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Message Publié : 04 Déc 2011 13:43 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Localisation : Centre
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Il n'est pas question d'objectivité ou d'impartialité. Il est question de valeurs morales. Un discours n'est jamais désengagé car nous sommes des êtres sociaux. Le travail de l'historien est critique et je ne vois pas comment une critique pourrait être totalement dénuée, détachée de toute morale, qui, à mon sens, est constitutive de l'action de penser et plus encore de celle de communiquer, d'écrire. Sans compter sur les étapes antérieures : choix du sujet, de la problématique, des sources.


Bien sur, nous ne sommes pas désengagés, une critique historique peut être portée par des valeurs morales (l'exemple de Lévi est extrême dans ce sens pour des raisons évidentes).
Mais il y a une différence, entre être inspiré par des valeurs morales ou politiques, et les mettre au centre du travail d'historien comme objet même de ce travail, ce qui le corromp au point d'en faire un simple instrument de propagande.
Bien sûr, cet engagement est essentiel dans le choix des sujets investigués, des hypothèses de départ, des interrogations, mais il ne peut en aucun cas se substituer à l'objet premier de la recherche historique.

Cet object premier (mais non unique) étant l'établissement des faits sur la base des sources disponibles. Tout ce qui entrave ce travail premier de la ''construction" factuelle , ce "noyau dur de l'histoire", comme les valeurs morales, les opinions politiques, les préjugés, doit être autant que possible suspendu, ou au moins placé à distance du travail du chercheur, parce qu'il ne peut que le fausser: l'historien risque ainsi de minimiser, ou au contraire de donner trop d'importance et de signification à certains documents portant atteinte à sa thèse de départ et à ses valeurs. Et son travail perdrait alors toute qualité scientifique pour n'être que l'expression d'opinions subjectives.

A lire certains, on a l'impression que l'engagement moral n'est pas présent juste au départ de la démarche historienne, mais qu'il la surdétermine entièrement et qu'elle doit lui être intégralement soumise, du début jusqu'à la fin du processus de recherche et d'analyse . Autrement dit, dans cette approche, la démarche morale écrase et tue la démarche historique , alors que son rôle serait plutôt de la susciter, de la faire vivre et de l'inspirer sans l'entraver.

Le complément naturel de cette démarche étant la pratique l'anachronisme systématique , réduisant le débat historique à la tenue d'un Nuremberg permanent, ou des individus se constituant en autorités morales autoproclamées, font défiler devant eux toutes les célébrités du passé, évidemment toutes condamnables et toutes condamnées selon nos critères modernes.
C'est une forme dangereuse de détournement de l'histoire, présente dans quasiment toutes les dictatures modernes pour qui l'instrumentalisation de l'histoire est un instrument de pouvoir.

L'histoire n'a pas pour but de dire le bien mais de dire le vrai. C'est une investigation , pas une instruction à charge.
Conclusion pratique: comme nous l'avons dit plusieurs fois, un débat sur le devoir de mémoire a sa place non pas sur PH mais sur le SG.
Je laisse à ses iniateurs le soin de l'y poursuivre.

En prime, cette citation de Bradley: "il n'y a pas d'histoire sans préjugé... C'est en prenant conscience de son préjugé que l'histoire devient vraiment critique et qu'elle se garde ... des fantaisies de la fiction"


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Message Publié : 04 Déc 2011 14:43 
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Salluste
Salluste

Inscription : 02 Fév 2011 14:33
Message(s) : 239
Tonnerre a écrit :
Bien sur, nous ne sommes pas désengagés, une critique historique peut être portée par des valeurs morales (l'exemple de Lévi est extrême dans ce sens pour des raisons évidentes).
Mais il y a une différence, entre être inspiré par des valeurs morales ou politiques, et les mettre au centre du travail d'historien comme objet même de ce travail, ce qui le corromp au point d'en faire un simple instrument de propagande.
Bien sûr, cet engagement est essentiel dans le choix des sujets investigués, des hypothèses de départ, des interrogations, mais il ne peut en aucun cas se substituer à l'objet premier de la recherche historique.


Nous sommes donc entièrement d'accord.

D.

