Duc de Raguse a écrit :
"Ces lois sont pour la plupart inutiles et stupides sur de nombreux points. Je prends pour exemple la loi Taubira de 2001, qui, non seulement accuse les Français d'il y a 8 générations de "crimes contre l'Humanité",
Karolvs a écrit :
C'est vous, Duc de Raguse, qui employez le verbe "accuser".
Duc de Raguse a écrit :
C'est que nous n'avons pas la même compréhension de cette loi cher Karolus... "Reconnaître" que la traite et l'esclavage pratiqués du XVème au XIXème siècle par les Français soit un crime contre l'Humanité, c'est accuser et juger a posteriori les contemporains de cette époque, près de 5 siècles après.
C'est que nous ne nous plaçons pas sur le même registre d'analyse, cher Duc.
Moi, à ce stade, je constate que la loi Taubira ne juge pas et ne met pas en accusation, mais reconnaît l'existence d'un fait, le qualifie juridiquement (dans son article 1er) et en organise la commémoration (articles 2, 3, 4 et 5). La loi régente la mémoire collective et organise la commémoration, dont il faut rappeler qu'elle relève bien du domaine de la loi pas seulement d'elle, mais d'elle aussi.
Mais il est vrai que ces constatations, qualifications juridique et commémorations peuvent "gratouiller" des gens, notamment toutes ces braves gens qui jusque là, ne s'étaient jamais posé la question de savoir quelle somme de souffrance pouvaient bien représenter la traite et l'esclavage de ces être humains. Repentance ? La repentance, c'est quelque chose que nous ressentons ou ne ressentons pas, personnellement, par rapport à l'événement commémoré.
La loi n'organise pas la repentance. La suscite-t-elle ? Certainement. Mais fallait-il pour autant renoncer à promulguer cette loi et laisser s'évaporer dans la nuit du temps qui passe, le souvenir de ces pratiques ? Faut-il exécuter le porte-parole (la loi) parce qu'il apporte une mauvaise nouvelle (il y a eu traite et esclavage) ?Duc de Raguse a écrit :
"Reconnaître" que la traite et l'esclavage pratiqués du XVème au XIXème siècle par les Français soit un crime contre l'Humanité, c'est accuser et juger a posteriori les contemporains de cette époque, près de 5 siècles après.
Je vous rappelle que cette peine est incompressible et imprescriptible, donc c'est une loi à effet rétroactif.
Si vous ne voyez pas un jugement a posteriori, je ne sais pas ce qu'il vous faut...
La question de la rétroactivité ou non des lois est plus compliquée qu'il n'y paraît. Contrairement à une idée fausse assez répandue, une loi peut être à effet rétroactif. C'est le cas :
- quand le législateur déclare la loi expressément rétroactive (sous la réserve du principe édicté par l'article 8 de la constitution "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée"). Or, la loi Taubira ne fixe aucune condamnation, aucune peine).
- quand il s'agit d'une loi interprétative (qui précise le sens d’une loi antérieure)
- les lois pénales qui suppriment une infraction ou fixent une peine moins sévère peuvent aussi être rétroactives.
Sur l'imprescriptibilité du crime contre l'humanité : il est vrai que c'est le seul crime imprescriptible en droit français, mais bien des idées fausse circulent sur cette notion. En quoi consiste-t-elle vraiment ? Eh bien, contrairement aux autres crimes, où il y a prescription au bout de 20 ans, l'auteur d'un crime contre l'humanité peut-être toujours être poursuivi (cf. Papon, Touvier, Barbie). Mais encore faut-il qu'ils soient vivants, car on ne juge pas un mort (cf René Bousquet, dont l'assassiné en 1993 a eu pour effet d'empêcher son inculpation pour crime copntre l'humanité).
En conclusion : rassurez vous, malgré la loi Taubira, aucun "contemporain de cette époque, près de 5 siècles après" ne sera accusé et jugé pour le crime contre l'humanité que constituent la traite et l'esclavage des XVème – XIXème siècles. Cette loi est purement mémorielle.Duc de Raguse a écrit :
totalement idiot d'un point de vue juridique
Karolvs a écrit :
Pourquoi ?
Duc de Raguse a écrit :
Parce qu'une loi ne peut être rétroactive, c'est-à-dire condamner des personnes pour des faits qui n'étaient pas pénalement condamnables à leur époque.
Je viens de démontrer que vous vous trompez, s'agissant de la rétroactivité de certaines lois et de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; vous confondez et mélangez rétroactivité et imprescriptibilité, mon cher Duc !
- la loi peut être rétroactive dans certaines conditions (voyez l'article 112-2 du code pénal : "Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : les lois etc…"
- l'imprescriptibilité a pour effet de toujours permettre la poursuite du crime si l'auteur présumé est vivant : article 213-5 : "L'action publique relative aux crimes prévus par le présent sous-titre (Des crimes contre l'humanité) ainsi que les peines prononcées, sont imprescriptibles."Duc de Raguse a écrit :
et moral
Karolvs a écrit :
Même question : pourquoi ?
Duc de Raguse a écrit :
Parce que nous sommes des individus vivant au XXIème siècle et notre perception de l'être humain nous empêche de penser que l'esclavage puisse être un jour remis en branle et qu'il soit un régime juridique et économique profitable et moralement défendable.
