Jean-Claude a écrit :
Enki-Ea a écrit :
C'est là, je pense, le début du problème de beaucoup d'historiens passés: ils donnaient leur avis, leurs travaux étaient sous-tendus par leur idéologie. Je pense que l'historien n'a pas à faire de jugement de valeur, il ne fait que constater les faits de la manière la plus scientifique possible.
Dans le terme "rétrograde", il y a une connotation péjorative qui, à mon avis, ne devrait pas être employée par un historien. Je suis assez d'accord avec Alfred quand il emploie le mot "réactionnaire", à condition que ce soit au premier sens du terme (dans le sens de revenir en arrière et non pas dans certaine phraséologie de certains mouvements politiques).
Que d'avis personnels pour un chantre de l'objectivisme!
Plus sérieusement, l'image que vous vous faites de l'historien a tout du positiviste à la Seignobos et Langlois. Plus personne ne conçoit ce métier ainsi de nos jours et l'utilisation de terme ultra neutres et aseptisés n'a comme conséquence qu'une perte du sens de l'explication apportée par l'historien. C'est bien là l'essentiel de son métier: reconstruire le passé et lui donner un sens. Ce qui est nécessairement subjectif. Si vous voulez de l'objectivité, écrivez des chronologies (et encore, le choix des événements serait soumis à la critique), pas des livres d'histoire. Un historien donne forcément son avis, implicitement ou non.
Sur le terme même de "rétrograde", le
Robert en donne cette définition: "3. Qui s'oppose au progrès, veut rétablir un état précédent". Cela me semble assez proche de "réactionnaire", d'ailleurs donné en synonyme juste après.
Il ne faut pas tout mettre dans le même panier. Un historien doit encore à l'heure actuelle, se garder de donner son opinion. Il doit également essayer de toutes ses forces de faire preuve d'esprit critique. MAIS on a compris depuis le début du XXe s. que l'historien n'échappe jamais parfaitement à ses opinions, son subconscient, sa culture, ses centres d'intérêt : qui peuvent avoir une influence négative quand ils sont excessifs ou non-maîtrisés. Mais qui ouvrent aussi de nouveaux horizons : on voit le passé avec les lunettes de notre époque.
Je n'aime pas du tout cette expression de "reconstruction du passé", ça ne colle pas du tout avec ma vision des choses. Le passé, le présent sont infiniment complexe. Il y a énormément de choses qui échappent aux contemporains. L'historien en fonction de sa sensibilité met le doigts dessus. Mais il ne doit pas griffer, écharper, juger...
Mais un chercheur ne fait non plus que constater des faits, aïe aïe aïe si c'était aussi simple, oh que la vie du chercheur serait belle !