X-ray a écrit :
Votre approche des sciences auxiliaires est en effet une approche purement universitaire, qui se rapproche de ce que deux juristes (Chevallier et Loschak) ont appelé la "kleptomanie académique" de la prétention à la pluridisciplinarité.
Les sciences auxiliaires n'existent jamais comme tel, parce qu'elles ne sont que . Dans ma fac, le prof de paléographie est
aussi prof de médiévale, de même pour celui de numismatique qui a aussi la casquette de prof d'histoire ancienne. L'un des seuls échappatoires d'indépendance de ces sciences auxiliaires, en prenant l'exemple de la numismatique, serait pour le collectionneur, l'antiquaire, ou le commissaire-priseur. On est assez loin des sciences humaines, ici.
Citer :
Pour que l'histoire puisse être une science du présent, ne faut-il pas que l'historien comprenne que sa discipline n'est qu'un outil comme un autre, au même titre que les autres sciences (humaines ou non), dans la comprehension du réel.
Cela voudrait-il dire que vous considériez qu'il n'y a pas que l'histoire qui est dépositaire de la notion de temps ? Si cela est, cela me semble bizarre . Car dans ce cas, je ne vois pas ce qui différencie
au fond l'histoire de la sociologie. Les frontières sont plus clairement définies quand d'autres disciplines des sciences humaines ont une application plus "concrète", comme la géographie ou la linguistique, et ne sont pas des disciplines universitaires essentiellement intellectuelles.
Pour les oeuvres d'art, je n'ai pas dit, attention, qu'on devait abandonner l'étude artistique et esthétique d'une oeuvre. J'ai simplement dit qu'une fois cela étudié, se posait inévitablement la question du "Et alors ?". Derrière l'étude artistique, éthérée et intemporelle d'une oeuvre d'art, il y a une foule de questions qui surgissent. L'artiste est certes un homme unique, un génie, mais c'est pour moi une vision trop romantique de l'art. L'artiste est aussi pris dans un jeu de déterminisme à tous les niveaux (technique, idéologique, matériel, etc.) qui empreignent son oeuvre, et par-là même, constituent une source pour l'historien.
Je pense qu'il y a derrière l'étude chirurgicale d'une oeuvre, pour précise et érudite qu'elle soit, un énorme potentiel plus large qui l'ouvre aux sciences humaines, plus qu'elle ne l'est déjà, et qui passe justement par cette perspective. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut creuser par abandon : depuis la percée des Annalistes, de la Nouvelle Histoire, l'histoire se nourrit de tous les courants, de la perspective événementielle à une perspective plus globalisante. De même pour les lettres : la perspective artistique et stylistique d'une oeuvre est certes intéressante, mais il y a autre chose derrière, sans établir toutefois un rapport de subordination entre eux. De même enfin, étudier les caractéristiques, les réussites et les ratés du style gothique flamboyant méridional dans le Midi, c'est un champ de recherche très intéressant, mais il y a aussi derrière la question du "Pourquoi
cela ?".
Quoi qu'il en soit, les prétentions oecuméniques de l'Histoire ne sont justement le fruit que de cette révolution épistémologique. Je ne crois pas que les frontières seraient floues entre certaines disciplines des sciences humaines si l'histoire n'avait pas connu la révolution des
Annales, et les autres révolutions successives. C'est justement parce qu'elle a emprunté des éléments à d'autres sciences humaines qu'elle souhaite maintenant que ça soit systématique, ne trouvez-vous pas ?