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 Sujet du message : Les lois mémorielles
Message Publié : 15 Avr 2007 11:53 
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Sujet restitué (février 2007)
Citer :
Karolvs
Un vif débat a été ouvert en France par la loi de 2005 qui imposait une lecture historique positive de la colonisation française et le développement des recherches sur ce sujet. Il me semble que les lois "mémorielles" n'ont pas encore été abordées sur Passion Histoire.

La France compte actuellement 4 lois "mémorielles" :

- Loi du 13 juillet 1990, dite Loi "Gayssot" tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe. Première des lois mémorielles, elle a été adoptée dans un contexte de publicité des thèses du négationniste Robert Faurisson remettant en cause le génocide des Juifs et de leur exploitation par l’extrême-droite. Son but était de lutter contre ce négationnisme et de reconnaître la douleur des survivants et des descendants des victimes face à ces remises en cause.

Les lois suivantes ont repris ces objectifs de lutte contre la négation de faits historiques avérés (génocide arménien, esclavage, traite négrière) et de reconnaissance symbolique des mémoires blessées :

- Loi du 29 janvier 2001 dont l'article unique affirme que la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915

- Loi du 21 mai 2001, dite Loi "Taubira", tendant à la reconnaissance, par la France, de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité

- Loi du 23 février 2005, dite loi "Mekachera", portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés

La loi peut-elle aller jusqu'à établir une vérité historique ?
Ces lois n’incitent-elles pas à une "guerre des mémoires" ?
Ne remettent-elles pas en cause les frontières entre histoire et mémoire ? Faut-il les abroger ?

Citer :
Méandre
"l'action politique consciente de son histoire ne doit pas se faire pour l'histoire."

Article 8 de la constitution française ; "Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit"

"Nul n'est sensé ignorer la loi."

Elles sont peut-être belles ces lois, mais elles n'ont rien à faire dans le pléthorique appareil législatif. On a laissé des gens et des chefs de partis politiques dirent des choses abominables pendant longtemps au nom de la liberté d'expression, et aujourd'hui on légifère à tour de bras sur des questions historiques...
Si les députés légifèrent en dehors du cadre constitutionnelle, alors ces députés sont, aux yeux du peuple qui délègue son pouvoir à des représentants par cette même constitution, des "délinquants".

La loi "Gayssot" ne me semble pas assimilable aux autres initiatives. D'ailleurs, un délinquant est un récidiviste d'un point de vue juridique.


Citer :
Fabien de Stenay
Citer :
- Loi du 13 juillet 1990, dite Loi "Gayssot" tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe. Première des lois mémorielles, elle a été adoptée dans un contexte de publicité des thèses du négationniste Robert Faurisson remettant en cause le génocide des Juifs et de leur exploitation par l’extrême-droite. Son but était de lutter contre ce négationnisme et de reconnaître la douleur des survivants et des descendants des victimes face à ces remises en cause.

A noter que Faurisson avait pu être condamné déjà bien avant cette loi.
Le contexte de cette loi est, d'autre part, également celui de l'effondrement du communisme en Europe de l'Est.

Citer :
Méandre
Art 18: Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies.

Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a estimé, le 8 novembre 1996, que la France n'avait pas violé le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en condamnant Faurisson sur la base de la loi Gayssot (cour d'appel de Paris, 9 décembre 1992).

D'ailleurs, la loi Gayssot apparaît être limite limite puisque les Nations unies s'y intéressent, les autres lois n'auront probablement pas le même retour.

Enfin, les dérives des lois qui concernent la liberté d'expression apparaissent, actuellement, avec plusieurs procès d'animateurs télé pour propos raciste. C'est tout le problème, faire la différence entre un vecteur de préjugés et un vecteur de racisme. Bref, ces lois sont démagogiques et elles n'ont pas lieu d'apparaître dans nos lois. Nos lois sont bien faites, mais pratiquement personne ne les connait véritablement bien.

Citer :
Karolvs
Citer :
"l'action politique consciente de son histoire ne doit pas se faire pour l'histoire."
Article 8 de la constitution française ; "Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit"
"Nul n'est sensé ignorer la loi."
Elles sont peut-être belles ces lois, mais elles n'ont rien à faire dans le pléthorique appareil législatif. On a laissé des gens et des chefs de partis politiques dirent des choses abominables pendant longtemps au nom de la liberté d'expression, et aujourd'hui on légifère à tour de bras sur des questions historiques...
Si les députés légifèrent en dehors du cadre constitutionnelle, alors ces députés sont, aux yeux du peuple qui délègue son pouvoir à des représentants par cette même constitution, des "délinquants".
La loi "Gayssot" ne me semble pas assimilable aux autres initiatives. D'ailleurs, un délinquant est un récidiviste d'un point de vue juridique.

Méandre, je me perds dans les méandres de votre argumentation.
De votre intervention ci-dessus, je comprends deux choses:
1. - vous estimez que la loi Gayssot est rétroactive et, par conséquent, inconstitutionnelle et que les députés qui l'ont votée sont des délinquants
2. - les 3 autres lois mémorielles sont d'une nature différente de la loi Gayssot.

Sur le 1er point, vous vous trompez. La loi Gayssot n'est pas rétroactive ; seules les personnes qui ont lu trop vite l'article de loi en question (et celles qui ne l'ont jamais lu mais qui répètent ce qu'ils ont entendu dire par ailleurs), croient cela.

Jugez-en par vous même :
« Art. 9. – Il est inséré, après l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 24 bis ainsi rédigé :
"Art. 24 bis. – Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l'article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale. (…)"
».

