Sujet restitué (février-mars 2007)
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xenophon.sparte
Du point de vue historique, les grandes périodes historiques ont une certaine forme de cohérence. Les dates de début et de fin qui leurs sont attribuées marquent une certaine rupture, bien qu'il fasse les nuancer, en 51 avjc les gaulois ne se sont pas réveillés un jour en se disant : "ça y est, je suis Romain maintenant"... Tout n'est qu'histoire de changements progressif, d'adaptation lente...
Le fait est que si ces découpages semblent convenir aux historiens, il n'en est rien au niveau matériel : rien ne ressemble plus à une céramique de Vème siècle qu'une céramique du VIème siècle, et pourtant, l'une est antique et l'autre médiévale....
Les grands carcans de l'histoire ont été faits "par le haut", en délaissant la majorité de la population, et la communication entres deux disciplines qui sembleraient complémentaires est trés ténue : la plupart des historiens considèrent toujours les archéologues comme des auxiliaires de l'Histoire, à noter que l'inverse marche aussi... Le rêve de Marc Bloch et de Lucien Febvre sur l'interdisciplinarité est encore loin d'être réalisé...
A mon point de vue, il ne faudrait pas chercher l'universalité chronologique, qui certe simplifierait grandement les choses, mais qui pour moi n'existe pas, mais au contraire raisonner à une échelle plus petite qui, certes complexifierait grandement l'histoire (et encore...) mais qui serais plus juste. Mon exemple le plus frappant est l'appellation de moyen age, qui s'arrêterait en 1453 pour nos contrées (je choisis cette date butoir tout en sachant que d'autres sont possibles... mais comme je l'ai dis la redécouverte des amériques n'a rien changé dans la vie du pauvre paysan du fin fond de sa Bausse...), alors que le même terme s'applique pour le Danemark, mais qui, chez eux, ne se termine qu'au XVIIIème siècle... Problème problème... Pourquoi alors, dans ce cas là, ne pas faire stopper la période antique à la chute de constantinople et non pas à la chute de Rome (ou plutôt du dernier empereur romain d'occident Romulus augustule, déposé par Odoacre.....)....
Voili voilou pour mes réflexions matinales... :lol!:, j'aurais encore plein d'autres exemples sur les incohérences chronologiques au point de vue de l'étude matérielle, mais il ne faut pas abuser des bonnes choses...
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Deshays Yves-Marie
J'ai beau "fouiller, fouiller, fouiller"... je ne saisis pas très bien où vous voulez en venir!
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Plus oultre
Je crois deviner que c'est à une réévaluation du "découpage" chronologique, moins "grossier" et fondé non sur les événements politiques mais sur les évolutions sociales (du non événementiel, donc ?). Et dans une perspective plus englobante (échelle européenne ? civilisationnelle ?), pour gommer la relativité et les particularismes liés aux histoires nationales (cf. le cas du Moyen Age au Danemark).
Mais bon, tout historien me semble-t-il a bien à l'esprit que le temps n'est nullement "découpé" et que les grandes périodes historiques (Antiquité, Moyen Age, époques moderne et contemporaine) sont avant tout des conventions commodes et nécessaires (sur cette question voir un ouvrage d'épistémologie, il me semble me rappeler qu'Antoine PROST lui consacre un chapitre de ses Douze leçons sur l'histoire).
Après, libre à chacun de réévaluer l'unité et la cohérence des périodes concernées, selon des logiques (politiques, sociales, culturelles, ce que vous voulez) différentes : François FURET faisait terminer la Révolution française avec l'avènement de la République républicaine, Jacques LE GOFF fait terminer le Moyen Age au XIXème siècle avec l'avènement de la révolution industrielle.
Chacun ses vues donc, mais le cadre chronologique classique me semble être une convention vraiment indispensable, ne serait-ce que par clarté.
La question de l'interdisciplinarité, c'est autre chose, mais c'est vrai que c'est une évolution qui se fait très lentement...
