J'ai soigneusement évité ce fil de discussion mais je veux bien me lancer dans l'arène à une seule condition : que blambore n'élude
aucun des commentaires qui lui sont adressés.
(Éluder : éviter quelque chose par quelque artifice, s'y dérober avec adresse, passer outre, négliger.)
Sinon, la messe (un requiem) est dite.
blambore a écrit :
À la base de mon travail, la prémisse voulant qu’à l’origine, le récit des Patriarches n'était pas un récit religieux, mais un document légal qui aura prit une dimension mythique avec le temps.
Quelle prémisse ! J'ai de plus en plus l'impression que les contes comme "Star Wars" ou
Le seigneur des anneaux seront pris au sérieux dans quelques millénaires et qu'on recherchera les restes du Gondor ou de l'Etoile noire comme d'autres cherchent l'Atlantide ou l'arche de Noé.
blambore a écrit :
Du coup, les religions monothéistes reposeraient sur une incroyable méprise concernant la nature du « Dieu » d'Abraham.
Pour des athées, la méprise, c'est l'idée même qu'il existe des dieux.
blambore a écrit :
Pour aborder la relecture du récit des Patriarches, il convient de dissocier les termes Yahvé (un suzerain) et Élohim (le dieu païen El).
Ca vous fait déjà trois hypothèses :
1° le récit biblique contient une part de vérité ;
2° on a fini par y amalgamer des entités distinctes...
3° par vous définies (le suzerain Yahvé et le dieu El).
blambore a écrit :
Assurer la pérennité de la stabilité dans la région exige une descendance. Il faut donc un héritier à Abraham.
Tiens ? Il existe des monarchies électives, non dynastiques, des oligarchies, des républiques capables de stabiliser des régions.
blambore a écrit :
Mais comme il est aussi le demi-frère de Sarah et qu'ils sont incapables d’avoir des enfants, Sarah lui offre de coucher avec Hagar, son esclave égyptienne. Voilà comment Ismaël vient au monde. Mais il n’est pas question que le fils d’une esclave égyptienne hérite d’un territoire aussi important. C’est donc le seigneur lui-même mettra Sarah enceinte : voilà qui explique la naissance d'Isaac.
1. Prenez-vous en compte l'âge allégué de l'heureuse maman ? Non ? Pourquoi ?
2. De nombreuses familles furent écharpées par les luttes entre frères et demi-frères pour succéder à papa au Moyen Orient et ailleurs. Leur seule légitimité est celle d'un jugement divin offrant la victoire à un élu, opportunément le vainqueur survivant acclamé par son clan maternelle. Pourquoi masquer la sélection naturelle entre rivales derrière des critères tels que "égyptienne" quand l'époque paraît s'en moquer ?
blambore a écrit :
Mais comme Ismaël est né avant Isaac, il pourrait très bien prétendre à ce titre. En toute logique, c’est donc lui que le seigneur aurait dû demander en sacrifice.
Si j'entre dans votre jeu, je pourrais vous répondre que c'est précisément parce que la cohérence divine surmonte cette apparence contradiction qu'une autre explication pourrait être évoquée : c'est le fils de Sarah qui seul compte auprès du seigneur... ou du père ?
blambore a écrit :
Or chez les musulmans, c’est Ismaël, et non Isaac, que Dieu demande en sacrifice. Cette divergence fondamentale accrédite la thèse avancée, puisque l'une des parties est forcément dans l'erreur...
L'une des deux, oui. Et les deux en même temps ?
***
Je suppose qu'on a découvert là l'argument
"logique". Et l'on sait bien que la logique verbale est versatile et capricieuse, qui peut mener à des conclusions contraires (voire les espiégleries d'Esope sur la langue servie comme le meilleur puis le pire des plats à son maître...).
Je vais citer deux fois Saint-Exupéry pour expliquer que la logique ne conduit à rien (
"Ceux-là qui se proposent avec des raisons cohérentes et non avec leur richesse de cœur, et qui discutent pour agir selon la raison, tout d’abord ils n’agiront point, car à leurs syllogismes, plus habile leur opposera des arguments meilleurs, auxquels ayant réfléchi à leur tour ils opposeront de meilleurs arguments encore. Et ainsi d’avocat habile en avocat plus habile, pour l’éternité. Car il n’est point de vérités qui se démontrent sinon celles du passé, d’abord évidentes puisqu’elles sont. Et si tu veux par la raison expliquer pourquoi telle œuvre est grande, tu réussiras. Car tu connais d’avance ce que tu désires démontrer.") et qu'ensuite vos paradoxes peuvent très facilement être expliqués (
"Car toute contradiction n’est qu’absence de génie.") de plusieurs manières :
1. Le récit a la solidité de celui du "Petit chaperon rouge", il ne faut pas s'appuyer dessus.
2. Le récit brode sur un événement réel et sert de prétexte pour illustrer par la mythologie la légitimité d'un culte à travers la préférence alléguée d'une divinité pour un ancêtre allégué.
