DU NOUVEAU CONCERNANT
ABRAHAM EN EGYPTE ET LA VALEUR HISTORIQUE DU RECIT BIBLIQUE
http://gertoux.free.fr/doctorat/pdf/Enq ... braham.pdf
Extrait de l'introduction :
PROBLEMATIQUE DE LA DATATION
La datation de récits très anciens (événements censés se
produire avant -1000) pose un problème redoutable à l'historien.
En effet, avant -1000, les traces archéologiques sont très maigres
et les dates absolues sont rares. L'absence de preuves est souvent
considérée comme une preuve de l'absence mais c'est là une
faute de raisonnement. Une des façons fiables de dater un récit
rédigé à une époque reculée est d'utiliser la datation des
éléments internes. La reconstitution chronologique reste la
meilleure des méthodes. Hérodote "le père de l'histoire" la
résume bien par cette remarque lorsqu'il enquêta pour
déterminer la date de fondation de la ville de Tyr: «J'ai voulu
demander à des personnes compétentes quelques précisions sur
ce sujet et je me suis rendu à Tyr en Phénicie (...) J'ai pu
m'entretenir avec des prêtres du dieu et je leur ai demandé
depuis combien de temps leur temple existait (...) leur temple,
me dirent-ils, remontait à la fondation de la ville, et leur ville
était habitée depuis 2300 ans», information qu'il recoupa
ensuite avec celles obtenues par les "historiens" grecs.
Aujourd'hui, beaucoup d'historiens admettent que:
«Sinouhé inaugure le genre littéraire du roman historique et
autobiographique: l'action démarre au début de la XIIe dynastie
(vers 2000 av. J.-C.)». Ce célèbre conte égyptien semble
effectivement relater des événements authentiques même si son
style est romancé. Sa datation repose sur très peu d'éléments,
soit sur la seule mention de la mort d'Amenemhat I3. Ainsi, les
critiques sur l'authenticité du récit abrahamique se retrouvent à
l'identique envers tous les contemporains de Sinouhé, à savoir:
Selon le texte biblique, Abraham a séjourné en Égypte4
plusieurs années et a même rencontré le pharaon de l'époque.
Or aucun texte égyptien n'évoque l'événement. Selon le texte
égyptien, Sinouhé a séjourné en Palestine (le Retenou
égyptien) plusieurs années et a même rencontré Amounenchi
le prince du pays à l'époque. Or aucun texte sémite ne
mentionne une telle rencontre.
Le nom d'Abraham est rare à cette époque et ne se retrouve
pas en dehors de son histoire biblique. Il en est de même du
nom de Sinouhé.
L'historien est gêné dans l'histoire d'Abraham par la présence
d'un enseignement religieux comme le changement du nom
d'Abram "père élevé" en Abraham "père d'une multitude5".
Le nom Sinouhé (Sa-nehet en égyptien) signifie "fils du
sycomore" et fait référence à un "arbre de vie". Le sycomore
est en effet un arbre particulièrement cher à la mythologie
égyptienne. On le trouve plusieurs fois mentionné dans le
Livre des Morts sous la forme d'une paire de sycomores: «Je
connais ces deux sycomores de turquoise, entre lesquels sort
Rê et qui croissent sur les piliers de Ciel à cette porte du
maître de l'Orient par laquelle sort Rê»; «Ô ce sycomore de
Nout, donne-moi l'eau et la brise qui sont en toi (...) s'il est
valide, je suis valide; s'il vit, je vis; s'il respire la brise, je
respire la brise»6. Cela gêne-t-il vraiment l'historien?
Le séjour d'Abraham en Égypte ne donne aucun élément
géographique précis vraiment identifiable. Le séjour de
Sinouhé en Palestine mentionne Qédem, mot hébreu qui
signifie simplement "l'Orient" et la belle terre de Iaa (écrit
i3-3), inconnue des géographes. Le nom Iaa est parfois
rapproché de la terre de Ioua (écrit i-w3-3), car dans une de
ses actions militaires en "Asie" (autour de -1850) le pharaon
Sesostris III relate qu'il avait prévu de "tailler en pièces [le
pays de] Youa". Mais cela reste très hypothétique.
Les critiques à l'encontre du récit abrahamique sont donc
parfaitement réversibles. Une vision hypercritique de l'histoire
n'est pas loin de déboucher sur une conception proche du
négationnisme qui postule "ce qui est peu sûr n'est pas sûr" (Il
est facile de voir la faiblesse de ces critiques en se demandant si
cette affirmation est elle-même sûre). Une critique raisonnable
doit reposer sur la recherche de la cohérence des événements
relatés et leur vraisemblance par rapport à leur environnement
historique et géographique au moment estimé de la rédaction.
L'historien moderne ne peut espérer trouver beaucoup
d'éléments bibliques dans les récits égyptiens à cause de la forte
animosité des Égyptiens envers les Hébreux. L'histoire de
Sinouhé évoque d'ailleurs à plusieurs reprises une telle aversion:
«J'atteignis les Murs du Prince, qui ont été faits pour éloigner
les Asiatiques (...) car il a été créé pour frapper les Asiatiques
(...) Quand les Asiatiques devinrent hostiles (..) Le Retenou vint.
Il avait incité ses tribus (...) les Asiatiques ne te convertiront pas
[à leur religion] (...) tu ne seras pas converti par des
étrangers».