_________________
Pour remonter à la source, il faut nager à contre-courant.


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Message Publié : 04 Déc 2011 15:21 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
Message(s) : 2720
Localisation : Centre
Citer :
Nous sommes donc entièrement d'accord.


Parfait , j'en prends acte B)


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Message Publié : 04 Déc 2011 22:00 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
Message(s) : 1522
Localisation : Belgique
Re: Message du 4 Décembre 14h45.

Tonnerre,

un grand merci pour votre message qui, avec votre éloquence habituelle, souligne les difficultés qu'un historien honnête ressentit durant ses recherches. Même moi, qui cherche toujours la ligne droite, suis de temps à autre dévié de la bonne voie...:-). Même les vrais historiens, comme mon exemple en Allemagne de l'"Historikerstreit" (la querelle des historiens)...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Historikerstreit

Cordialement et avec estime,

Paul.


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Message Publié : 11 Déc 2011 13:58 
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Inscription : 26 Déc 2004 20:46
Message(s) : 1455
Localisation : France
Salammbô a écrit :
Nous somme d'accord mais après est-il normal de mettre sur un même plan d'égalité toutes les guerres? Ne risque-t-on pas amalgame en associants des guerres "justes" et des guerres foncièrement "injustes"?

L'Histoire est une activité intellectuelle. A ce titre, elle doit se garder des émotions.

L'analyse d'une guerre entre humains doit rester sur le même plan émotionnel que l'analyse d'une guerre entre chimpanzés ou entre fourmilières. En conséquence, vous ne sauriez déterminer la justice d'une tribu de chimpanzé ou d'une fourmilière.

Ou plutôt, vous la déduiriez de ce que les belligérants ne manquent jamais de faire. C'est justice du nazi d'exterminer les juifs et les Tsiganes. C'est justice des Britanniques d'exterminer les nazis. La justice, c'est la légitimité et il n'est pas de corruption assumée qui n'accepte, un temps au moins, sa propre légitimité.

Voilà ce que l'analyse intellectuelle doit garder sur ces sentiments de justice, ou plutôt de légitimité, en ce qu'ils interviennent dans les comportements des belligérants et en ce qu'ils corrompent notre intelligence, dont l'émotion est ennemie.

***

Par ailleurs, en citant la justice (la légitimité), vous vous placez sur un terrain moral, étranger à l'activité purement intellectuelle que doit rester l'Histoire comme science, mais vous réalisez une double imposture :

1. imposture intellectuelle, car votre analyse ne relève pas des connaissances relatives à ces conflits ou de leur recueil mais de vos seules émotions ;

2. imposture morale, car votre analyse ne relève pas non plus de la morale, qui impliquerait que vous ayez parfaitement et complètement embrassé chaque aspect et chaque détail des motivations de l'ensemble des acteurs des guerres (y compris leurs immanquables déterminismes physiques, chimiques, biologiques et culturels), mais encore une fois des émotions individuelles dégagées des connaissances superficielles que vous avez (nous avons) de ces conflits.

Autrement dit, vous aimez ou n'aimez pas certains conflits pour des raisons qui vous sont propres (et légitimes) mais ça ne légitime pas (intellectuellement et moralement) l'imposition de vos classements, affectifs, des conflits (entre humains, entre chimpanzés ou entre fourmis) sur une échelle de justice.

Ce serait différent si ce forum présentait une dimension affective ou émotionnelle sur l'Histoire (quel roi, quelle guerre, quelle époque vous font le plus pleurer ?...).
Salammbô a écrit :
Le personne ne dit que la France doit s'excuser pour ces guerres, mais on peut aussi se demander la réaction d'un vietnamien en voyant ça.

Il se dira que la France honore ses soldats, tout comme le Parti communiste vietnamien honore les siens et comme Vietnam devrait honorer les siens.


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Message Publié : 20 Fév 2012 17:55 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
Message(s) : 1303
Apparemment la loi a été votée aujourd'hui. A voir les modalités lors de la publication au JO.

_________________
"Il n'y a point de place faible, là où il y a des gens de coeur." Pierre du Terrail

"Qui est le numéro 1 ?
Vous, Numéro 6. " Le Prisonnier


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