8-|

C'est un catholicisme à l'ancienne, entaché de superstitions et de refus de la science. Pour reprendre la formule de Barbetorte, il semble que les facteurs psychologiques qui fonctionnaient encore en 1860... y fonctionnent toujours.
(A une époque certains évêques américains - dans les états de l'Ouest, dont la Californie, je ne saurais être plus précis - avaient entrepris de faire signer à toutes leurs ouailles une attestation confirmant qu'ils condamnaient l'avortement, un refus de signer entraînant une excommunication. 8-|
C'est Jean-Paul II qui fit mettre le hola à cette pratique.)

Et on ne parle pas de la croyance créationniste, ou de sa variante plus astucieuse, "l'intelligent design" qui ne nie plus Darwin, mais postule que Dieu a créé l'univers avec un paramétrage physique qui devait conduire l'évolution à faire apparaître un homme à son image.
Il est vrai que la position créationniste stricte est difficile à tenir, mais elle compte encore nombre de partisans. (Position illustrée par ce mot impérissable d'un évêque américain, à l'époque des premiers débats sur Darwin :"Dieu a créé le Monde en 6 jours, fossiles compris" !) :mrgreen:

Et je compte pour rien le total des dédommagements obtenus par des fidèles victimes, enfants ou adolescents, d'abus sexuels. On parle en centaines de millions de dollars, voire en milliers, au point, il me semble, que le Vatican a été sollicité pour contribuer à éponger une addition qui dépassait les capacités de l'église des USA.

(Toujours et partout, le magister de célibataires très respectés s'accompagne de ce phénomène, qui peut toucher aussi d'autres activités que la religion, l'homme est ainsi... Si la très catholique Irlande semble avoir battu tous les records en ce domaine, on s'aperçoit aujourd'hui que les langues se délient un peu... dans certains pays musulmans, où commencent à sortir des affaires qui ne sont certainement que la parti émergée d'un épouvantable iceberg. Qui veut faire l'ange...)

En pensant à l'Irlande et à la Pologne, pays les plus catholiques d'Europe, où le catholicisme a longtemps joué le rôle de défense identitaire, je me demandais si cet aspect identitaire ne joue pas un rôle dans tous ces pays de catholiques de tradition.

L'Amérique latine est intéressante, de ce point de vue : dans les pays andins, ce qui recouvre la majorité des pays hispanophones, la coexistence avec les Amérindiens se passe bien en apparence, la mixité est réelle, mais derrière cette image idyllique se cache un racisme effroyable. (J'ai eu l'occasion, à propos de la crise bolivienne, d'en discuter avec un bon connaisseur du continent, qui me disait :"Les métis ? Bien sûr qu'ils sont nombreux, mais ils sont souvent les plus hostiles aux Amérindiens. Plus royalistes que le roi.") En gros, dans ces pays, on est catholique ou on est indien.

J'ai découvert avec effarement qu'en Bolivie plus qu'ailleurs, parce que les Amérindiens réfugiés sur l'altiplano - autant dire sur Mars - n'ont pas été évangélisés, ou on résisté, ceux-ci vénèrent encore la Pachamama, déesse de la Terre ! 8-| Ce qui leur vaut un mépris insondable de la part des catholiques, qui vivent dans les régions de plaine, à l'est. (en Bolivie, la séparation est également géographique.) On a donc vu la récente prise de pouvoir de l'extrême droite se faire sous le signe de la Croix. Il est superflu d'interroger la nature de cette foi combattante...

Cela pourrait d'ailleurs expliquer l'invasion des évangélistes au Brésil. Le catholicisme y est moins identitaire, donc plus fragile : il n'y a pas d'Amérindiens au Brésil. (hors Amazonie, mais c'est autre chose.)

On pourrait de même envisager le rôle identitaire joué par la religion chez les émigrants vers les USA : comment imaginer que les italiens déracinés n'aient pas importé une tradition catholique très ancrée ? (Et la Mafia aussi, tant qu'à faire, phénomène stupéfiant : elle se porte mieux là-bas qu'en Italie !) Sans compter, comme en Allemagne, le face à face avec les régions ou les quartiers protestants.