Vous pouvez constater qu'il n'est pas écrit "ceux qui ont contesté…", mais "ceux qui auront contesté…". Il n'y a rien de rétroactif dans cet article. Concernant votre couplet sur les "députés délinquants récidivistes", je me bornerai à faire une remarque : ne transformons pas ce sujet de discussion en un "défouloir politico-propagandiste".

Sur le second point, en revanche, vous avez raison : il y a 3 sortes de lois dans ces 4 lois mémorielles :

- la loi Gayssot crée un délit, la négation du génocide des Juifs, et prévoit des sanctions applicables par le juge.
- la loi Taubira et la loi Mekachera ne créent aucu délit et aucune sanction, mais elles ont une fonction normative : elles énoncent des règles de droit qui posent des prescriptions : la loi Taubira permet par exemple aux associations de défense de la mémoire des esclaves de se constituer parties civiles dans des procès et la loi fixe les droits des Harkis dont celui de se défendre dans le cadre des lois déjà en vigueur contre les injures ou diffamations commises à leur encontre.
- la loi du 29 janvier 2001, composée d'un article unique reconnaissant le génocide arménien de 1915, a une fonction uniquement déclarative. Elle matérialise un engagement symbolique.

Certains juristes estiment que les lois mémorielles, dans ce qu'elles ont de déclaratif, dénaturent la loi, dont le rôle est d'édicter des normes.

Citer :
"Nul n'est cencé ignorer la loi."
Elles sont peut-être belles ces lois, mais elles n'ont rien à faire dans le pléthorique appareil législatif.

C'est un point de vue de juriste, que certains n'ont pas manqué de mettre en avant : les lois mémorielles sont essentiellement déclaratives ; elles dénaturent la loi, dont le rôle est d'édicter des normes, non de fixer la vérité historique.

Citer :
Art 18: Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies.

Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a estimé, le 8 novembre 1996, que la France n'avait pas violé le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en condamnant Faurisson sur la base de la loi Gayssot (cour d'appel de Paris, 9 décembre 1992).

Exact. Mais notre sujet n'est pas de savoir si la loi Gayssot est constitutionnelle ou pas, ni de refaire les procès de Faurisson, qui a déjà été condamné 4 ou 5 fois.

Citer :
D'ailleurs, la loi Gayssot apparaît être limite limite puisque les Nations unies s'y intéressent, les autres lois n'auront probablement pas le même retour.

Enfin, les dérives des lois qui concernent la liberté d'expression apparaissent, actuellement, avec plusieurs procès d'animateurs télé pour propos raciste. C'est tout le problème, faire la différence entre un vecteur de préjugés et un vecteur de racisme. Bref, ces lois sont démagogiques et elles n'ont pas lieu d'apparaître dans nos lois. Nos lois sont bien faites, mais pratiquement personne ne les connait véritablement

Hors-sujet.
Les questions qui nous intéressent dans ce forum sont les suivantes :
La loi peut-elle aller jusqu'à établir une vérité historique ?
Ces lois n’incitent-elles pas à une "guerre des mémoires" ?
Ne remettent-elles pas en cause les frontières entre histoire et mémoire ? Faut-il les abroger?

Citer :
Bergame
A mon avis, et si je peux me permetre, Karolus, il y a un biais dans la manière dont vous posez la question. Vous dites : "Une loi n'a pas à fixer la vérité historique." C'est bien clair mais, de fait, aucune loi ne fixe aucune vérité. Ce n'est pas le rôle de la loi de définir la vérité, dans quelque domaine que ce soit. Le rôle de la loi c'est de fixer les normes reconnues institutionnellement.

C'est une nuance, mais je pense que dans le contexte, elle est importante. Car autrement dit, poser la question dans la perspective de l'histoire n'est peut-être pas si pertinent. Car il s'agit plutôt ici, je pense, de protéger ce qu'on estime être les droits d'une ou de plusieurs catégories de citoyens. Beaucoup plus que de vérité historique. A mon sens.

Citer :
Méandre
Cher Karolus, votre argumentaire me convient.

Alors je répondrai précisément aux questions posées ;

La loi peut-elle aller jusqu'à établir une vérité historique ?
Oui, mais seulement une fois pour la pire des horreurs.

Ces lois n’incitent-elles pas à une "guerre des mémoires" ?
Oui et non, elles ont un terreau démagogique car elles sont ciblées sur des sensibilités communautaires qui n'ont rien à faire en justice. Mais je veux bien admettre que la constitution en partie civile semble une bonne chose.

Ne remettent-elles pas en cause les frontières entre histoire et mémoire ? Faut-il les abroger?
Oui et oui sauf la première.

Citer :
Florian
Personnellement, je suis assez opposé à toutes ces lois mais il me semble intéressant de verser au débat une contribution de Bernard-Henri Levy (dont je ne suis pourtant pas fan) qui a le mérite de faire réfléchir. C'est une tribune parue dans Le Monde il y a quelques semaines:
Citer :
Arménie : loi contre génocide

Le négationnisme est le stade suprême du génocide. C'est vrai de l'Arménie comme de la Shoah. Il est essentiel que le législateur empêche l'effacement de cette mémoire

On dit : « Ce n'est pas à la loi d'écrire l'Histoire »... Absurde. Car l'Histoire est déjà écrite. Que les Arméniens aient été victimes, au sens précis du terme, d'une tentative de génocide, c'est-à-dire d'une entreprise planifiée d'annihilation, Churchill l'a dit. Jaurès l'a crié. Péguy, au moment même où il s'engage pour Dreyfus, parle de ce commencement de génocide comme du « plus grand massacre du siècle ». Les Turcs eux-mêmes l'admettent. Oui, c'est une chose que l'on ne sait pas assez : dès 1918, Mustapha Kemal reconnaît les tueries perpétrées par le gouvernement jeune-turc ; des cours martiales sont instituées ; elles prononcent des centaines de sentences de mort. Et je ne parle pas des historiens ni des théoriciens du génocide, je ne parle pas des chercheurs de Yad Vachem, ni de Yehuda Bauer, ni de Raoul Hilberg, je ne parle pas de tous ces savants pour qui, à l'exception de Bernard Lewis, la question de savoir s'il y a eu, ou non, génocide ne s'est jamais posée et ne se pose pas.

Il ne s'agit pas de « dire l'Histoire », donc. L'Histoire a été dite. Elle a été redite et archi-dite. Ce dont il est question, c'est d'empêcher sa négation. Ce dont le Sénat va discuter, c'est de compliquer, un peu, la vie aux insulteurs. Il y a des lois, en France, contre l'insulte et la diffamation. N'est-ce pas la moindre des choses d'avoir une loi qui pénalise cette insulte absolue, cet outrage qui passe tous les outrages et qui consiste à outrager la mémoire des morts ?

On dit : « Oui, d'accord ; mais la loi n'a pas à se mêler, si peu que ce soit, de l'établissement de la vérité car elle empêche, lorsqu'elle le fait, les historiens de travailler. » Faux. C'est le contraire. Ce sont les négationnistes qui empêchent les historiens de travailler. Ce sont les négationnistes qui, avec leurs truquages, brouillent les pistes. Prenez la loi Gayssot. Citez-moi un cas d'historien, un seul, que la loi Gayssot, sanctionnant la négation de la destruction des juifs, ait empêché de travailler.

C'est une loi qui empêche Le Pen ou Gollnisch de trop déraper. C'est une loi qui met des limites à l'expression d'un Faurisson. C'est une loi qui gêne les incendiaires des âmes type Dieudonné. C'est une loi qui, par parenthèse, nous évite des mascarades du type de ce procès du super-négationniste David Irving qui eut lieu à Londres il y a sept ans et où, précisément faute de loi, l'on vit juges, procureurs, avocats, journalistes à scandale, affairés à se substituer aux historiens et à semer, pour de bon, le trouble dans les esprits. Mais c'est une loi qui ne s'est jamais mise en travers de la route d'un seul historien digne de ce nom. C'est une loi qui, contrairement à ce que nous disent, je n'arrive pas à comprendre pourquoi, les « historiens pétitionnaires », les protège, oui, les protège de la pollution négationniste. Et il en ira de même avec l'extension de cette loi Gayssot à la négation du génocide arménien.

On dit : « Où s'arrêtera-t-on ? Pourquoi pas, tant qu'on y est, des lois sur le colonialisme, la Vendée, les caricatures de Mahomet ? Est-ce qu'on ne s'oriente pas vers des dizaines de lois mémorielles dont le seul résultat sera d'interdire l'expression des opinions non conformes ? » Autre erreur. Autre piège. D'abord, il n'est pas question de « lois mémorielles », mais de génocide ; il n'est pas question de légiférer sur tout et n'importe quoi, mais sur les génocides et les génocides seulement ; et des génocides, il n'y en a pas cent, ni dix - il y en a quatre, peut-être cinq, avec le Rwanda, le Cambodge et le Darfour, et c'est une escroquerie intellectuelle de brandir l'épouvantail de cette multiplication de nouvelles lois attentatoires à la liberté de pensée.

Et puis, ensuite, soyons sérieux : il n'est pas question, dans cette affaire, d'opinions non conformes, incorrectes, etc. ; il est question de négationnisme, seulement de négationnisme, c'est-à-dire de ce tour d'esprit très particulier qui consiste non pas à avoir une certaine opinion quant aux raisons de la victoire d'Hitler ou des Jeunes-Turcs, mais qui consiste à dire que le réel n'a pas eu lieu. Pas de chantage, donc, à la tyrannie de la pénitence ! Arrêtons avec le faux argument de la boîte de Pandore ouvrant la voie à une inquisition généralisée ! Le fait que l'on punisse le négationnisme antiarménien n'impliquera en aucune façon cette fameuse prolifération, en métastases, de lois politiquement correctes.

On dit encore : « Attention à ne pas tout mélanger ; il ne faut pas prendre le risque de banaliser la Shoah. » Ma réponse, là-dessus, est très claire. Il est vrai que ce n'est pas pareil. Il est vrai que, et le nombre de ses morts, et le degré d'irrationalité atteint par les assassins, et le type très particulier de rapport à la technique qu'implique l'invention de la chambre à gaz, il est vrai, oui, que tout cela confère à la Shoah une irréductible singularité. Mais, à cette évidence, j'ajoute deux remarques.

Primo, ce n'est peut-être pas « pareil », mais le moins que l'on puisse dire est que cela se ressemble. Et le premier à le savoir, le premier à en prendre acte, fut un certain Adolf Hitler, dont on ne dira jamais assez combien le génocide antiarménien l'a frappé, fait réfléchir et, si j'ose dire, inspiré. Ce génocide arménien, ce premier génocide, le fut - « premier » - à tous les sens du terme : un génocide exemplaire et presque séminal ; un génocide banc d'essai ; un laboratoire du génocide considéré comme tel par les nazis.

Et puis j'ajoute, secundo, cette autre observation. Lorsque je me suis plongé dans la littérature négationniste touchant les Arméniens, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que c'est la même littérature, littéralement la même, que celle que je connaissais et qui vise la destruction des juifs. Même rhétorique. Mêmes arguments. Même façon, tantôt de minimiser (des morts, d'accord, mais pas tant qu'on nous le dit), tantôt de rationaliser (des massacres qui s'inscrivent dans une logique de guerre), tantôt de renverser les rôles (de même que Céline faisait des juifs les vrais responsables de la guerre, de même les négationnistes turcs expliquent que ce sont les Arméniens qui, par leur double jeu, leur alliance avec les Russes, ont fait leur propre martyre), tantôt, enfin, de relativiser (quelle différence entre Auschwitz et Dresde ? quelle différence entre les génocidés et les victimes turques des « bandes armées » arméniennes ?)

