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Message Publié : 29 Mars 2008 19:50 
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Eginhard
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Il est vrai que dans la présentation du livre, le résumé des thèses de Furet est très caricatural.
Je crois qu'une fois de plus, Duc de Raguse et Bergame, vos avis ne risquent pas de converger. Il pourrait donc s'engager un débat long et intéressant sur François Furet.

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"Si, dans la pratique démocratique anglaise, l’opposition, selon un mot admirable, remplit un service public, dans les États totalitaires, l’opposition devient crime ", Raymond ARON.


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Message Publié : 29 Mars 2008 20:00 
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D'abord, vous demandez des citations, je cite, et longuement. Si ensuite, vous répondez des : "Oui, mais des citations, ça ne prouve rien

Je n'ai pas écrit qu'elles ne prouvent rien, mais qu'elles ne correspondent en rien et n'illustrent pas non plus cela :

Citer :
La revendication révolutionnaire de l'égalité abstraite et universelle entre tous les hommes ne pouvait en effet que conduire au manichéisme et au fanatisme idéologique et engendrer la Terreur


Je vous avais demandé de nous offrir des citations de ses ouvrages ou correspondances où il écrivait cela et vous n'avez que mis bout-à-bout différents extraits qui n'expriment pas cette idée.
Au contraire même, je vous ai placé une citation de Furet qui contredit cette vision des choses et vous n'en dites même rien... :-|

De plus, dans vos extraits Furet tente d'expliquer le pourquoi de la violence de la Terreur, à savoir l'utilisation exacerbée du "complot aristocratique" par les révolutionnaires, mais nulle part il n'écrit que l'application des idéaux de 1789 - liberté et égalité - engendreraient nécessairement la Terreur.
Cette liberté que vous avez prise, tout comme de faire enchaîner des extraits de son ouvrage avec votre interprétation pour leur donner une logique qui vous est propre, m'a fait dire que vous auriez pu écrire le rapport Jdanov. Pourquoi ? Tout simplement car vous semblez aimer la simplification en histoire et que vous développez une vision manichéenne dans les écrits de Furet et une logique qu'il n'a jamais soutenu, mais au contraire contredite. Remarquez j'aurais pu dire aussi la doctrine Truman, c'est pareil. :wink:
Alors non ! et heureusement, Furet n'a jamais écrit que c'était l'application des idées de liberté et d'égalité qui avaient produit la Terreur en France, mais leurs conditions d'application, ce qui est diamétralement différent ; car il ne touche pas à l'essence même de ces idées, mais aux acteurs et au contexte de cette exécution.
Quant aux liens qu'ils tisse entre la Terreur et les régimes totalitaires, nous attendons toujours de lire Furet là-dessus. Si vous trouvez quelque chose là-dessus, j'en serais fort surpris puisque je vous ai cité plus haut un de ses passages de l'Illusion où il écrit tout simplement l'inverse...

Citer :
Vous avez le droit d'être d'un avis contraire, mais ne déformez pas ce que j'écris svp

Je ne déforme rien, je vous demande simplement d'être honnête et de répondre à mes demandes de précisions et de clarifications et surtout de ne pas suivre les théories des historiens du dimanche et si vous ne savez pas, vous rejoignez ainsi l'école conservatrice qui reprend du poil de la bête, en se réclamant de Furet dans le Livre noir de la Révolution.
Il n'y a qu'à lire le soufflet que Mona Ozouf leur a envoyé pour se rendre compte que jamais Furet n'a pensé ou écrit cela.
Il faut faire preuve de cohérence que diable !

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 29 Mars 2008 20:38 
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Duc de Raguse a écrit :
Je n'ai pas écrit qu'elles ne prouvent rien, mais qu'elles ne correspondent en rien et n'illustrent pas non plus cela :

Citer :
La revendication révolutionnaire de l'égalité abstraite et universelle entre tous les hommes ne pouvait en effet que conduire au manichéisme et au fanatisme idéologique et engendrer la Terreur (1)


Je vous avais demandé de nous offrir des citations de ses ouvrages ou correspondances où il écrivait cela et vous n'avez que mis bout-à-bout différents extraits qui n'expriment pas cette idée.

Bon, et bien prenez le temps de relire.
Franchement, Duc de Raguse, sur le fond, je n'aime pas trop votre pratique qui consiste régulièrement à demander des citations, et lorsqu'on vous en donne, à répondre qu'elles sont hors-sujet ou que ceci, ou que cela. Si vous faisiez un petit peu preuve d'honnêteté intellectuelle, vous partiriez de ces citations elles-mêmes, puisque vous les avez demandées, et les discuteriez. Ce n'est pas ce que vous faites et préférez rejeter tout en bloc, vous avez raison, c'est moins fatigant.

Donc prenez le temps svp de chercher les références que j'indique, de lire les passages en question, d'y réfléchir, et si vous voulez discuter, discutons à partir de ces citations et du texte lui-même. Ce sera du moins une marque de respect pour le travail fourni et je vous en serai reconnaissant.
Parce que pour l'instant, à part quelques lignes sur la Fête de l'Être Suprême, mon ami, vous ne produisez pas grand-chose, et cela ne vous empêche pas d'avoir, comme d'habitude, des idées assez tranchées.

Duc de Raguse a écrit :
De plus, dans vos extraits Furet tente d'expliquer le pourquoi de la violence de la Terreur, à savoir l'utilisation exacerbée du "complot aristocratique" par les révolutionnaires, mais nulle part il n'écrit que l'application des idéaux de 1789 - liberté et égalité - engendreraient nécessairement la Terreur.

Ca tombe bien, il n'a jamais été question de liberté dans la phrase (1) dont nous discutons, ni des "idéaux de 1789". Cela, c'est vous qui l'ajoutez, restons sur le sujet je vous prie.

Duc de Raguse a écrit :
Alors non ! et heureusement, Furet n'a jamais écrit que c'était l'application des idées de liberté et d'égalité qui avaient produit la Terreur en France, mais leurs conditions d'application, ce qui est diamétralement différent ; car il ne touche pas à l'essence même de ces idées, mais aux acteurs et au contexte de cette exécution.

Les "conditions d'application" des idées de liberté et d'égalité ? Et qu'est-ce que ça veut dire, au juste ? Puisque vous commencez maintenant à proposer une thèse, peut-être voudrez-vous l'expliciter et la justifier avec citations à l'appui ? :wink:

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Message Publié : 29 Mars 2008 22:19 
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Citer :
Franchement, Duc de Raguse, sur le fond, je n'aime pas trop votre pratique qui consiste régulièrement à demander des citations, et lorsqu'on vous en donne, à répondre qu'elles sont hors-sujet ou que ceci, ou que cela.

La votre consistant à ne livrer que des interprétations personnelles et de vagues idées dans vos interventions sur des sujets précis, ne reposant sur aucun travail scientifique, nous voilà donc quitte ! :mrgreen:

Citer :
Ce sera du moins une marque de respect pour le travail fourni et je vous en serai reconnaissant.

Bon, comme vous avez ouvert un livre et que c'est un "travail" ardu, on va prendre le temps de les "reprendre"...

Tout d'abord vous avez écrit cela :
Citer :
La revendication révolutionnaire de l'égalité abstraite et universelle entre tous les hommes ne pouvait en effet que conduire au manichéisme et au fanatisme idéologique et engendrer la Terreur

et cela :
Citer :
En tout état de cause, une étude qui viserait à déterminer si, dans la pensée de Furet, la Terreur ne constitue pas l'une des racines au fascisme et au nazisme, ne me semble donc absolument pas illégitime.


A quoi je vous réponds cela et ça ne se limite pas à l'Etre Suprême, puisque Furet est très clair concernant les régimes totalitaires et la Révolution qu'il ne taxe pas d'"idéologique" :

Citer :
Pourtant, il n'y a pas avant le XXème siècle, de gouvernement ou de régime idéologique. On peut dire, peut-être, que Robespierre en a esquissé le dessein au printemps 1794, avec la fête de l'Etre suprême et la grande Terreur. Encore cela n'a-t-il duré que quelques semaines ; encore la référence à l'Etre suprême est-elle de type religieux, alors que j'entends ici par "idéologies" des systèmes d'explication du monde à travers lesquels l'action politique des hommes a un caractère providentiel, à l'exclusion de toute divinité. En ce sens, Hitler d'une part, Lénine de l'autre ont fondé des régimes inconnus avant eux.


Voilà, on est tous les deux dans le sujet.
Par contre, dans votre post suivant, non seulement vous faites comme si mon message ne contenait rien, mais vous placez des citations, hâchées, qui n'éclairent pas du tout notre échange, mais y incluent une digression sur le "complot aristocratique" :

Citer :
L'ancienne société était celle du privilège, la Révolution fonde l'égalité. Ainsi se constitue une idéologie de la rupture radicale avec le passé, un formidable dynamisme culturel de l'égalité.

Et alors ? Qui pourrait prétendre que l'introduction de l'égalité dans le droit français et ses déclinaisons sociales n'est pas une rupture avec le passé ?
Je ne vois pas trop où vous voulez en venir avec cette citation. Excusez-moi, mais vous enfoncez des portes ouvertes et sortez du sujet.

Citer :
Ce que les Français inaugurent à la fin du XVIIIe siècle, ce n'est pas la politique comme champ laïcisé et distinct de la réflexion critique, c'est la politique démocratique comme idéologie nationale. [...]
L'expression "politique démocratique" ne renvoie pas ici à un ensemble de règles ou de procédures destinées à organiser [...] le fonctionnement des pouvoirs publics. Elle désigne un système de croyances qui constitue la légitimité nouvelle née de la Révolution, et selon lequel le "peuple", pour instaurer la liberté et l'égalité qiu sont les finalités de l'action collective, doit briser la résistance de ses ennemis.

Il explique ici un schéma d'exécution tout à fait logique, qui se produit à chaque révolution. Chaque révolution bouleverse une société en s'opposant avec l'époque ancienne, à laquelle des individus tenaient et qui se battront y revenir. C'est alors un contre-révolutionnaire.
Là non plus, je ne vois pas où il est écrit que la Terreur est le résultat logique de l'application de la liberté (si, si le terme apparait bien, vous voyez ! lol ) et de l'égalité dans la société.
Petit rappel : ces deux valeurs sont considérées commes les idéaux, le fondamentaux de 1789.

Citer :
La naissance de la "politique démocratique" [...] est en effet inséparable d'un terrain culturel commun par lequel l'action recoupe les conflits de valeurs [Cela n'est pas neuf, dit Furet, mais :] Ce qui est nouveau, dans la version laïcisée de l'idéologie révolutionnaire, qui fonde la politique moderne [notons-le au passage], c'est que l'action épuise le monde des valeurs, donc le sens de l'existence.