En somme, si vous voulez garder un catholicisme vivace et très attaché à ses traditions, opprimez-le, confrontez le à des concurrents, ou faites le immigrer !

Je ne vais pas faire de la sociologie sans analyses fouillées et sans données, mais je suggère simplement qu'il peut y avoir d'autres causes que la réticence à Vatican II pour expliquer que la religion catholique a bien résisté dans d'autres pays : le mieux serait d'y aller voir.

Je ne vois guère qu'une spécificité française : un anticléricalisme longtemps très vivace, apparu avec la dernière violence pendant la Révolution, mais qui a toujours persisté.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 0:26 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
Message(s) : 2243
Jerôme a écrit :
notre forum prohibe à juste titre l'uchronie. Dès lors, il ne faut pas débattre de ce qui se serait passé si le Concile n'avait pas eu lieu ! sujet sans fin et sans critère de validité scientifique.
Alors il ne faut pas non plus spéculer sur une relation de cause à effet entre la réforme liturgique et la baisse de la pratique religieuse, relation invérifiable et sans critère de validité scientifique.

La baisse de la pratique religieuse en France se situe dans la continuité d’un processus de déchristianisation qui s’observe depuis le dix-huitième siècle. Il s’est accéléré au cours de la période 1960 – 1980 parce que la société a profondément changé au cours de cette période. Ce changement s’est, entre autres, traduit par la disparition de la fonction sociale de l’Eglise. L’Eglise ayant perdu son rôle social, la pratique religieuse n’a plus, socialement, de sens. La pratique religieuse n’est plus qu’un simple acte de foi purement volontaire dont il n’y a pas à s’étonner qu’il n’est accompli que par 3 % de la population. La baisse de la pratique religieuse est un des effets d’un profond changement dans les mœurs intervenu en l'espace d'une génération. Je ne crois pas que, si, désormais, plus de la moitié des naissances se font hors du mariage, ce soit parce qu’on a cessé de dire la messe en latin.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 9:18 
Hors-ligne
Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4462
Localisation : Versailles
L analyse de Barbetorte est des plus intéressantes mais e semble très franco centrée. pourquoi l Italie ou l Amérique auraient-elles échappé à ce phénomène ?

Je note néanmoins l hypothèse avancée par Pierma : l anticléricalisme. Pourquoi pas ?


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 11:35 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15842
Localisation : Alsace, Zillisheim
Jerôme a écrit :
notre forum prohibe à juste titre l'uchronie.


Pour être exact, ce n'est pas vraiment l'uchronie qui est prohibée, mais le fait de s'y adonner sans retenue et en s'autorisant toutes les fantaisies. Des gens très sérieux on fait de très belles analyses historiques en démontrant que telle option voulue par le plus grand nombre n'était pas viable.

D'ailleurs, soit dit en passant, recourir à n'importe quel arguments pour prétendre avoir raison n'est pas plus bien vu. Donc, message général, merci de continuer avec des arguments construits et qui tiennent la route. ;)

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 11:43 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 19 Fév 2011 17:03
Message(s) : 1140
Barbetorte a écrit :
La baisse de la pratique religieuse en France se situe dans la continuité d’un processus de déchristianisation qui s’observe depuis le dix-huitième siècle. Il s’est accéléré au cours de la période 1960 – 1980 parce que la société a profondément changé au cours de cette période.
Là je vous arrête tout de suite: la baisse de la pratique en France n'est absolument pas linéaire depuis le XVIIIème s. La deuxième moitié du XIXème siècle est un acmé de la pratique religieuse; à cette époque on dit qu'il se crée "une congrégation par semaine" en France (attention, c'est comme le "grand manteau blanc d'églises du XIIè": c'est une image, pas une statistique). La France du curé d'Ars et de Thérèse de Lisieux.
Le ministère de l'Intérieur recense 26 387 religieuses en 1846, 84 300 en 1872, ce qui fait beaucoup dans un pays en stagnation démographique. Trois-quarts des missionnaires sur la planète à cette époque sont Français.