Bref. A ceux qui seraient tentés de jouer au jeu de la guerre des mémoires, je veux répondre en plaidant pour la fraternité des génocidés. C'est la position de Jan Patocka, le philosophe de la « solidarité des ébranlés ». C'était la position des pionniers d'Israël, qui, tous, se sentaient un destin commun avec les Arméniens naufragés. La lutte contre le négationnisme ne se divise pas. Laisser une chance à l'un équivaudrait à ouvrir une brèche à l'autre...

On dit enfin - et cela se veut l'argument définitif : « Pourquoi ne pas laisser la vérité se défendre seule ? N'est-elle pas assez forte pour s'imposer et faire mentir les négationnistes ? » Eh bien non, justement ! Parce que ce négationnisme anti-arménien a une particularité que l'on ne trouve pas, pour le coup, dans le négationnisme judéocide : c'est un négationnisme d'Etat ; c'est un négationnisme qui s'appuie sur les ressources, la diplomatie, la capacité de chantage, d'un grand Etat.

Imaginez un instant ce qu'eût été la situation des survivants de la Shoah si l'Etat allemand avait été, après la guerre, un Etat négationniste ! Imaginez leur surcroît de détresse s'ils avaient eu, face à eux, une Allemagne non repentante menaçant ses partenaires de rétorsions s'ils qualifiaient de génocide la tragédie des hommes, femmes et enfants triés sur la rampe d'Auschwitz ! C'est votre situation, amis arméniens ; et il y a là une adversité qui n'a, cette fois, pas d'équivalent et à laquelle je ne suis pas sûr que la vérité, dans sa belle nudité, ait assez de force pour s'opposer.

Un tout dernier mot. Vous vous souvenez d'Himmler créant, en juin 1942, un commando spécial, le commando 1005, chargé de déterrer les corps et de les brûler. Vous connaissez les euphémismes utilisés pour ne pas avoir à dire « meurtre de masse » et pour effacer donc, jusque dans le discours, la marque de ce qui était en train de s'opérer.

Eh bien, cette loi qui est celle de la Shoah, ce théorème que j'appelle le théorème de Claude Lanzmann et qui veut que le crime parfait soit un crime sans trace et que l'effacement de la trace soit partie intégrante du crime lui-même, cette évidence d'un négationnisme qui n'est pas la suite mais un moment du génocide et qui lui est consubstantiel, tout cela vaut pour tous les génocides et donc aussi, naturellement, pour le génocide du peuple arménien. On croit que ces gens expriment une opinion : ils perpétuent le crime. Ils se veulent libres-penseurs, apôtres du doute et du soupçon : ils parachèvent l'oeuvre de mort.

Il faut une loi contre le négationnisme parce que le négationnisme est, au sens strict, le stade suprême du génocide.
Bernard-Henri Lévy

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Message Publié : 13 Mai 2007 10:51 
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Hadrien

A votre avis faut-il répondre aux négationnistes ou bien les ignorer?

Citer :
Narduccio

Il convient de réfuter leurs arguments pour éviter qu'ils ne puissent se targuer de dire la vérité. Mais le problème, c'est que souvent ils ont des "documents" bien tournés et qui abondent dans leur sens. Alors leur répondre impose souvent de réaliser soi-même un travail de recherche pour démontrer que leurs arguments ne tiennent pas la route. Il ne suffit pas de dire que les historiens ont démontré depuis longtemps qu'ils professent des choses fausses; puisqu'ils ont leurs "historiens" qui disent l'inverse. J'ai mis "historiens" entre guillemets, puisque la plupart de ces gens n'ont pas fait d'études d'histoire.

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Message Publié : 13 Mai 2007 18:21 
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Malheureusement Hadrien, il n'y a pas que ces négationistes. Il en existe d'autres comme ces afrocentristes qui ont sévi un temps sur ce site, où ces musulmans qui se refusent à croire qu'il y a eu autre chose avant la religion musulmane...
Les ignorer ? Non ! car si on fait cela un beau jour on se réveillera et on verra que leur travail de sape à fait de grands dégâts.
Certes, vous ne les ferez probablement pas changer d'avis mais au moins vous empêcherez les autres, la grande majorité, de tomber dans leurs griffes.

_________________
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes : Ils peuvent se tromper comme les autres hommes.
Pierre Corneille, Le Cid


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Message Publié : 16 Mai 2007 10:13 
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Une division claire et nette entre histoire et mémoire limiterait les mal-entendus. Elle permettrait aussi de marginaliser les tentatives négationistes. Tout résiderait dans le dialogue entre le mémorialisme et la science historique, voire les sciences sociales au sens plus large. Car l'histoire est une science ; la mémoire est un acte se rapportant à des valeurs (civiques, religieuses, etc). Malheureusement l'effacement des historiens dans notre société ne leur permet pas de faire respecter cette séparation histoire/mémoire, malgré la création du Comité de vigilance sur les usages publics de l'histoire. On voit tout le mal que cette association, qui compte pourtant de grands historiens, a à se faire entendre. Comme si l'histoire était en décalage avec son temps !