L'action dépasse le monde des valeurs ? 8-|
Franchement, je ne vois pas où il veut en venir. En lisant la suite on pourrait mieux comprendre, surtout que, à nouveau, ces citations sont coupées et parcellaires.

Citer :
Cette eschatologie laïque, promise à l'avenir que l'on sait, est l'immense force à l'oeuvre dans la Révolution française [...] A partir de là, tout un système d'interprétation naît et s'enrichit des premières victoires de la Révolution, et se constitue en un credo dont l'acceptation ou le rejet sépare les bons et les méchants.

Citation incomplète (à nouveau !) et difficle à comprendre. Qu'est-ce qui précède le "à partir de là" ? C'est fondamental, visiblement.

Citer :
Au centre de ce credo, l'idée d'égalité, bien sûr, vécue comme l'inverse de l'ancienne société, pensée comme la condition et la fin du nouveau pacte social.

Oui, mais à nouveau, je vous fais la même remarque que pour votre première citation : qu'est ce que cela vient faire là ?

Citer :
On n'en finirait pas de recenser les usages et les acceptions de l'idée de complot dans l'idéologie révolutionnaire : c'est véritablement une notion centrale et polymorphe, par rapport à laquelle s'organise et se pense l'action ; c'est elle qui dynamise l'ensemble de convictions et de croyances caractéristiques des hommes de cette époque, et c'est elle aussi qui permet à tout coup l'interprétation-justification de ce qui s'est passé.

Il fait allusion ici à ces différents "complots" perçus ainsi par les révolutionnaires.
A nouveau, il faudrait m'expliquer le lien avec le sujet ! :rool:
En plus, vos extraits parcellaires et coupés sont pris sur une centaine de pages, sans aucune référence chronologique.
Franchement, on ne s'y retrouve plus et à la fin on a franchement l'impression que vous "tapez à côté de la plaque", vous éloignant grandement du propos qui nous intéressait au départ.

Les autres citations font allusion au "complot aristocratique" - terme que vous employez vous-même au passage... - qui ne serait qu'un prétexte pour les révolutionnaires pour faire... on ne sait trop quoi, vu les citations en question, aux révolutionnaires.

Bref, on s'est éloigné du propos initial et on n'a toujours pas éclairci cette étrange affirmation que Furet aurait lancé sur le fait que la Terreur serait la conséquence logique de la mise en pratique de l'égalité et de la liberté par les révolutionnaires.

Citer :
Ca tombe bien, il n'a jamais été question de liberté dans la phrase (1) dont nous discutons, ni des "idéaux de 1789". Cela, c'est vous qui l'ajoutez

Je l'ajoute parce que vous l'avez aussi intégré dans vos propos et les citations de Furet.
Donc, c'est vous qui l'ajoutez, ou bien vous ne savez plus vous relire ??? :rool:

Maintenant, pour recentrer le sujet et en revenir à la phrase litigieuse, je vais vous produire un extrait des échanges Nolte/Furet sur les liens entre la Terreur et les totalitarismes.
Furet répond ici à Nolte :
Citer :
"Vous admettez l'existence de racines culturelles du fascisme du fascisme antérieure à la guerre, et indépendantes du bolchevisme, en les liant aux idées contre-révolutionnaires en France dans leur période d'incubation, avant l'exécution de Louis XVI"

Tiens, tiens ! les idées contre-révolutionnaires... Je croyais que c'était la Terreur ?

Maintenant, je pense avoir trouvé, intégralement, ce que Furet voulait dire dans vos citations incomplètes, plus haut :
Citer :
"La liberté, l'égalité : promesses illimitées, dont la Révolution a montré le caractère problématique, une fois qu'on veut les faire tenir dans l'état social, sans pourtant en diminuer le moindrement la flamme dans les esprits. Car ces promesses abstraites créent un espace infranchissable entre les attentes des peuples et ce que la société peut leur offrir. Elles rendent ipso facto caduc tout débat ou tout accord sur les limites de la démocratie. Elles en infirment même le concept, qui impliquerait un avenir fermé et des associés satisfaits."

Toujours extrait de l'Illusion. :wink:

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Message Publié : 30 Mars 2008 11:43 
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Eginhard
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Ne connaissant pas l'auteur du livre, j'ai cherché des informations sur l'homme, j'ai notamment trouvé cet article:
Citer :
Les crimes de Pol Pot sont semblables à ceux pratiqués par le Troisième Reich à Auschwitz, et communisme et nazisme sont les deux faces de l’horreur du 20ème siècle : ces déclarations de Walter Veltroni (maire de Rome et président du tout « nouveau » Partito Democratico, ndt) ne pouvaient pas ne pas susciter les applaudissements de la « grande » presse d’information. L’idéologie dominante est aujourd’hui plus que jamais affairée à traiter comme des assassins purs et simples, voire comme des assassins de masse, les grandes personnalités du mouvement communiste, qu’il s’agisse de Lénine, Staline, Mao Tsé Tong ou Tito. Et, naturellement, de Pol Pot. Et c’est sur ce dernier justement (explicitement cité par le secrétaire tant acclamé du Partito Democratico) que j’entends m’arrêter, non pas certes pour le réhabiliter, mais pour mettre en relief le caractère farcesque des procès qui caractérisent, idéalement, le Nuremberg anticommuniste qui a cours de nos jours. Pour ce faire, je me servirai presque exclusivement de la monographie écrite par un journaliste qui a travaillé pour le Times, l’ Economist et la BBC.