Je vous laisse face à votre appréciation, surtout en ce qui concerne les deux derniers mots appliqués au système de la traite et de l'esclavage.Duc de Raguse a écrit :
Mais, pour un Européen du XVème siècle, il en va tout autrement : les conquistadores, certains colons et monarques d'Europe - je ne vais pas vous apprendre ce qu'est la raison d'Etat - ne pouvaient faire autrement afin de faire fonctionner le commerce atlantique de l'époque et peu de voix se levaient à l'époque pour le condamner. Il en va de même pour les périodes du Moyen-Age ou de la Grèce antique. Allez donc dire à un Athénien - berceau de la démocratie - que l'esclavage est répréhensible moralement... Alors que leur économie dépendait totalement de ce régime et de ce statut juridique !
Il ne s'agit pas de dire quelque chose aux conquistadores ni aux Athéniens. La loi mémorielle ne s'adresse qu'aux Français d'aujourd'hui .Karolvs a écrit :
Lisez l'intitulé et les 5 articles de la loi Taubira (ils ne sont pas longs) et vous verrez que d'autres pays peuvent se sentir concernés.
Duc de Raguse a écrit :
Merci mon cher, mais je les connaissais...
Les accusations indirectes aux autres pays ne sont visibles que pour ceux qui ont lu à leurs heures perdues un peu d'Histoire, mais la majeure partie de la population ne peut les percevoir.
Et c'est précisément pourquoi la loi mémorielle dit dans son article 2 que "les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée.". En résumé : faire ce qu'il faut pour la traite et l'esclavage ne restent pas dans les mémoires seulement comme un système économique, mais aussi comme un système qui frappa des millions d'êtres humains.
Ceux qui ont pris la peine de lire –à leurs heures perdues ou à une autre moment- les 5 articles de la loi Taubira auront remarqué le 3ème article : une requête en reconnaissance de la traite négrière transatlantique ainsi que de la traite dans l'océan Indien et de l'esclavage comme crime contre l'humanité sera introduite auprès du Conseil de l'Europe, des organisations internationales et de l'Organisation des Nations unies. Cette requête visera également la recherche d'une date commune au plan international pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage, sans préjudice des dates commémoratives propres à chacun des départements d'outre-mer. Karolvs a écrit :
qu'il ne s'agit que de reconnaître un fait.
Duc de Raguse a écrit :
Non, mon cher. Il ne s'agit pas de reconnaître simplement un fait, mais de le condamner par la plus lourde peine qui existe en droit pénal.
Ne pensez-vous pas que la traite et l'esclavage à grande échelle soit un crime contre l'humanité ?Duc de Raguse a écrit :
Car de quel droit, contemporains que nous sommes, pouvons-nous accuser nos aïeux de ce crime, dont les actes étaient guidés par un mode de vie diamétralement opposé au notre ?
Karolvs] Poseriez vous la même question à propos d'autres crimes contre l'humanité -eux ausssi guidés par des modes de pensée -si ce n'est de vie- diamétralement opposé aux nôtres, et feriez-vous la même réponse ?[/quote][quote="Duc de Raguse a écrit :
Si vous faites allusion au nazisme ou au communisme - même s'ils y ont échappé... - alors je vous répond non, bien entendu. Car ce sont les contemporains de ces systèmes de pensées, qui en ont souffert, qui les ont jugé. C'est bien différent...
Encore une fois : la loi Taubira ne juge personne. Maintenant, si vous tenez tellement à ce qu'il soit dit que la loi Taubira "juge" l'esclavagisme et les esclavagistes, je cesse de vous contredire mais non sans rappeler que des textes internationaux et européens antérieurs le faisaient déjà, et que d'autres lois dans l'ordre juridique français font de même : le code pénal français range la déportation et la réduction en esclavage (ce sont les premiers mots de l'article 212-1) parmi les crimes contre l'humanité.Duc de Raguse a écrit :
Qui plus est, pourquoi ne limiter cette accusation aux possessions coloniales de la France entre le XVIème et le XVIIIème siècle ??
Karolvs a écrit :
1/ l'acte de reconnaissance (pas d'accusation) n'est pas expressément limité aux colonies françaises, comme je viens de le dire. Il concerne l'esclavage perpétré aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes.
Duc de Raguse a écrit :
Vous noterez que cela correspond aux colonies françaises de l'époque !
Les Anglais n'ont jamais été à Madagascar à ce qu'il semble...
Mais les Anglais, les Espagnols, les Portugais, et d'autres encore, ont aussi été en Amérique, à ce qu'il me semble, et ont réduit en esclavage des populations amérindiennes, que la loi Taubira cite.
Karolvs a écrit :
2/ la loi ne borne pas la reconnaissance aux XVIème et au XVIIIème siècle. Elle vise (au sens juridique du mot) la traite et l'esclavage perpétrés à partir du XVè siècle, sans indication de la fin de la période pendant laquelle ces pratiques avaient cours.
Ce qui appelle de ma part :
- une remarque : la reconnaissance ne s'arrête pas au XVIIIème. Ainsi le XIXème, où l'esclavage était courant dans une partie des Etats-Unis d'Amérique, n'est pas exclu.
- une question : quelles colonies la France possédait-elle au XVème siècle dans les régions et océans cités par la loi ?
Duc de Raguse a écrit :
Aucune, c'est vrai. Mais, les rois de France se sont déjà lancés dans les Découvertes à cette date, même si cela ne fut pas fructueux.
Quels pays pratiquaient la traite et l'esclavage au XVème siècle dans les aires géographiques citées par la loi Taubira ?
La suite de votre message répond à un autre intervenant, Duc de Raguse.
Dans vos citations, vous devriez préciser l'auteur.
Cordialement,