Salut Insoumis
Je ne crois pas qu'il y ait antinomie entre le fait de vouloir contextualiser un texte religieux et le fait d'être convaincu de l'existence d'une Vérité transcendantale détenue ou incarnée par Dieu.
Je tiens à préciser tout d'abord que je suis, personnellement, complètement (et irrémédiablement, j'en ai bien peur) a-religieux. Mais pour reprendre l'exemple du Coran, il me semble que l'on peut tout à fait, dans une perspective intra-islamique, revendiquer la nécessité d'une reconstruction contextualisée du message coranique, en arguant (c'est là simple spéculation de ma part, je ne prétend pas être un connaisseur en matière de religion musulmane) :
1. Qu'il n'existe pas de sens a priori, que le sens est toujours le produit d'une dialectique entre le texte et le lecteur du texte (comme l'écrit Abu Zaid : l’interprétation est l’autre face du texte) - ce que récusent ou occultent très souvent tous les tenants d'une lecture littérale des textes sacrés
2. Que le Coran n'est pas, comme le prétend l'orthodoxie sunnite, la parole incrée et inimitable de Dieu, mais le résultat de la compilation/uniformisation de divers fragments de textes (1) eux-mêmes issus de la mémorisation et de la notification d'une récitation publique (2), récitation publique qui constitue une situation d'énonciation mettant en rapport un énonciateur (Mohammed) et des récepteurs dans un contexte socio-culturel particulier (Hedjaz du VII° siècle) qu'il s'agit de reconstruire (3) récitation étant elle-même la résultante de l'incorporation, de la compréhension et de l'instrumentation d'une Vérité divine par un homme (4) qui est lui même le produit de son époque (5)
Autrement dit : Vérité Divine --> Emission sur Mohammed (par l'intermédiaire de l'Ange Gabriel) --> Réception par Mohammed --> Assimilation, réinterprétation de Mohammed --> Enonciation publique par Mohammed (en diverses situations) --> Réception par les auditeurs de Mohammed etc etc... jusqu'à la fixation de la forme linguistique et textuelle définitive par le calife Uthman (avec destruction des variantes non autorisées)
Il faut donc réaffirmer que le Coran est une Parole théandrique (procédant à la fois de l'humain et du divin)
3. Que pour reconstruire le message divin, et affleurer à la Vérité Divine, il faut donc mettre en oeuvre une relecture globale, totale, de ce qui fait sens dans la récitation effectuée par Mohammed, eût égard la spécificités socio-culturelles de la péninsule arabique et les structures mentales des bédouins vivant au VII° siècle (dont on peut légitimement penser qu'elles n'ont rien à voir avec les notres, à supposer que nous ayons les mêmes d'ailleurs)
C'est que M. Talbi nomme une lecture "vectorielle" du Coran, et qui aurait l'insigne mérite de ne pas figer l'islam dans sa concrétion historique originelle (par rapport à une Vérité divine qui se proclame, par définition, intemporelle et universelle) -et par ailleurs permettrait aux musulmans d'éviter quelques petites questions relativement génantes, concernant notamment le statut des femmes, les peines criminelles, ou les moeurs de l'époque (Aïcha..)-
Voilà. T'ai-je à peu près convaincu, dans ma tentative de spéculation théologique à relents hérétiques ?