Commençons donc par nous poser une question : quand et comment a débuté la tragédie qui a culminé dans l’horreur du régime de Pol Pot ? Voici une première réponse :

« Aux débuts des années 70, le président Richard Nixon et son conseiller Henry Kissinger ordonnèrent de lancer sur les zones rurales du Cambodge plus de bombes que n’ furent lancées sur le japon pendant la deuxième guerre mondiale, tuant au moins 750.000 paysans cambodgiens » (Johnson 2001, p.31).



Le calcul du livre auquel j’ai fait référence est plus prudent : les victime se monteraient à « un demi million ». Il reste certain cependant que « les bombes tombèrent en masse et surtout sur la population civile », qui en sortit décimée, avec des survivants horriblement marqués dans leur corps et en tout cas traumatisés par l’expérience quotidienne des bombardements terroristes ; et par la fuite des campagnes (réduites à un « paysage lunaire ») vers les villes restées aux mains des troupes gouvernementales et donc épargnées de cet enfer. Mais, ces villes, toujours en proie au chaos à la suite de l’afflux croissant de réfugiés, contraints à mener « une existence précaire aux limites de la mort de faim » ; à la fin de la guerre, dans la seule capitale, il y avait deux millions de cambodgiens déracinés par la guerre et amassés dans des « taudis » et « bidonvilles », les malades et blessés hospitalisés mais « avec peu d’espoir de survie » (Short 2005, p. 351, 287, 289-90, 334 et 361-62). Il faut ajouter à tout cela les « massacres à grande échelle » perpétrés par les troupes de Lon Nol, arrivé au pouvoir en 1970 par un coup d’Etat préparé à Washington. Voilà de quelle manière le régime, alimenté par « des centaines de millions de dollars » venant des Etats-Unis, affronte le problème que représentent les minorités ethniques : « Dans les villages vietnamiens des faubourgs au nord de Pnom Penh, au moins trois mille habitants, tous des hommes au dessus de 15 ans, furent raflés, amenés le long du fleuve et fusillés. Les femmes qui restaient furent violées ». Ou bien : « Dans la zone dite du Bec de Perroquet, les détenus (vietnamiens) d’un camp furent prévenus d’une attaque vietcong imminente, et reçurent l’ordre de s’enfuir. Tandis qu’ils couraient, les gardes cambodgiens (alliés ou asservis par les Usa) ouvrirent le feu avec leurs mitrailleuses ». Ce ne sont que deux exemples. Des témoignages de journalistes autorisés parlent de l’impression qu’on retirait immédiatement de la visite de tel ou tel lieu analogue à ceux qu’ils venaient de voir : « On aurait dit une boucherie et ça en avait l’odeur » (Short 2005, p.18 et 277-78).



Il est clair que la fureur des troupes de Lon Nol ne s’abat pas que sur les vietnamiens : « les communistes faits prisonniers étaient vite supprimés » ; de plus les responsables de tels assassinats aimaient se faire photographier alors qu’ils exhibaient, fiers et souriants, les têtes coupées des guérilleros (Short 2005, p.331 ; voir aussi la photo des pages 376 et 377). Il serait d’autre part faux de mettre au compte exclusif des asiatiques les atrocités qu’on a pu voir au Cambodge et, plus généralement, en Indochine. On reste pensif au récit du témoignage d’un enseignant américain dans une revue américaine, à propos d’un agent de la Cia, qui vécut au Laos, « d’une maison décorée avec une couronne d’oreilles arrachées aux têtes de communistes (indochinois) morts » (cf. Losurdo 2007, p.24).



A ce point, une nouvelle question s’impose : y a-t-il un lien entre le premier acte de la tragédie cambodgienne et les suivants ? Dans son engagement à minimiser un tel rapport, le livre que j’ai cité n’est pas exempt de contradictions ou oscillations : « Il est possible que les bombardements aient contribué à créer un climat qui allait conduire à l’extrémisme. Mais la guerre à terre l’aurait de toutes façons fait ». La « guerre à terre » était-elle une fatalité ? N’est-ce pas de la guerre en tant que telle qu’il faut partir ? « L’équation « pas de guerre au Vietnam, pas de Khmers rouges » est trop simpliste, mais reflète une vérité indéniable » (Short 2005, p.289 et 586). Le collaborateur du Times, de l’Economist et de la Bbc a des difficultés à l’admettre, et pourtant, on déduit de ses propres formulations embarrassées que les premiers responsables de la tragédie sont à chercher à Washington.


Mais il ressort de son récit une vérité plus bouleversante encore en regard de la vulgate aujourd’hui à la mode. Voici de quelle façon le journaliste-écrivain anglais rapporte la conquête de Pnom Penh par les guérilleros : après tout ce qui s’était passé « cela aurait pu aller beaucoup mais beaucoup plus mal » (Short 2005, p.359). Au moins pour ce qui concerne la toute première phase de la gestion du pouvoir, Pol Pot reçoit ici un diplôme de modération qu’on pourrait difficilement attribuer aux dirigeants de Washington !



D’autre part, les nouveaux gouvernants étaient confrontés à des difficultés réelles et dramatiques : les Usa allaient-ils lancer une nouvelle vague de bombardements terroristes ? Et comment nourrir une population urbaine qui avait augmenté démesurément, avec une agriculture dévastée à cause de la transformation des campagnes en « un paysage lunaire » ? Comment faire face à la menace de la Cia qui, dans les villes, « avait installé des émetteurs radios secrets et des cellules d’espionnage clandestin « (Short 2005, p. 380-81) ? Certes, c’est aussi le populisme extrémiste et visionnaire de Pol Pot qui a déterminé la décision d’évacuer les villes, mais cette attitude même est poussée par le spectacle de villes terriblement surpeuplées, exposées à la menace de l’ennemi et en proie au chaos, avec une population en grande partie dans l’incapacité d’accomplir une fonction productive.



