Nous sommes actuellement le 26 Avr 2024 0:15

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 message(s) ] 
Auteur Message
Message Publié : 04 Oct 2011 20:44 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 30 Oct 2009 17:55
Message(s) : 890
Que penser de cette Histoire de France de Jacques Bainville écrite en 1924 ? Que doit-on en garder ? L'idéologie de l'auteur nuit-elle à l'ouvrage ?

_________________
[...] Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants...

Renaud, Mistral gagnant, 1985.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 04 Oct 2011 21:54 
Hors-ligne
Salluste
Salluste

Inscription : 20 Déc 2010 21:48
Message(s) : 225
J.Bainville, ce n'est pas un secret, fait partie de ces très belles plumes des intellectuels dits de "droite" du premier tiers du XXème siècle. Même si ses positions n'avaient été qu'une suite d'avis ignominieux, encore son style, comme celui-ci de Michelet dont je le considère comme un de ses héritiers, certes un brin moins lyrique, il mériterait encore qu'on le lise. Mais, belle surprise: Bainville fait preuve dans l'ensemble d'une impartialité assez remarquable si on la considère selon cette vertu (impartialité) qui figure depuis peu alors dans la déontologie de l'historien. Bainville n'est pas historien. C'est un homme de lettres avant tout, un journaliste et écrivain, qui compose donc un livre qui n'apprendra que peu à ceux qui voudraient se plonger en détail dans l'histoire de France. Il n'a jamais prétendu faire oeuvre d'historien et s'emploie seulement à transmettre sa passion de la France. Pour Antoine Prost qui signe la préface dans la collection "Texto", ce nationalisme est peut-être la seule mise en garde à adresser au lecteur. Il est vrai après tout que nous autres, générations du XXIème siècle, ne courons pas un grand danger à ouvrir Bainville et à s'en délecter. Il est juste dans les histoires qu'il rapporte, verse çà et là dans l'histoire contre-factuelle (on comprend que Prost ait signé la préface, lui qui a vu dans la what if history une des modalités nécessaires au bon travail de l'historien !). On peut noter toutefois un penchant à regarder avec mépris cette Allemagne qui n'a pas l'heur d'avoir sa sympathie en cet après-guerre. Et l'auteur appartient bien à son époque en faisant, dans le dernier chapitre, de l'Allemagne le principal responsable de la guerre, elle qui, écrit-il, n'a jamais cessé de vouloir s'imposer par une politique impérialiste (on sent bien le bon vieil article 231 du traité de Versailles qui traîne en arrière-fond...). On excusera Bainville de faire de l'Allemagne l'ennemi héréditaire de la France, d'y revenir sans cesse et de profiter de chaque occasion pour l'attaquer. A peine a-t-il évoqué le Palatinat, Louvois et Louis XIV qu'il s'empresse de reprocher aux Allemands de se plaindre des Français, comme si eux-mêmes n'avaient au fond aucun sang sur les mains.

A mon sens, cette imperfection qui pourrait gêner certains, me semble à bien des égards un témoignage très intéressant de l'usage de l'histoire de France et de ses rapports avec l'Allemagne par un écrivain de talent empli de l'idée de la grandeur de la France et des rivalités franco-allemandes. Pour l'historien, de même que Le Tour de la France par deux enfants est un témoignage unique pour quiconque se penche sur l'histoire du pays de 1870 à 1914, l'histoire de France écrite par Bainville peut se lire en même temps qu'une bonne biographie sur l'auteur afin de mieux comprendre les enjeux de l'écriture du passé. Il y a là un intérêt historiographique: comment un écrivain peut-il faire usage de l'histoire (Antoine Prost le remarque, l'historien n'a pas le monopole de l'histoire, elle appartient à tous et personne) pour justifier une position, susciter des réactions chez le lectorat, etc ?

Permettez-moi pour conclure de vous conseiller de vous y plonger sans hésiter aucunement. On ne ressort jamais indemne de la lecture d'un écrivain de talent (qui plus est quand il a eu la bonne idée d'écrire une histoire de France !).


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 04 Oct 2011 21:59 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 30 Oct 2009 17:55
Message(s) : 890
Merci beaucoup pour cette intéressante et détaillée réponse Aponie ! :wink:

_________________
[...] Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants...

Renaud, Mistral gagnant, 1985.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Oct 2011 9:32 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 19 Fév 2011 17:03
Message(s) : 1137
Sans contredire Aponie, je nuance en disant qu'il n'y a pas haine de l'Allemagne chez Bainville.
- Il la voit certes comme un ennemi, mais pas héréditaire: un des livres où il détaille l'antagonisme entre France et Allemagne s'appelle justement Histoire de trois générations. Donc, très peu en Histoire.
- Il est lui-même amoureux de la langue allemande, de ses poètes et de ses philosophes. J'étais même certain qu'il avait traduit Nietzsche à dix-huit ans mais je ne retrouve pas de référence.

Attention en citant le traité de Versailles: si Bainville partage l'idée de la culpabilité allemande, il est aussi le premier critique dudit traité. En 1919, pour paraphraser le les conséquences économiques de la Paix de J.M. Keynes, il publie les conséquences politiques de la Paix, où –avant tout le monde à mon avis- il montre le danger d’humilier l’Allemagne et de lui faire supporter quasiment seule les conséquences du conflit. Il prévoit en dernière page qu’avant 20 ans elle cherchera à se venger et que sa première victime sera la fragile Pologne, recréée un peu artificiellement et prise dans un étau allemand.

Mon avis sur le style est le même qu’Aponie : quelle plume !

Je n’ai pas lu son Histoire de France mais je possède en édition originale sa Petite Histoire de France, illustrée par Job et destinée aux enfants. Il n’échappe évidemment pas à ce qui était l’état de l’art des connaissances de l’époque. Donc, ce qu’il écrit sur les Gaulois fera sourire par exemple. Mais pas plus ou pas moins que les autres écrivains contemporains.
D'un point de vue épistémologique, Bainville serait un peu le Michelet-Lavisse de droite.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Oct 2011 18:30 
Hors-ligne
Salluste
Salluste

Inscription : 20 Déc 2010 21:48
Message(s) : 225
Et de fait, je n'ai pas évoqué une quelconque haine (j'écris que l'Allemagne n'a pas sa sympathie après la Grande Guerre). Même remarque pour le traité de Versailles.

Citer :
D'un point de vue épistémologique, Bainville serait un peu le Michelet-Lavisse de droite.


Ces deux derniers étaient historiens de fonction alors que Bainville se fait historien dans certains ouvrages seulement.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 message(s) ] 

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 15 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB