Je ne sais pas s'il est encore possible de refermer les portes. Cette intrusion du politique dans l'histoire, et surtout le fait que le politique explique à l'opinion publique ce qu'est l'histoire, place les historiens en grande difficulté. Chacun pense faire de l'histoire en pleurant à chaudes larmes sur Guy Moquet ou en commémorant Lazare Ponticelli. Or comme l'a dit Antoine Prost: la mémoire est dans le registre du souvenir et de l'émotion tandis que l'Histoire est dans celui de la compréhension. Le politique a fait de l'histoire un objet chaud, l'historien doit le retransformer en objet froid.
Il faut expliquer qu'entre la lecture de
La Nuit d'Elie Wiesel qui vous émeut jusqu'aux larmes et celle des
Origines de la solution finale de Browning qui vous refile un mal de tête et explique avec froideur la planification du génocide, le second est un historien pas le premier. Mais qui peut expliquer cela et surtout le faire comprendre à l'opinion publique? L'histoire n'a peut -être jamais été aussi présente dans les médias, mais cette histoire échappe en grand partie aux historiens. Stéphane Bern, Marie Drucker, Laurent Joffrin, Max Gallo,... voici ceux qui sont chargés d'expliquer l'histoire aux téléspectateurs. Qui se souvient en ayant vu 3 minutes Audoin-Rouzeau au 13 heures ou Offenstadt sur France5 qu'ils sont les
historiens de la Grande Guerre?
Cette Maison de l'histoire est une nouvelle preuve du déséquilibre du combat. Le politique en s'appuyant sur les médias rend l'histoire pétillante, chaude, voire passionnante pour en livrer son interprétation à l'opinion publique, l'avantage est que le politique ne demande à celle-ci aucun effort, aucune compréhension; face à cela l'historien doit expliquer que l'histoire ne se comprend pas en 5 minutes devant le journal pendant le repas du soir, non comprendre l'histoire prend du temps, donne mal à la tête et n'est pas toujours tâche passionnante.
Comment peut-on rééquilibrer les forces, cher duc de Raguse?