En conclusion : pourquoi le jugement moral devrait-il être plus sévère sur Pol Pot que sur Nixon et Kissinger (les responsables de la guerre) ? L’auteur anglais lui même auquel je me réfère constamment, tandis qu’il repousse d’un côté l’explication intentionnaliste des massacres dans lesquels débouche l’aventure de Pol Pot (« ce ne fut jamais la ligne politique du PCK », c’est-à-dire du parti communiste cambodgien ; « l’objectif n’était pas de détruire, mais de transformer »), observe d’autre part, à propos de la férocité de la guerre étasunienne : « Les bombardements étaient devenus un symbole de virilité » (Short 2005, p. 382et 326). On doit ajouter qu’après la conquête du pouvoir, au cours du conflit ultérieur au Vietnam, Pol Pot fut soutenu sur le plan politique et diplomatique par les Etats-Unis. Et, cependant, l’idéologie dominante passe sous silence le rôle prioritaire et décisif de Nixon et Kissinger dans la tragédie cambodgienne. C’est connu : les barbares sont toujours à l’extérieur de l’Occident, et s’il faut procéder à la criminalisation de dirigeants politiques occidentaux, ceux-ci sont les responsables de la révolution mais jamais de la guerre.



Cette hypocrisie est d’autant plus répugnante que, tandis que Pol Pot a cessé de tourmenter et de tuer, la guerre étasunienne continue à faire sentir ses effets avec force. « Dans toute l’Indochine il y a des gens qui meurent de faim, de maladie et des engins non explosés » (Chomsky, Hernan 2005, p.60). En ce qui concerne le Vietnam au moins, on peut se référer au calcul fait il y a quelques temps par un journal conservateur français selon lequel, trente ans après la fin des hostilités, il y avait encore « quatre millions » de victimes dont le corps était dévasté par le « terrible agent orange » (de la couleur de la dioxine déversée sans compter par les avions américains sur tout un peuple (cf. Losurdo 2007, p. 10). Et au Cambodge ? J’entends ici attirer l’attention surtout sur une effet particulier des bombardements étasuniens, en me référant toujours à l’auteur anglais cité plusieurs fois : « Les paysans devinrent la proie d’une terreur aveugle. Leur esprit se bloquaient et ils erraient muets, sans parler pendant trois ou quatre jours » a rappelé un jeune habitant d’un village. « Leur cerveau était complètement désorienté (…) ils n’arrivaient même pas à avaler un repas ». Et nombre d’entre eux n’arrivaient jamais à se reprendre (Short 2005, p.289et 290, note). Une conclusion s’impose : se concentrer exclusivement sur Pol Pot signifie se contenter de passer sous silence les principaux responsables de l’horreur.



Revenons à Veltroni. La criminalisation à laquelle il procède du mouvement communiste dans son ensemble et de la grande aventure qui a commencé avec la révolution d’octobre est l’autre face de l’embellissement de l’Occident capitaliste et impérialiste, avec effacement généreux de tous ses crimes. En ce sens, les déclarations du secrétaire du Partito democratico non seulement sont une insulte à la vérité historique, mais ouvrent aussi la voie aux nouvelles agressions, aux nouvelles guerres et aux nouveaux crimes que les dirigeants de Washington sont en train de préparer.



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Publié dans “Gramsci oggi” novembre 2007, p. 5-6 .
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio.

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=7596

Un philosophe qui cite Chomsky pour expliquer le génocide cambodgien orchestré par le diable américain; je comprends mieux pourquoi il n'approuve pas Furet ;) .

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Message Publié : 30 Mars 2008 12:26 
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je comprends mieux pourquoi il n'approuve pas Furet

Vous avez raison Phocas, mais ce n'est pas une raison pour travestir la pensée de Furet et lui faire écrire ce qu'il n'a jamais écrit.
En tout cas, cet article nous montre bien la partialité incroyable de ce personnage et sa lecture politicienne des événements qu'il "explique". :rool:

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Message Publié : 30 Mars 2008 12:50 
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Honnêtement, je comptais sur vous pour commencer à discuter sérieusement, Phocas...

Non, je vais vous dire, Phocas, il y avait beaucoup plus simple. Sans aller chercher Chomsky et Pol Pot, vous auriez pu tout simplement reprendre ce qu'indiquait Fortunato et déclarer qu'un "intellectuel" proche de Rifondazione Communista, de toutes façons, était nécessairement un imbécile inculte ou un idéologue manipulateur, qui ne valait de toutes façons pas la peine qu'on accorde du crédit à ce qu'il écrit. Et puis de mon côté, j'aurais pu déclarer qu'en acceptant de débattre avec un historien aussi controversé qu'E.Nolte, Furet s'est décrédibilisé et que, par conséquent, il n'y a plus grand intérêt à discuter de ses thèses. Chacun aurait été content, et nous aurions encore mené l'un de ces magnifiques débats historiographiques comme on les apprécie manifestement sur Passion Histoire.