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xenophon.sparte
Un historien a cela a l'esprit, oui, c'est parce que j'ai cela a l'esprit que j'ai ce genre de réflexions.... mais toutes les personnes qui apprennent l'histoire ne le savent pas, pourquoi donc simplifier quelque chose de complexe???? on ne simplifie pas les maths? la physique??? alors pourquoi simplifier l'histoire, science sociale, mais science quand même!!!
Je sais que je me bats contre des moulins, comment faire évoluer une telle institution, certes, je m'engage dans la voie de la recherche... mais seul :lol!:
Je suis surement un puriste, mais en archéologie, on parle par cadre culturel, c'est certes plus complexe, diversifié, mais tellement plus précis!!
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Optimus princeps
La question du découpage chronologique fait-elle encore débat aujourd'hui dans la communauté historienne ? Personnellement, je ne crois pas. Tous les historiens savent bien l'arbitraire de tels outils qui sont finalement plus utiles à l'organisation de l'enseignement (à l'université par exemple, cela permet une répartition des étudiants) qu'à la recherche. Il ne sort pas aujourd'hui de thèse qui ne fasse un détour par la critique du découpage chronologique de sa période ou de son thème. Chez les historiens des techniques, par exemple, le rythme de l'innovation a remis en cause les découpages de l'histoire économique classique pour mettre au jour une réalité rythmée différemment.
La question est plutôt celle de la perception des bouleversements par les acteurs de l'histoire : les consciences ne prennent parfois pas du tout la mesure d'un évènement ou du point culminant d'un processus. A l'inverse, on connaît aussi l'hyperfocalisation, accentuée aujourd'hui par les médias qui taxent la moindre victoire de l'équipe départementale de Plouge-en-Artois "d'historique".
Découper une période est une question que l'on laisse volontairement en suspens. Ce n'était pas le cas hier, quand on utilisait les cadres politiques comme seuls références. On n'y apporte pas de réponse, mais on la pose quand-même : "voilà mon terminus post quem et mon terminus ante quem. Voici les critères retenus et ceux qui ne le sont pas".
D'un point de vue heuristique, le découpage pose des questions auxquelles il faut répondre quand on enseigne l'histoire : montrer le relatif des découpages de la chronologie est le préalable pour prendre en compte le nombre importants de facteurs qui agissent à une époque donnée.
Les Trente Glorieuses que j'enseigne en ce moment sous l'angle des bouleversements techniques et économiques nous montrent bien le relatif d'un découpage strict (1945-1974, 75 ?) et l'ensemble des forces qui agissent sur la société française pendant trente ans : la démographie (relèvement commencé pendant la guerre : exit 45 !), l'économie (que l'on peut dfficilement bornée à l'aide du sacro-saint choc pétrolier tant les effets sectoriels sont divers), le politique (encore un peu plus complexe tant la période est mouvementée et fractionnée entre une quatrième à bout de souffle, la seconde période gaullienne, le pompidolisme et l'arrivée de VGE) et j'en passe...
La vertu d'un découpage tel que celui-là est qu'il est discutable : de la vision que les contemporains ont sur leur époque (les fameuses Trente glorieuses de Fourastié) on arrive à déterminer des évidences et des impensés qui viennent remettre en cause ce qui reste un témoignage.
Ce découpage est finalement très utile !
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Plus oultre
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mais toutes les personnes qui apprennent l'histoire ne le savent pas, pourquoi donc simplifier quelque chose de complexe????
Par souci pédagogique ? Pourquoi fermer aux autres ce qu'on voudrait leur ouvrir ? Le découpage classique est encore plus indiqué pour des néophytes en histoire !
Ca me rappelle la question qui était posée dernièrement à la candidate d'un jeu télévisé d'une grande chaîne privée (à une heure de grande écoute) :
"Quelle est la période historique qui succède au Moyen Age ?
A. L'Antiquité B. L'époque moderne B. L'époque contemporaine."
La réponse de l'intéressée, je crois me souvenir, après bien des doutes et consultation du public, a été la "C".