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Message Publié : 16 Mai 2007 12:57 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8153
Localisation : Provinces illyriennes
Tout à fait d'accord ! :wink:
Ces lois sont pour la plupart inutiles et stupides sur de nombreux points. Je prends pour exemple la loi Taubira de 2001, qui, non seulement accuse les Français d'il y a 8 générations de "crimes contre l'Humanité", totalement idiot d'un point de vue juridique et moral, mais en plus limite son accusation aux colonies françaises... :?
Car de quel droit, contemporains que nous sommes, pouvons-nous accuser nos aïeux de ce crime, dont les actes étaient guidés par un mode de vie diamétralement opposé au notre ?
Qui plus est, pourquoi ne limiter cette accusation aux possessions coloniales de la France entre le XVIème et le XVIIIème siècle ?? 8O
Une déclaration universelle (qui a déjà eu lieu en 1948) me semble plus appropriée que cette "chasse aux sorcières" de l'Histoire, totalement inutile.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 16 Mai 2007 14:28 
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C'est intéressant de voir ce qui se passe avec l'investiture du nouveau président de la République : son premier acte a été de rendre hommage au soldat inconnu puis d'aller à Boulogne rendre hommage aux fusillés du 16 août 1944. Le discours de Max Gallo est en rupture avec la mémoire telle qu'elle était pratiquée jusqu'ici. Celui de Nicolas Sarkozy, il me semble, s'en est assez bien fait l'écho. Mais je ne pense pas que cela redonne tellement de place à l'historien dans notre société. L'histoire nationale prônée par le nouveau président est légitime, mais elle ne doit pas orienter le travail des historiens. Ce temps là était celui de l'Ecole méthodique de Monod et de Lavisse. L'histoire doit rester indépendante vis à vis de tout cela. Espérons que ce regain du national dans les programmes scolaires ne compromettra pas l'objectivité des sciences sociales et notamment de l'histoire.


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Message Publié : 16 Mai 2007 14:34 
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Salut !

Votre courroux me semble un peu déplacé Duc.

L'histoire et le droit me semble deux choses fondamentalement différentes. Le droit - me semble-t-il - relève de la morale du temps où sont proclamées les lois ; l'histoire - me semble-t-il - doit essayer d'établir des faits et n'a pas à juger le droit.
En d'autres termes le droit peut tout à fait juger les faits historiques (et pas l'histoire) si cela a une répercussion dans la morale contempaine de la société.
Rapellons : "crime contre l'humanité" n'est pas une notion historique mais une notion juridique. Lorsqu'un historien reprend ces termes, c'est que celui-ci est enterriné par la loi.
Pour la Shoa, la base du travail en histoire reste un comptage des morts juifs pendant la GMII et l'établissement de la volonté de l'Etat Nazi de faire disparaitre les juifs de la surface du globe. Ce qui est intéressant dans le cas de la Shoa c'est que le statut juridique est contemporain voire un peu antérieur au travail des historiens - d'où une confusion facheuse pour les rôles respectifs de l'histoire et du droit.
La loi Taubira est sensiblement différente dans le sens où la qualification juridique vient bien après l'établissement de faits répréhensibles du point de vue de la morale contemporaine. Le but n'est certainement pas ici de faire dire : "Ah qu'ils étaient vilains à cette époque ! Nous nous sommes plus civilisés !". L'esclavage et la mise en infériorité des noirs (et d'autres peuplades) dans les mentalités ont eu pour conséquence des discriminations avérées dans la société contemporaine pouvant être condamnée par la morale actuelle (discriminations à l'embauche, pour l'habitat, etc). Et c'est pour cela que le législateur a le droit de légiférer et de condamner juridiquement certains faits de cette époque. Le but est de contraindre les esprits réticents à adopter des attitudes moralement acceptables (anti-raciste). Malheureusement il est vrai que les afrocentristes s'emparent volontiers de cette loi pour se victimiser au-delà du raisonnable. Tout comme certaines factions sionistes.
La loi sur les effets positifs de la colonisation n'a pas cet aspect moralisateur dans la vision de l'autre. Il s'agirait ici de contraindre l'histoire à prendre un point de vue partial afin de développer un point de vue positif sur l'histoire ; et donc imposer une certaine écriture de l'histoire. Heureusement, elle n'est pas passée.
La loi sur la reconnaissance du génocide arménien est - à mon sens - discutable. D'une part, il ne me semble pas que les parties turques et arméniennes soient d'accord (il semble que l'accès aux documents est assez contrôlé par l'état turc "héritier" de l'état Ottoman). D'autre part - et sans doute plus important - je ne vois pas en quoi il y a à changer la vision que l'on peut avoir des arméniens dans notre société française, sinon dans une vision purement électoraliste.
La loi française ne peut normalement juger que ce qui à trait à la France et les faits commis en France ou les préjudices subis par des ressortissants français. En ça, les lois de compétences universelles développées par certains droits nationaux me semblent à la limite de la légalité... cette dernière remarque doit répondre à ceci :

Citer :
Qui plus est, pourquoi ne limiter cette accusation aux possessions coloniales de la France entre le XVIème et le XVIIIème siècle ??


Cordialement.


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Message Publié : 16 Mai 2007 14:55 
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Votre courroux me semble un peu déplacé Duc.

Oui, on peut parler de courroux... :wink: :lol:

Citer :
L'histoire et le droit me semble deux choses fondamentalement différentes. Le droit - me semble-t-il - relève de la morale du temps où sont proclamées les lois ; l'histoire - me semble-t-il - doit essayer d'établir des faits et n'a pas à juger le droit.

Exact !
Et pourtant ces lois mélangent les deux, donnant un effet rétroactif à la loi, ce qui est une hérésie pour tout juriste qui se respecte et moralement fallacieux.

Citer :
En d'autres termes le droit peut tout à fait juger les faits historiques (et pas l'histoire) si cela a une répercussion dans la morale contempaine de la société.

Trouvez-moi où dans la loi Taubira ! Est-ce pour satisfaire la 4ème génération de personnes qui n'ont plus connu l'esclavage, alors que des débats et des lois ont eu lieu tout au long du XIXème siècle.
Par ailleurs, selon moi, la loi n'a pas à excuser quoique ce soit dans notre passé. C'est se comporter en juge d'événements que la plupart de nos contemporains sont incapables d'analyser et d'appréhender.

Citer :
L'esclavage et la mise en infériorité des noirs (et d'autres peuplades) dans les mentalités ont eu pour conséquence des discriminations avérées dans la société contemporaine pouvant être condamnée par la morale actuelle

C'est bien ce que j'avais aussi compris et cela reste toujours inopportun, voire stupide. Ce serait montrer - par la loi - la filliation entre les jeunes exclus d'aujourd'hui et l'esclavage de leurs aïeux... Dans la plupart des cas, leurs aïeux ne furent pas esclaves et cela sous-tendrait à penser qu'en plus de 150 ans leur condition économique et sociale n'a pas changé !

Citer :
Malheureusement il est vrai que les afrocentristes s'emparent volontiers de cette loi pour se victimiser au-delà du raisonnable.

Voilà une des premières dérives de la loi...

Citer :
En ça, les lois de compétences universelles développées par certains droits nationaux me semblent à la limite de la légalité...

C'est pourtant ce qu'il ressort de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de l'ONU.

Citer :
La loi française ne peut normalement juger que ce qui à trait à la France et les faits commis en France ou les préjudices subis par des ressortissants français.

Je suis bien d'accord, mais alors pourquoi ne pas accuser les rois carolingiens pour leurs possessions d'esclaves européens et asiatiques au Moyen-Age ??? Pourquoi uniquement lier l'ethnie noire avec l'esclavage alors que ce dernier existait depuis la nuit des temps en Europe ou dans le Croissant fertile et ne concernait pas des noirs ?
La loi commet un amalgame qu'elle souhaite elle-même éviter, c'est en ce sens que je la trouve stupide.

Bien à vous,

duc de Raguse.

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Message Publié : 16 Mai 2007 14:57 
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Citer :
En ça, les lois de compétences universelles développées par certains droits nationaux me semblent à la limite de la légalité...

C'est pourtant ce qu'il ressort de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de l'ONU.

Excusez-moi, je n'avais pas bien lu, ne tenez pas compte de cette remarque...

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Message Publié : 16 Mai 2007 15:52 
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Salut !

Citer :
Et pourtant ces lois mélangent les deux, donnant un effet rétroactif à la loi, ce qui est une hérésie pour tout juriste qui se respecte et moralement fallacieux.

Le droit est dit à un moment T en prenant des résultats d'études historiques à un moment T. Ce serait fallacieux si le droit se voulait intemporel. Ce qui n'est pas le cas.

Citer :
Trouvez-moi où dans la loi Taubira ! Est-ce pour satisfaire la 4ème génération de personnes qui n'ont plus connu l'esclavage, alors que des débats et des lois ont eu lieu tout au long du XIXème siècle.
Par ailleurs, selon moi, la loi n'a pas à excuser quoique ce soit dans notre passé. C'est se comporter en juge d'événements que la plupart de nos contemporains sont incapables d'analyser et d'appréhender.

Il ne s'agit pas de juger à proprement parler l'histoire, mais à imposer une façon de penser et des comportements plus moraux dans notre société actuelle ; comportement afilié directement à des comportements imprégnés à ces époques dans notre société actuelle (ou tout du moins considéré comme tels dans la mémoire collective actuelle).
Esclavage -> Colonisation -> loi Taubira.
La loi n'a pas à expliquer sa raison d'être. Elle est juste là pour permettre d'agir.




Citer :
C'est bien ce que j'avais aussi compris et cela reste toujours inopportun, voire stupide. Ce serait montrer - par la loi - la filliation entre les jeunes exclus d'aujourd'hui et l'esclavage de leurs aïeux... Dans la plupart des cas, leurs aïeux ne furent pas esclaves et cela sous-tendrait à penser qu'en plus de 150 ans leur condition économique et sociale n'a pas changé !

C'est un problème de perception dans la mémoire collective (sociétale). Celle-ci peut-être caricaturale par rapport aux réalités "réelle" historiques.


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Message Publié : 16 Mai 2007 20:06 
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Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
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Duc de Raguse a écrit :
Tout à fait d'accord ! :wink:
Ces lois sont pour la plupart inutiles et stupides sur de nombreux points. Je prends pour exemple la loi Taubira de 2001, qui, non seulement accuse les Français d'il y a 8 générations de "crimes contre l'Humanité",

C'est vous, Duc de Raguse, qui employez le verbe "accuser". La loi, elle, emploie dit que "La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVè siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité."
Duc de Raguse a écrit :
totalement idiot d'un point de vue juridique

Pourquoi ?
Duc de Raguse a écrit :
et moral

Même question : pourquoi ?

Duc de Raguse a écrit :
mais en plus limite son accusation aux colonies françaises... :?

D'abord, je regrette que vous employiez encore le mot "accuser" là où la loi ne fait que reconnaître un fait (la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVè siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes), et le qualifier juridiquement (constituent un crime contre l'humanité).

Ensuite, je fais remarquer que la loi ne limite à aucun moment -expressément- la reconnaissance aux seules colonies françaises. Lisez l'intitulé et les 5 articles de la loi Taubira (ils ne sont pas longs) et vous verrez que d'autres pays peuvent se sentir concernés.

Duc de Raguse a écrit :
Car de quel droit, contemporains que nous sommes, pouvons-nous accuser nos aïeux de ce crime, dont les actes étaient guidés par un mode de vie diamétralement opposé au notre ?

Encore ce mot "accuser", alors qu'il ne s'agit que de reconnaître un fait.