Idem pour le milieu du XXème siècle, ce sont des taux de pratique et de vocations parmi les plus élevés de l'histoire de France. On a déjà parlé ici des "cartes du chanoine Boulard": ce statisticien, avec Gabriel Le Bras (le père du démographe Hervé Le Bras) a étudié toutes les paroisses françaises une par une, en identifiant celles qui étaient "d'urgence missionnaire" (de mémoire: <40% de pratique dominicale!).

D'ailleurs avant le XVIIIème s., c'est pareil, il y a des cycles, des hauts et des bas. Je ne sais plus qui avait dit (Le Goff? Ariès?) qu'il y a des périodes où l'on se demande bien ce qui permet encore de dire que la France est un pays chrétien, en dehors du fait que le catholicisme y est religion d'Etat.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 13:25 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Jan 2013 13:11
Message(s) : 416
Pierma a écrit :
Ce chiffre un peu curieux évoque irrésistiblement le camarade Bottazzi, dit Peppone, amenant baptiser son nouveau né :
- Comment allez-vous l'appeler ?
- Lénine.
- Alors, allez le baptiser à Moscou !
(Le bambin finira avec le doux nom de Camillo Lénine Bottazzi, il me semble...) :mrgreen:
"Lénine Liberto Antonio Camillo" si je me souviens bien.

Au début c'est la femme de Peponne, Maria qui se présente avec l'enfant et la famille.

Don Camillo (ronchon): Qui l'a fait?
Maria:(étonné): Moi...!
Don Camillio: Avec votre mari?
Maria: Mais naturellement! Avec qui vous croyez que je l'ai fait, avec vous?!

Pierma a écrit :
Et on ne parle pas de la croyance créationniste, ou de sa variante plus astucieuse, "l'intelligent design" qui ne nie plus Darwin, mais postule que Dieu a créé l'univers avec un paramétrage physique qui devait conduire l'évolution à faire apparaître un homme à son image.

A défaut c'est tout de même plus raisonnable que l'aveuglement sectaire des jusqu'au boutistes. Je dirais même que c'est rassurant car une des clés de survie de bien des religions n'a t'elle pas été de s'adapter à leur contexte si nécessaire?

Citer :
Il est vrai que la position créationniste stricte est difficile à tenir, mais elle compte encore nombre de partisans. (Position illustrée par ce mot impérissable d'un évêque américain, à l'époque des premiers débats sur Darwin :"Dieu a créé le Monde en 6 jours, fossiles compris" ! :mrgreen: )

Les jours de l'être suprême sont peut être des milliards d'années pour nous... :mrgreen:
(je précise que je suis agnostique)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 16:49 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 05 Oct 2005 20:39
Message(s) : 2064
Localisation : Lyon-Vénissieux
Citer :
La deuxième moitié du XIXème siècle est un acmé de la pratique religieuse

Oui comme en témoigne l'extraordinaire vague de construction de magnifiques églises et l'achèvement de cathédrales comme celle de Clermont Ferrand, de Milan ou de Cologne.

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Déc 2019 18:12 
Hors-ligne
Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4462
Localisation : Versailles
Une autre analyse

Le pape Paul VI dans une célèbre interview du philosophe et écrivain Jean Guitton du 8 septembre 1977 a déclaré : «Il y a une grande perturbation en ce moment dans le monde de l'Église, et ce qui est en cause, c'est la foi. Maintenant, il arrive que je répète la phrase obscure de Jésus dans l'Évangile de Saint Luc: "Quand le Fils de l'homme reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur Terre?" Il arrive que des livres sortent dans lesquels la foi recule sur des points importants, que les épiscopats se taisent, que ces livres ne se trouvent pas étranges.

À mon avis, c'est étrange. Je relis parfois l'Évangile de la fin des temps et je constate que certains signes de cette fin apparaissent à ce moment. Sommes-nous proches de la fin? Nous ne le saurons jamais.