Alors à part ça, et plus sérieusement : Vous avez dit que vous trouviez le résumé des thèses de Furet un peu caricatural. C'est possible, c'est tout à fait possible, mais puis-je me permettre de vous demander, sans me voir soupçonné de communisme, polpotisme, jdanovisme et que sais-je encore, ce que vous entendez par là ?
Et que pensez-vous de ce que j'ai essayé de faire apparaître ? Vous semble-t-il, à vous aussi, que Furet n'a jamais rien écrit d'approchant à : "La revendication révolutionnaire de l'égalité abstraite et universelle entre tous les hommes ne pouvait que conduire au manichéisme et au fanatisme idéologique et engendrer la Terreur ?" Moi, j'ai le sentiment que c'est effectivement l'un des aspects de sa thèse, j'ai essayé d'expliquer pourquoi, et j'avoue que j'ai un peu de mal à comprendre les réactions épidermiques que cette proposition semble entraîner. Cela vous semble complètement déraisonnable, à vous ?
Je ne m'attends pas à ce que vous soyez d'accord. Mais si au moins nous étions capables de discuter à peu près sereinement, croyez-moi, cela me ferait bien plaisir.

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Message Publié : 30 Mars 2008 13:52 
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Eginhard
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Sur ce topic, j'étais plus lecteur que participant car j'avoue ne pas avoir l'exégèse furetiste de Duc de Raguse et de vous même.
Ne connaissant pas Domenico Losurdo :oops: , j'ai été cherché des informations sur le personnage. Si il n'a vraiment pas l'air d'être un "imbécile inculte", il ressemble tout de même à un idéologue.

Lorsque dans la présentation, je lis "chez l'historien François Furet, lui-même engagé dans une entreprise, plus politique qu'historique, de réévaluation de la Révolution française, origine présumée de tous nos maux. La revendication révolutionnaire de l'égalité abstraite et universelle entre tous les hommes ne pouvait en effet, estime Furet, que conduire au manichéisme et au fanatisme idéologique et engendrer la Terreur, inspiratrice à son tour des crimes de l'époque contemporaine ". Je trouve cela plus que caricatural. Comme l'a souligné Duc de Raguse, fascisme et communisme ne sont pas présentés comme "enfants de la Révolution", la radicalité de ces deux doctrines vient de la Grande Guerre et non de la Révolution:
Citer :
Bolchevisme et fascisme se suivent, s'engendrent, s'imitent et se combattent, mais auparavant ils naissent du même sol, la guerre; ils sont les enfants de la même histoire [...] Ils transportent dans la politique, l'apprentissage reçu dans les tranchées: l'habitude de la violence, la simplicité des passions extrêmes, la soumission de l'individu au collectif, enfin l'amertume des sacrifices inutiles ou trahis" (Le Passé d'une illusion, Livre de Poche, 1995, P273).

C'est caricatural et franchement une trahison de ses écrits.
Mais dans votre citation, vous ne mettez pas la fin de la phrase de l'auteur, j'en déduis que vous n'êtes pas tout à fait d'accord avec ce point.

Sur la Révolution, Furet nous dit:
Citer :
C'est la grandeur unique de la Révolution française d'avoir illustré, en même temps que la naissance de la démocratie en Europe, les tensions et les passions liées à cette condition inédite de l'homme social. L'évènement a été si puissant et si riche que la politique européenne en a vécu pendant presque un siècle. Mais l'imagination des peuples bien plus longtemps (P57)

La Révolution introduit donc une nouvelle dichotomie et une "conception messianique de la politique". Mais le manichéisme et le fanatisme idéologique dans les idéologies fasciste et communiste viennent de la Grande Guerre.
Lorsque l'auteur par un raccourci simpliste (et vous en conviendrez que la lecture de Furet est tout sauf simple) m'explique que pour Furet les revendications révolutionnaires ne pouvaient que conduire au fanatisme idéologique, lui-même engendrant la Terreur qui elle-même amène aux crimes contemporains; je trouve que c'est faire offense à Furet. De même quand il explique que selon Furet, la Révolution est à l'origine de tous les maux contemporains, il n'est plus dans la caricature mais dans l'inexactitude.

En tout cas, son interprétation du génocide cambodgien m'a beaucoup plus scandalisé que sa lecture de Furet. Il n'est pas le premier ni le dernier à s'attaquer à cet auteur pour des raisons autres que historiques.

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Message Publié : 30 Mars 2008 15:20 
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Grégoire de Tours
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Merci, Phocas ! Merci de débattre, autant que possible, des idées.

Bon, première chose :
Phocas a écrit :
Il n'est pas le premier ni le dernier à s'attaquer à cet auteur pour des raisons autres que historiques.

Certes. Mais svp, veuillez ne pas partir du principe que l'historien objectif et impartial François Furet serait indûment attaqué par les méchants idéologues manipulateurs crypto-marxistes (ou conservateurs).
Lorsque Furet se lance dans son historiographie de la Révolution Française, il écrit contre les historiographies marxistes, il le dit explicitement. Et cela correspond également à un cheminement idéologique et politique de l'homme lui-même. Il s'en est suffisamment expliqué, entre autres dans Le Passé d'une Illusion, pour que, aujourd'hui, on veuille bien le prendre en compte. Par ailleurs, Furet se définissait comme "libéral", et que je sache, le libéralisme est une idéologie politique (politico-économique si vous préférez).
Alors pardonnez-moi, mais quand on dit que "Furet était engagé dans une entreprise, plus politique qu'historique, de réévaluation de la Révolution française", je ne vois pas de quoi pousser des cris d'orfraie et hurler à la manipulation. Oui, c'est bien ce qu'il a mené, une entreprise de réévaluation de la Révolution Française. On peut sans doute discuter de l'ordre des qualificatifs (une réévaluation plus historique que politique, ou plus politique qu'historique) et sans doute que cela dépendra éventuellement des sensibilités de chacun et d'un certain nombre d'appréciations, mais ça doit pouvoir se faire sereinement et avec quelques arguments.

Seconde chose :
Phocas a écrit :
dans votre citation, vous ne mettez pas la fin de la phrase de l'auteur, j'en déduis que vous n'êtes pas tout à fait d'accord avec ce point.

Vous déduisez bien. (Modéré: allusion hors de propos, P.M.) Merci à nouveau.
Vous avez donc bien lu, ce que je proposais à Duc de Raguse de commenter, c'est, pour la énième fois, la phrase : "La revendication révolutionnaire de l'égalité abstraite et universelle entre tous les hommes ne pouvait en effet, estime Furet, que conduire au manichéisme et au fanatisme idéologique et engendrer la Terreur." Et pour l'instant, uniquement celle-là. Ensuite, on pourra effectivement parler de fascisme, communisme, et le reste, si vous le souhaitez, c'est une seconde thèse, vous voyez ? Mais ce ne me semble quand même pas extraordinaire de demander simplement : Ceci est-il oui ou non un résumé à peu près fidèle de l'un des aspects de la thèse de Furet ? Y a-t-il chez Furet l'idée que la Terreur trouve son origine, d'une manière ou d'une autre, dans une idéologie égalitaire ?

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Message Publié : 30 Mars 2008 16:16 
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Eginhard
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Tout d'abord, essayez de me laisser en dehors de votre conflit avec Duc de Raguse. Il semble que cela remonte à loin et je préfère rester à l'écart, même si au niveau des idées vous aurez bien compris de quel côté je penche ;) .

Je ne fais pas de François Furet un historien objectif et impartial. Ce qui me plait chez lui, c'est qu'on ne lit pas tout à fait le même auteur en 1965, en 1978 et en 1995. Bien sûr, son combat contre Soboul est certes politique, notamment quand il lui propose d'intituler son prochain livre "mémoires d'un révolutionnaire". Mais si on trouve quelques articles et ouvrages de la sorte, l'ensemble de l'oeuvre de Furet sur la Révolution est tout de même avant tout historique et non politique. Je reconnais que le politique est présent, mais pas au détriment de l'historique. Pour vous c'est probablement le contraire et je pense que nous ne réussirons pas à nous entendre sur ce point.


Et comme je l'avais écrit dans mon premier post, le résumé de la pensée de Furet est faux. Ce n'était pas un grand fan des raccourcis simplificateurs et résumez sa pensée en deux phrases est impossible.
Citer :
Rousseau, Robespierre, Lénine: la filiation est doublement extravagante, et par les philosophies qu'elle compare, et parce qu'elle mêle comme interchangeables des idées et des évènements. (P123)


A ma maigre connaissance de François Furet, je n'ai rien lu qui puisse me permettre d'être d'accord sur le fait qu'il avait pour idée centrale que le fanatisme de la Terreur serait le fruit d'une revendication égalitaire.

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Message Publié : 30 Mars 2008 19:58 
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Peu importe vos idées, Phocas, vous avez le droit d'avoir les idées que vous voulez, mais, a priori, être d'opinion différente ne doit pas empêcher de discuter, si tant est qu'on sait en rester au niveau des idées, justement, et se respecter mutuellement. Du moins, je l'espère, car cela, en revanche, c'est un principe fondamental de l'"idéologie" démocratique.

Phocas a écrit :
Je reconnais que le politique est présent, mais pas au détriment de l'historique. Pour vous c'est probablement le contraire et je pense que nous ne réussirons pas à nous entendre sur ce point.


Non, moi, personnellement, je suis d'accord avec vous sur ce point. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir conscience que c'est une question d'appréciation. Et il me semble qu'on a peut-être le droit d'avoir une appréciation différente sans être un affreux idéologue manipulateur. Et puis quoi encore ?

Bon, en tous cas, merci pour votre réponse. Nous restons donc pour l'instant sur un constat de désaccord quant à l'interprétation de Furet. Peut-être aurons-nous l'occasion d'y revenir.

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Message Publié : 30 Mars 2008 21:51 
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Ce sera avec plaisir Bergame. Comme vous le dîtes nous restons en désaccord, mais cela ne nous empêche pas de dialoguer. Je ne vous ai pas qualifié d'"idéologue manipulateur", en revanche l'auteur de la phrase qui a tant fait débat sur Furet me semble avoir un sérieux parti pris.
Je pense que nous aurons l'occasion de rediscuter de nos points de désaccord concernant François Furet.

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Message Publié : 21 Avr 2008 19:49 
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Ah ! j'ai trouvé une petite étude critique, certes bien plus fouillée que la mienne, mais qui me semble développer peu ou prou la même ligne argumentative : "François Furet : L'histoire comme idéologie".
A moins que je ne me trompe, Michèle Riot-Sarcey est l'une des fondatrices du CVUH, non ?

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Message Publié : 23 Avr 2008 14:35 
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Heureux que vous ayez enterré la hache de guerre.
Je reviens donc sur l'article que vous avez proposé Bergame.
Soulignons d'abord que l'article est de 1991. Lorsque nous débattons de Furet, nous nous appuyons le plus souvent sur son chef d'oeuvre Le Passé d'une illusion. Il faut donc ici en faire abstraction, tout du moins dans la lecture de l'article.
Sur la première partie, je trouve le jugement des deux auteurs un peu sévère. Dire que Furet est dominant c'est vrai, mais il a passé une large partie de sa carrière à être vilipendé par l'historiographie marxiste de la Révolution. Certes, il rendait coup pour coup, mais la position de Furet en 1991 n'est pas celle qu'il a tenu durant les années 60-70. A cette époque c'était une autre école qui était ultra dominante.
Je reviens sur quelques passages de l'article:
Citer :
François Furet interroge le passé à la lumière du présent et tire de ce contact avec l’histoire des conclusions valables pour l’avenir. [2]
On ne lui en fera pas grief : tous les historiens, tous ceux qui pratiquent la dite « science sociale » agissent de même et il faut une bonne dose de naïveté pour croire au regard froid du chercheur. Furet, au demeurant, ne cache pas son point de vue.

Je ne vois pas trop l'intérêt de cette ineptie. Les auteurs de cet article eux-mêmes s'engagent dans un article contre Furet en raison du contexte, de leurs idées et de ce qu'incarne Furet.
Arrêtez-moi si je me trompe mais l'objectif de l'article est de voir si Furet n'est pas plus un idéologue qu'un historien.
Dans la première partie: "le totalitarisme absolu" je n'ai malheureusement pas lu l'article de Furet dont il est question. Les auteurs lui reprochent de privilégier l'idéologie au contexte pour expliquer la chute du bloc soviétique. Il me semble que nous avions déjà débattu selon cette dichotomie pour les campagnes de dékoulakisation. Il est vrai que côté occidental, nous avons tendance à dire que l'effondrement était inévitable du fait de l'impasse idéologique du système communiste; tandis que côté ex-soviétique Gorbatchev devient le principal responsable, la réponse doit se trouver quelque part entre les deux mais malheureusement aucun chercheur ne l'a. N'ayant pas lu l'article de Furet, je ne peux pas m'étendre plus sur la question.
Deuxième partie: "les acteurs, la parole et l'histoire". En gros Furet n'est pas un historien mais un penseur libéral qui n'adopte dans sa démarche aucune méthode historique. Là encore, ils reprochent à Furet de ne s'intéresser à la Révolution que pour des raisons idéologiques. Ne peut-on pas renvoyer la balle à l'école marxiste? Si Furet s'est intéressé à la Révolution, ce fut d'abord en raison de son profil communiste. Il n'avait pas rompu avec le parti quand il a commencé à s'intéresser à la question. Son objet d'étude s'est adapté à son virage idéologique, mais oserait-on franchement affirmé que Soboul n'a travaillé sur les soldats de l'anII que pour des raisons historiques? Bien sûr Furet s'est intéressé à son objet d'études en raison de sa quête d'identité politique, l'a-t-il plus fait que Courtois, Soboul, Mazauric,... j'en doute.
J'ai du mal à comprendre la troisième partie, toutefois il me semble que les auteurs remercient Furet d'avoir réintroduit du politique dans l'histoire de la Révolution mais critiquent le fait qu'il noie l'évènement dans la longue durée. En fait selon eux, Furet récupère plus la philosophie d'Hegel qu'il ne fait de l'histoire. Pour ce que je connais d'Hegel, il est vrai que l'on peut voir une certaine proximité. Maintenant dire que Furet fait abstraction de tous les historiographiques à part Tocqueville, je trouve çà un peu osé. D'ailleurs qui étaient les trois plus grands historiens de la Révolution selon Furet? Tocqueville, Michelet, et ... George Lefebvre. Il n'oublie pas les travaux ultérieurs mais se concentre sur Tocqueville car celui-ci a longtemps été oublié à la différence de Michelet et Lefebvre.

Je serai en revanche d'accord avec une des idées de la quatrième partie selon laquelle Furet a pu à un moment privilégier l'histoire de la Révolution vue par Tocqueville à l'histoire de la Révolution elle-même. On l'a notamment vu dans son Penser la Révolution française.
Citer :
C’est pourquoi, plus que tout autre, Furet est rétif à l’analyse des conditions historiques du concept d’universalité ; l’exclusion des femmes n’ébranle jamais les certitudes de l’historien dont l’esprit est rivé à sa propre masculinité : il donne à lire comme vérité universelle les discours des autorités politiques qui nient l’individualité sociale de cette moitié de l’humanité.
Euh là faut m'expliquer. En plus d'être libéral, puisque c'est le principal reproche qui est fait à l'auteur, Furet serait misogyne; n'abuserait-elle pas un tout petit peu l'historienne spécialiste des femmes?

Même si certains arguments pertinents sont avancés, il s'agit d'une attaque personnelle:
Citer :
Dans La République du Centre, les idéologues du libéralisme sont rois, même quand ils sont myopes.

Il s'agit bien d'une attaque contre Furet, le libéralisme et la société française de 1991.
Je ne connais nullement les auteurs mais à leur lecture je dirai que leur réaction à Furet est elle-même plus idéologique qu'historique.
En tout cas, merci de nous l'avoir proposé Bergame ;) .

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Message Publié : 23 Avr 2008 16:12 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
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Localisation : Provinces illyriennes
Après cette mise au point entre Bergame et moi-même, le sujet a été nettoyé de tout ce qui ne concernait pas Furet.
Nous sommes maintenant tous sur de bons rails pour reprendre sur la lancée de Phocas. :wink:

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Alphonse de Lamartine


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