La question que vous posez, renvoie à une position de principe : vous estimez que nous n'avons pas le droit -et pas les moyens- de porter un jugement sur les actes de nos aïeux.

Poseriez vous la même question à propos d'autres crimes contre l'humanité -eux ausssi guidés par des modes de pensée -si ce n'est de vie- diamétralement opposé aux nôtres, et feriez-vous la même réponse ?

Duc de Raguse a écrit :
Qui plus est, pourquoi ne limiter cette accusation aux possessions coloniales de la France entre le XVIème et le XVIIIème siècle ?? 8O

1/ l'acte de reconnaissance (pas d'accusation) n'est pas expressément limité aux colonies françaises, comme je viens de le dire. Il concerne l'esclavage perpétré aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes.

2/ la loi ne borne pas la reconnaissance aux XVIème et au XVIIIème siècle. Elle vise (au sens juridique du mot) la traite et l'esclavage perpétrés à partir du XVè siècle, sans indication de la fin de la période pendant laquelle ces pratiques avaient cours.

Ce qui appelle de ma part :
- une remarque : la reconnaissance ne s'arrête pas au XVIIIème. Ainsi le XIXème, où l'esclavage était courant dans une partie des Etats-Unis d'Amérique, n'est pas exclu.
- une question : quelles colonies la France possédait-elle au XVème siècle dans les régions et océans cités par la loi ?

Duc de Raguse a écrit :
Une déclaration universelle (qui a déjà eu lieu en 1948) me semble plus appropriée que cette "chasse aux sorcières" de l'Histoire, totalement inutile.

Si vous voulez. Mais c'est autre chose.
L'objet de la déclaration de 1948 n'est pas -principalement- de reconnaître des faits passés et d'en organiser la commémoration mais, ayant tiré les leçons du passé ("Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité..."), de construire pour l'avenir un régime de droit qui protège les droits de l'homme.

A propos de la loi Taubira : ceux qui souhaiteront approfondir la question trouveront intéressant de suivre l'évolution du projet de loi initial jusqu'à son adoption définitive : http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/esclavage.asp

Cordialement.


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Message Publié : 16 Mai 2007 20:48 
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Ayant du m'interrompre de façon impromptu je reprend (tout en notant au passage les réflexions intéressante de Karolus).

Pour la dernière citation du duc, je rajouterai que la mémoire est d'autant plus forte, que le lien entre esclavagisme et condition des noirs est d'autant plus forte, car nombre de familles d'outremer ont un grand-parent ou un arrière-grand-parent ancien esclave.

Citer :
Voilà une des premières dérives de la loi...

Les lois ne sont pas faite pour être intemporelles. Elles portent toutes en germe leurs défauts et leurs trous juridiques...

Citer :
Je suis bien d'accord, mais alors pourquoi ne pas accuser les rois carolingiens pour leurs possessions d'esclaves européens et asiatiques au Moyen-Age ??? Pourquoi uniquement lier l'ethnie noire avec l'esclavage alors que ce dernier existait depuis la nuit des temps en Europe ou dans le Croissant fertile et ne concernait pas des noirs ?
La loi commet un amalgame qu'elle souhaite elle-même éviter, c'est en ce sens que je la trouve stupide.

Parceque les noirs sont une minorité visible qui a appris à défendre ses intérêts sur l'espace public. Et c'est une bonne chose (si on ne tient pas compte des dérives qui arrivent en permanence avec n'importe quel lobbie).
Les rois carolingiens sont trop lointain dans la mémoire collective (sauf peut-être chez Dan Brown !). Ils ne peuvent supporter un symbole d'un nécessaire changement de moeurs.

Cordialement


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Message Publié : 16 Mai 2007 22:04 
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Citer :
C'est vous, Duc de Raguse, qui employez le verbe "accuser".

C'est que nous n'avons pas la même compréhension de cette loi cher Karolus... :wink:
"Reconnaître" que la traite et l'esclavage pratiqués du XVème au XIXème siècle par les Français soit un crime contre l'Humanité, c'est accuser et juger a posteriori les contemporains de cette époque, près de 5 siècles après.
Je vous rappelle que cette peine est incompressible et imprescriptible, donc c'est une loi à effet rétroactif.
Si vous ne voyez pas un jugement a posteriori, je ne sais pas ce qu'il vous faut... :?

Citer :
Pourquoi ?

Parce qu'une loi ne peut être rétroactive, c'est-à-dire condamner des personnes pour des faits qui n'étaient pas pénalement condamnables à leur époque.

Citer :
Même question : pourquoi ?

Parce que nous sommes des individus vivant au XXIème siècle et notre perception de l'être humain nous empêche de penser que l'esclavage puisse être un jour remis en branle et qu'il soit un régime juridique et économique profitable et moralement défendable.
Mais, pour un Européen du XVème siècle, il en va tout autrement : les conquistadores, certains colons et monarques d'Europe - je ne vais pas vous apprendre ce qu'est la raison d'Etat :wink: - ne pouvaient faire autrement afin de faire fonctionner le commerce atlantique de l'époque et peu de voix se levaient à l'époque pour le condamner. Il en va de même pour les périodes du Moyen-Age ou de la Grèce antique. Allez donc dire à un Athénien - berceau de la démocratie - que l'esclavage est répréhensible moralement... Alors que leur économie dépendait totalement de ce régime et de ce statut juridique !

Citer :
Lisez l'intitulé et les 5 articles de la loi Taubira (ils ne sont pas longs) et vous verrez que d'autres pays peuvent se sentir concernés.

Merci mon cher, mais je les connaissais... :wink:
Les accusations indirectes aux autres pays ne sont visibles que pour ceux qui ont lu à leurs heures perdues un peu d'Histoire, mais la majeure partie de la population ne peut les percevoir.