Nous devons toujours être prêts, mais tout peut durer longtemps. ce qui me frappe quand je considère le monde catholique, c'est qu'au sein du catholicisme, la pensée non catholique semble parfois prédominer et il peut arriver que cette pensée non catholique au sein du catholicisme devienne demain la plus forte [/b]

Mais il ne représentera jamais la pensée de l'Église. Il doit y avoir un petit troupeau, aussi petit soit-il».


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Déc 2019 7:40 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
Message(s) : 2693
Ce débat est passionnant .

Je vous remercie , cher Jérôme, d'apporter quelques citations du principal auteur des réformes (Paul VI) et de nous inviter à procéder à des comparaisons internationales. Il est manifeste en effet que la "crise" fut plus nette en France que dans d'autres pays.
Je suis d'accord avec vous, cher Barbetorte, pour soutenir que le phénomène réformateur des années 1960 peut et même doit être replacé dans une perspective chronologique plus large.
Mais je crois que cher Vezere, votre vision de la chronologie rejoint celle de Guillaume Cuchet (à lire absolument sur ce sujet : comment notre monde à cessé d'être chrétien).

S'agissant des statistiques, Cuchet démontre clairement qu'il n'y a pas de baisse régulière de la pratique avant 1960. Celle-ce semble comparable à celle de 1900. De même on peut penser qu'il y aurait eu maintien voire hausse de la pratique au XIX e siècle sauf en région parisienne où l'exode rural s'est traduit par une première déchristianisation.

Mais surtout , il faut considérer (d'un point de vue sociologique) que la pratique dominicale régulière n'est pas LE critère absolu de catholicité. On peut en prendre d'autres comme le baptême des petits enfants, les messes des défunts, les mariages, l'envoi des enfants au catéchisme , ...si on applique ces critères plus larges, on a sans difficulté environ 90% de catholiques en France de 1801 aux années 1970...voire aux années 1980...c'était le concept de catholiques croyants non pratiquants qui irritait le clergé mais avait néanmoins un sens au moins culturel ...

Je reviens un instant sur votre témoignage cher Pierma : il est intéressant car il illustre un phénomène général et pourtant étonnant . Je veux parler de l'ignorance très large de la nature de la messe catholique (dans sa conception traditionnelle). Celle-ci est un sacrifice de louange offert à Dieu . La compréhension du détail du sens des prières par le peuple n'est pas une condition de validité ... d'ailleurs dans l'ancien rite, le prêtre dit A VOIX BASSE la prière la plus sacrée (le canon).Donc latin ou français peu importe puisque nul ne pouvait l'entendre ...
Quant aux fidèles, ils pouvaient suivre les prières en lisant leur missel (traduit)...et en écoutant les lectures (épître et Evangile) et la prédication qui étaient en français ....

Je me demande si vous n'avez pas, cher Pierma, donner une clef intéressante en procédant à votre survol mondial du catholicisme : il existe des différences considérables entre les diverses sociétés (culturels, sociales, psychologiques...). Ce qui me semble conduire à conclure que le phénomène français s'expliquerait peut être aussi (et surtout?) par des facteurs français ...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Déc 2019 12:49 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9071
Aigle a écrit :
Je me demande si vous n'avez pas, cher Pierma, donner une clef intéressante en procédant à votre survol mondial du catholicisme : il existe des différences considérables entre les diverses sociétés (culturels, sociales, psychologiques...). Ce qui me semble conduire à conclure que le phénomène français s'expliquerait peut être aussi (et surtout?) par des facteurs français ...

Sans apporter d'explication(s) certaine(s) sur la situation du culte catholique dans d'autres pays, j'ai simplement évoqué quelques hypothèses qui suggèrent qu'il peut y avoir des explications locales.

Et c'est un fait que le cas de la France est sans doute atypique. Y chercher des facteurs français me semble logique.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 138 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4, 5 ... 10  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 19 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB