Châtillon a écrit :
Pour rappel, en anthropologie, (pour le fait religieux),
- le vertical désigne toutes les pratiques qui relient les hommes à l’Être (appelé aussi Dieu, Allah, etc.),
- l'horizontal désigne toutes les pratiques culturelles qui relient les hommes entre eux (pratiques communautaires qui rassemblent des individus autour d'un rite ou des croyances partagés)
Cet angle d'étude me paraît un peu réducteur, surtout s'il s'agit ensuite d'induire un jugement de valeur entre les deux aspects. Ils sont en général entremêlés, car la relation "verticale" entre l'homme et la divinité (qui est affaire de théologie et de spiritualité) ne peut se passer d'une expression extérieure, "horizontale", qui se traduit par l'organisation du culte (ritualisme) et la conceptualisation des rapports sociaux, qui sont modifiés ou simplement repensés pour correspondre à la vision théologique : la fonction de roi comme magicien/prêtre chez les Indo-européens, l'origine et l'application de la loi chez les Juifs et les Musulmans, la fonction des ordres religieux chez les Chrétiens et les Bouddhistes...
Il est toujours difficile de catégoriser les religions sous ces différents aspects, qui évoluent dans le temps et dans l'espace. Ainsi, sur la question des intercesseurs, on peut nuancer les propos ci-dessous.
Saladin a écrit :
Par exemple, le christianisme conçoit la relation entre Dieu et les hommes directement mais aussi indirectement : saints, intercesseurs... L'Islam refuse cet aspect, il n'y a aucun intércesseur entre Dieu et les hommes (sauf dans certaines tendances mais la pluparts des écoles considèrent cela comme du shirk -associationisme"), la relation est directe.
En effet, dans le christianisme, la relation entre l'homme et Dieu fait d'abord appel à Jésus. Ce n'est une intermédiation que si l'on estime qu'il est différent de Dieu, ce qui peut se discuter, et l'a été abondamment
Le recours aux saints est une réalité dans le catholicisme et l'orthodoxie, mais ne l'est pas dans le protestantisme.
Si l'Islam se défend de toute intermédiation, il place néanmoins entre l'homme et Dieu le Coran, dont le rapport avec Dieu est discutable (la parole de Dieu fait-elle partie intégrante de Dieu ? A vos stylos, vous avez 1400 ans). De plus, l'Islam africain a fait massivement appel aux saints (les Marabouts).
Cela m'amène à parler de dévoiement. Ce concept n'a rien d'historique.
Châtillon a écrit :
Le dévoiement d'une pratique religieuse n'est-elle pas intéressante sur le plan historique ? N'a t-on pas des exemples innombrables de communautés monastiques et religieuses qui débutent dans une pratique du vertical, à la fois sincère et rigoureuse pour se perdre au fil des siècles dans une pratique rituelle, monotone et traditionaliste dénuée d’honnêteté...
Quand on parle de "dévoiement", on laisse entendre qu'il existe une forme "pure" de religion, que les hommes auraient laissé entrer en décadence. En fait, c'est un vocabulaire purement religieux, utilisé par les réformistes et fanatiques de tout poil, qui entendent restaurer une communauté originelle fantasmée.
En fait, il n'y a pas dévoiement, mais évolution. Le lien vertical n'est pas originel : il se construit lui-même au fil du temps, des réflexions théologiques et surtout des dialogues avec les penseurs adverses. N'oublions pas : les prophètes ne sont pas des théologiens !
C'est ainsi que le christianisme a fixé sa théologie par opposition et imitation de la philosophie antique, en dissertant sur les parts de divinité et d'humanité en Jésus. Cette théologie a aboutit avec Saint Augustin au concept de "Cité de Dieu", qui justifie l'existence, dans la société, d'un clergé entretenu par celle-ci, et assurant son salut.