Citer :
qu'il ne s'agit que de reconnaître un fait.

Non, mon cher. Il ne s'agit pas de reconnaître simplement un fait, mais de le condamner par la plus lourde peine qui existe en droit pénal.

Citer :
Poseriez vous la même question à propos d'autres crimes contre l'humanité -eux ausssi guidés par des modes de pensée -si ce n'est de vie- diamétralement opposé aux nôtres, et feriez-vous la même réponse ?

Si vous faites allusion au nazisme ou au communisme - même s'ils y ont échappé... :evil: - alors je vous répond non, bien entendu. Car ce sont les contemporains de ces systèmes de pensées, qui en ont souffert, qui les ont jugé. C'est bien différent...

Citer :
Il concerne l'esclavage perpétré aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes.

Vous noterez que cela correspond aux colonies françaises de l'époque ! :wink:
Les Anglais n'ont jamais été à Madagascar à ce qu'il semble... :D

Citer :
une question : quelles colonies la France possédait-elle au XVème siècle dans les régions et océans cités par la loi ?

Aucune, c'est vrai. Mais, les rois de France ce sont déjà lancés dans les Découvertes à cette date, même si cela ne fut pas fructueux.

Citer :
Ce serait fallacieux si le droit se voulait intemporel.

Il l'est à mon sens, puisqu'il juge le passé...
Personne ne va défendre ici la traite ou l'esclavage à ces époques, mais ce qui me gène c'est que c'est une loi qui va dire ce qui est moral ou non à ces dates. Ce n'est pas à la loi de le faire - encore moins à une réprésentante de ces populations "meurtries" -, mais aux historiens spécialistes.
A ce jeu là on peut accuser tout le monde et n'importe qui de "crime contre l'Humanité". Ribbe avait tenté de le faire en 2005 pour Napoléon... :roll:

Citer :
mais à imposer une façon de penser et des comportements plus moraux dans notre société actuelle

Je suis d'accord, à condition qu'on ne prenne pas l'Histoire comme espace de justice contemporaine.

Citer :
je rajouterai que la mémoire est d'autant plus forte, que le lien entre esclavagisme et condition des noirs est d'autant plus forte, car nombre de familles d'outremer ont un grand-parent ou un arrière-grand-parent ancien esclave.

Vous oubliez quelques "arrière", puisque depuis 1848, il n'y en a plus. :wink:
La mémoire est forte ? Soit ! mais qu'on laisse ce travail aux historiens et non aux politiques. On sait ce que cela fait lorsque ces derniers s'occupent de s'approprier le champ d'étude des premiers.

Citer :
Parceque les noirs sont une minorité visible qui a appris à défendre ses intérêts sur l'espace public.

Voilà le postulat pourri de départ... Personnellement, je fais partie d'une population qui a été francisée au milieu du siècle dernier, après de nombreuses guerres. Ma famille a été victime de discriminations, d'insultes par de nombreux Français" de brimades en fonction de ses origines. Dois-je, pour autant, demander une loi, pour obtenir réparation, et ainsi englober toutes les familles dans le cas de la mienne ?
En réagissant ainsi, au regard de la composition "ethnique" de notre pays il me semble que ces lois seraient interminables et illimitées... :roll:

Citer :
Les rois carolingiens sont trop lointain dans la mémoire collective

Dommage ! Cela éviterait à la plupart de nos contemporains de penser qu'esclavage rime uniquement avec couleur noire... :?
Alors que nous savons fort bien que l'histoire de l'esclavage est multiséculaire et ne concerne pas seulement ces parties du globe et ces dates, bien restreintes, finalement...

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Message Publié : 17 Mai 2007 9:50 
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Thucydide
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Localisation : Paris
Citer :
Je suis d'accord, à condition qu'on ne prenne pas l'Histoire comme espace de justice contemporaine.


J'irai plus loin encore : il n'est pas question de juger le passé, pas plus que le présent. L'histoire doit faire l'effort d'observer le crime le plus odieux d'un oeil aussi neutre que l'action la plus méritante, ou que le fait le plus quotidien. Il y a là une simple question de rigueur et de méthode, et ce n'est pas au parlement ou aux lois de statuer sur les compétences de l'histoire, mais bel et bien aux historiens.


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Message Publié : 17 Mai 2007 14:22 
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R.d. a écrit :
J'irai plus loin encore : il n'est pas question de juger le passé, pas plus que le présent.

Pourtant, c'est bien ce que nous faisons tous, historiens compris. Même le livre le plus neutre, réalisé par un historien sérieux, à un moment ou un autre portera un jugement plus ou moins objectif sur la période ou le personnage concerné par ce livre (ou son étude, sa thèse, ....)

R.d. a écrit :
L'histoire doit faire l'effort d'observer le crime le plus odieux d'un oeil aussi neutre que l'action la plus méritante, ou que le fait le plus quotidien. Il y a là une simple question de rigueur et de méthode, et ce n'est pas au parlement ou aux lois de statuer sur les compétences de l'histoire, mais bel et bien aux historiens.


Le travail d'un historien est bien d'amener des éléments de compréhension, de mettre en valeur les faits et observations qui permettent de comprendre ou d'analyser une période ou un personnage.
Même sans parler des sujets "polémiques" et tout lecteur de ce forum en connait plusieurs, ce travail de mise en valeur permet justement de juger ce que "vaut" cette période ou ce personnage au vu de ses actions et de l'éthique de sa période ou de la notre.

Je ne pense pas connaitre un seul "ouvrage historique" (au sens large du terme) qui ne porte un jugement sur la période ou le personnage utilisé. Et cela même si l'auteur pense avoir été le plus neutre possible, je dirais presque: surtout si l'auteur proclame une complète neutralité.


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