Ce n'est évidemment pas représentatif des "personnes qui apprennent l'histoire", mais ça montre au moins qu'avant de chambouler les découpages ou d'en discuter le bien-fondé, il faut encore transmettre le plus simple. Citer :
Faget
Je profite de cet échange pour poser une question de "paysan du Danube", mais à laquelle je n'ai jamais obtenu une réponse claire. On a fixé une date entre l'antiquité et le Moyen-Âge,une autre entre le Moyen-âge et les temps modernes. Mais que dire de la fin des temps modernes et du début de la période contemporaine? Où situe-t-on la date ?
Merci pour vos précisions.
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André Sanphrapé
Par convention, 1789 pour la France et l'Europe, même si, en France, la Révolution française est de plus en plus souvent traitée par des Modernistes et que le XIXe siècle des historiens ne commence pas avant 1815.
Mais cela peut varier selon les thèmes (en histoire des techniques, par exemple, 1789 n'a aucun sens) et, bien sûr, selon les pays. Pour le Japon, l'époque contemporaine commencerait plutôt en 1868.
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Faget
Oui,merci de votre apport. Cela enrichit le panorama. J'avais entendu :1914, d'autres précisant 1917 à cause de la révolution bolchevique. Et même, l'histoire contemporaine est celle où il y a encore des témoins vivants. Dans ce cas l'histoire moderne aurait un avenir infini.
Bon, je louvoierai entre les écueils !...
Citer :
André Sanphrapé
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J'avais entendu :1914, d'autres précisant 1917 à cause de la révolution bolchevique .
Cela, c'est pour le début du XXe siècle des historiens.
Citer :
l'histoire contemporaine est celle où il y a encore des témoins vivants.
Cela serait plutôt la définition de l'« histoire du temps présent » des historiens. Citer :
clem974
Ce qui m'embête un petit peu au niveau du découpage, c'est qu'il n'y est fait aucune mention des autres continents.
Comme si 476 signifiait quelque chose pour les civilisations précolombiennes...
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Nebuchadnezar
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on ne simplifie pas les maths? la physique??? alors pourquoi simplifier l'histoire, science sociale, mais science quand même!!!
Je sais que je me bats contre des moulins, comment faire évoluer une telle institution, certes, je m'engage dans la voie de la recherche... mais seul :lol!:
Heu... Les maths et la physique sont précisément les sciences où la symbolique et la modélisation sont les plus importantes.
En mathématiques, on apprend à faire des additions avec des nombres entiers sans apprendre que qu'on utilise la loi "+" sur le groupe abélien (N, +), lui-même sous-groupe de (R, +), et qu'avec les deux lois "+" et "*", (R, +, *) est un corps (là première fois en dix ans que j'arrive à placer dans une phrase quelque chose appris en Math-Sup). De même, en physique, un phénomène physique est décrit par un modèle, en sachant bien qu'il ne s'agit que d'un simplification : un gaz n'est pas décrit avec la vitesse et la direction de chacune de ses molécules, mais avec des grandeurs qui résultent du mouvement de ces molécules, et permettent de décrire les effets qu'il peut produire dans une machine : Pression, volume, température, quantité de matière (PV = nRT).
Pour en revenir à l'Histoire, le découpage est nécessaire pour apprendre ce qui n'est qu'une suite de faits grands ou petits étalés sur plusieurs milliers d'années. Tout le problème vient dans la définition de constantes communes aux événements de chaque tranche.
Il serait intéressant d'effectuer une analyse avec des outils d'intelligence artificielle : data-mining, réseaux de neurones... dont c'est justement la fonction.
Dans le monde de l'édition actuelle, j'observe une certaine tendance : les deux guerres mondiales sont de plus en plus considérées comme une seule guerre de 30 ans, qui n'aurait connu que des trêves (d'ailleurs bien courte si on inclut dedans la guerre civile russe, l'invasion japonaise de la Chine, et la guerre d'Espagne), à l'instar de la guerre de 100 ans qui eut elle-aussi des accalmies et des reprises d'hostilité.
Maintenant, si on voulait faire un découpage plus global, au moins de l'histoire de l'Eurasie, je pense qu'un découpage basé sur les vagues d'invasions de nomades pourrait s'avérer plus pertinent. On pourrait ainsi faire s'arrêter l'Antiquité à l'arrivée des huns en Europe. De même, on pourrait avoir un avant et un après les invasions arabe et mongole.