Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Je ne suis pas en train de pester contre une "vague brune"
Désolé, mais si, puisque vous reprenez la terminologie et les qualificatifs inventés par HDG.
Il n'y a qu'eux pour qualifier des acteurs, journalistes, animateurs et je ne sais qui encore d'
historiens. N'importe quel professeur commencerait son cours par une nécessaire
définition dans l'emploi d'un terme, qui ne signifie plus rien à les lire (puisque par effet de miroir ils se présentent aussi comme historiens...). On se transporte dans des" débats" dignes des plateaux d'Hardisson ou de Ruquier...
Je vous mets au défi de citer un passage de mon intervention au cours duquel je donne de "l'historien" à Sevillia et consorts. Et aucun des auteurs de l'ouvrage Les historiens de garde, justement, ne leur donne le titre d'historiens. Ce sont des journalistes, des acteurs, des intellectuels, comme vous le dites fort bien. Ils n'ont aucune méthode historique, ne sont pas reconnus par la profession, n'ont pas de titres (quelques uns n'en ont pas moins suivi un cursus en histoire/humanités).
Pour autant, ce qu'ils produisent, c'est bien de l'histoire, ne vous en déplaise, Duc. Que leur méthode soit bancale ou inexistante, ils ne se disent pas moins légitimes quand il s'agit d'aborder des sujets historiques sensibles (Révolution française, avec sa "Terreur" et son "Génocide vendéen", Commune, IIIème République, Front populaire, régime de Vichy, mai 68, et j'en passe). Plus ! ils se disent plus légitimes, pour certains, que cette vieille garde de professeurs poussiéreux qui ont pris racine sur les bancs de leur université. Leurs éditeurs les soutiennent, leur offrent des quatrième de couverture élogieux, ils sont soutenus dans les médias, télévision, presse, internet. Sur les plateaux-télé, on ne les présente pas comme des "amateurs éclairés", mais comme des historiens.
Duc de Raguse a écrit :
Les auteurs d'HDG, autoproclamés - par leur omniprésence sur le net - grands inquisiteurs de l'Histoire (laquelle d'ailleurs ? aucun historien, hormis Gallo "le sarkozyste" - on perçoit le degré de la critique !
- n'étant passé sous leur fourches caudines...) ont des émules.
C'est triste à constater ; je regrette aussi le silence des universitaires à ce sujet. Ils ont toujours traité par le mépris et l'ignorance ce genre d'écrits qu'HDG qualifie désormais d'"historiques", il serait peut-être temps pour eux d'intervenir afin d'éviter que des luttes médiatiques pitoyables entre trublions ne constituent pour le "grand public" le discours produit par l'"Histoire" aujourd'hui.
Il me semble que les auteurs du livre "Les historiens de garde" sont bien des universitaires. Doctorants ou maitres de conférence. Ils ont été soutenus par plusieurs historiens, dont les historiens de
http://revolution-francaise.net/. Qui sont tous, ou presque, des universitaires reconnus, spécialistes de leurs sujets. Tous ont publié, ouvrages, articles, tous sont cités par leurs confrères - il me semble que c'est la définition d'un "historien" : faire de l'histoire, être reconnu comme membre d'une corporation historienne, travailler selon une méthode, être payé pour sa pratique. Bref, je suis désolé, mais vous vous trompez. Ou alors, je ne comprends pas le sens de vos propos ?
Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Oui, vous avez des tas de gens aujourd'hui qui bâtissent leur culture historique avec Zemmour, Deutsch, Minc et Sevillia, parce que ce sont des best sellers programmés. Ça me semble un vrai problème.
Des "tas de gens" ? Qui donc ? Il faudrait amener des exemples concrets.
Avec plaisir. Je suis étudiant en histoire depuis quelques années, mais pour gagner ma vie, je travaille depuis plus longtemps encore dans le rayon histoire d'une grande enseigne culturelle bien connue (et probablement fréquentée par nombre d'entre vous). Il se trouve que la librairie dans laquelle je travaille est l'une des plus grandes de la région parisienne. Par voie de conséquence, non seulement je vois les clients, je parle avec eux, mais je suis mes ventes - en même temps que je m'informe, par divers médias de librairie, des ouvrages qui se vendent ou non. Et comment.
Prenons un exemple. Sur cette fin d'année, en histoire, qu'a-t-on offert ? Les meilleurs ventes sont évidemment les deux livres de Deutsch, et de très loin.
Hexagone et
Métronome. Ensuite ? Sevillia, avec son
Histoire passionnée de la France. Ensuite ? Des tas d'autres choses, évidemment. Surtout les biographies. Mais on est loin, très loin, des ventes des trois premiers ouvrages cités. Un
Hexagone, c'est, dans ma librairie, presque 2000 exemplaires. Un Sevillia ? 300. Le reste ne dépasse pas les 20 en dehors de quelques albums "cadeau". Beaucoup de nostalgie du bon vieux temps, tiens, comme par hasard : "L'école autrefois", "l'histoire autrefois" (tiens, tiens...), "Comment vivait-on au temps de nos grands-parents", "Comment c'était trop bien, avant que les jeunes cassent toutes nos valeurs en 68", etc.
Oui, Duc, je sais ce qui se vend. Je sais que l'
Histoire de France de Zemmour a été une vente hallucinante l'année de sa sortie, et la bafouille de Minc l'année d'avant. Et la réédition de Bainville l'année d'avant. Sans évidemment aucune indication par l'éditeur des aspérités de la biographie de Bainville en quatrième de couverture. Ad nauseam. Je n'ajoute pas les bouquins de Ferrand ou de Bern - plus événementiels, plus portés sur l'anecdote, ils marchent très bien, mais me paraissent moins néfastes que les grandes fresques idéologiques des Zemmour, Deutsch ou Sevillia.
Je sais que les tentatives de certains éditeurs pour contrer cette hégémonie ont été des échecs - les bouquins dirigés par Alain Corbin, grand publics mais futés, marchouillent sans plus ; s'ils n'étaient portés par les libraires, ce seraient des bides effroyables.
Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Le grand public ne fait pas la différence entre un livre sérieux et un pamphlet d'idéologue.
Pensez-vous parvenir à déterminer ce que pense "le grand public" aujourd'hui ?
Quoiqu'il en soit, si on en croit Le Bon, il n'a aucune mémoire et quelque chose d'autre remplacera cela demain...
Le grand public, oui, je le côtoie tous les jours. Voir ci-dessus. Je leur parle, même. Depuis 12 ans que je suis libraire spécialisé histoire, je vois ce qui se vend - plus c'est réactionnaire, mieux ça se vend.
Et franchement, sauf votre respect, je n'ai pas attendu qu'on publie HDG pour prendre conscience du problème - dès la sortie du bouquin de Zemmour, qui a connu un succès fulgurant, alors que c'était un tissu d'anneries sur l'histoire de France, j'ai su que quelque chose partait en vrille dans le monde de l'édition d'histoire. Ca n'a pas cessé de se dégrader depuis.