3. Votre hypothèse à prémisses multiples ou toute autre hypothèse.
blambore a écrit :
Mais l'enjeu est de taille : on ne remet pas 3,500 ans d'histoire sans pouvoir défendre sa position.
"Mettre en jeu" me paraît exagérer. Il existe des gens qui vouent des cultes ou fument en dépit de tous les arguments qu'on peut leur asséner. On ne va pas enterrer Dieu comme ça. Tout au plus susciterez-vous quelques fatwas qui pourraient
"mettre en jeu" non pas votre existence, dont nul ne doute, mais sa prolongation.
blambore a écrit :
Or, de nombreux indices sur l’âge des personnages nous sont donnés tout au long du récit des Patriarches. Je me suis longuement questionné sur ces données, car si cette thèse était fondée, on s'attendrait à ce que ces dates soient tout aussi précises. L'âge « fantastique » des personnages bibliques s'explique généralement par leur côté légendaire et mythique. Pourtant, si le récit des Patriarches repose sur des faits historiques, il est clair que les données sont bonnes, mais qu'elles ont été mal interprétées.
Autant je comprends qu'on ait envie de calculer les chronologies mythologiques et de calquer des chronologies "fantastiques" (celles du
Mahabarata, de la
Bible ou du
Seigneur des anneaux) sur la réalité, autant je n'ai jamais constaté qu'on prenne au sérieux cette poésie dans une démarche scientifique. Est-ce votre cas ?
blambore a écrit :
Le deuxième type de preuves avancé est d’ordre chronologique. En actualisant les dates de la Bible exprimées à l’origine dans le système sexagésimal, j'ai découvert que toutes les dates du récit (pas seulement quelques-unes) s’inscrivent parfaitement dans le contexte historique du Proche‑Orient.
Il l'a fait.
blambore a écrit :
Il devient donc possible de construire une chronologie biblique en situant les événements les uns par rapport aux autres. Il suffit de noter l’âge d’un personnage à un moment précis et de le replacer dans la liste des générations qui l’ont précédé. Comme la chronique des Patriarches s’articule autour d’Abraham, l'ensemble de la chronologie du récit peut s’arrimer à l’histoire dès que la date de naissance d'Abraham est connue. D’abord posée en hypothèse, celle-ci s'est confirmée en dressant un parallèle avec le règne de Hammourabi. La chronologie du récit biblique colle parfaitement à la chronologie du règne de ce grand roi de Mésopotamie.
Ca vous place la Création à quelle date ? La question est cynique, mais si vous avez trié les détails et épisodes bibliques qui conviennent à votre démonstration, comment pourrez-vous échapper aux conclusions que vous cherchez ? Hum ?
blambore a écrit :
Compte tenu de l'ampleur et de l'impact potentiel de ces découvertes et malgré la grande quantité de preuves convergentes, je n'étais pas encore prêt à exclure l'idée que ces concordances ne soient que le fruit d'un extraordinaire hasard.
Je vous dirais qu'il n'est nul question de hasard puisque vous décrivez comment vous vous arrangez avec le
"récit biblique" pour trouver des concordances.
blambore a écrit :
On sait qu’il y a eu deux famines importantes dans la bible. La première lorsqu’Abraham arrive en Canaan et l'autre, deux générations plus tard, quand Joseph est en Égypte. Or, les arbres poussent moins vite par temps chaud et sec, leurs anneaux de croissance sont plus petits ces années-là. L'analyse des taux de croissance permet de connaître le climat de la région sur plusieurs milliers d’années. Ce sont éventuellement les données dendrochronologiques recueillies par les scientifiques de l’université Cornell sur des échantillons de vieilles poutres trouvées dans la région qui sont venues confirmer, à deux reprises, une parfaite correspondance avec les années de sécheresse relatées dans le récit.
J'espère pour votre crédibilité que vous connaissez sur le bout des doigts
le contexte et les critiques de cette recherche et de ses conclusions.
Bref, vous tombez sur des chercheurs qui tombent sur un résultat qu'eux et vous cherchaient. (J'imagine très bien le titre de l'article : "la dendrochronologie confirme la chronologie de la Bible"... Peut-être même êtes-vous tombé sur l'article ou sa mention en cherchant ce que vous cherchiez.) Avez-vous aussi des résultats contradictoires et contraires à ceux de cette équipe scientifique ?
blambore a écrit :
Voilà donc, en guise d’introduction, le résumé de ma démarche.
C'est léger. Une démarche historique consisterait également à chercher des travaux invalidant une à une vos prémisses et hypothèses.
Le seul truc rigolo, c'est votre article de dendrochronologie, mais il convient de le mettre en relation avec l'ensemble des données climatologiques de l'époque.
blambore a écrit :
J’ai publié la démonstration complète dans Quiproquo sur Dieu, aux éditions Editas en mai dernier.
A compte d'auteur ? Au sujet du compte d'auteur et au sujet de votre thèse, avez-vous lu
Le pendule de Foucault, d'Umberto Eco ?