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Message Publié : 16 Oct 2005 9:21 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Localisation : village des Pyrénées
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Je pourrais multiplier les exemples de faits recueillis de la bouche même de témoins directs...

Mais faites-le, c'est tellement important.
Faisons-le.
Le père de ma compagne, né en 1920, était à 16 ans facteur à Bagnères de Bigorre. Facteur à vélo. Le jour de ses 80 ans, je l'ai amené (en voiture, bien sûr) refaire sa tournée de facteur. C'était impressionnant de penser qu'il faisait ça à vélo tous les jours. (les premiers monts pyrénéens autour de Bagnères, passer le col de Palomières, les collines des baronnies). mais le plus touchant était ce dont il se souvenait, des détails anodins:
"ici, une fois, je me suis assis sur ce rocher pour réparer ma roue.
- dans cette maison, j'avais toujours un pourboire quand j'apportais un mandat.
- ici (tout en haut d'un chemin), ils me disaient de garder le courrier et de ne monter que le lundi, ce qui était officiellement interdit, mais...
- ici ils avaient 3 filles :oops:
- tu vois, je montais en danseuse jusque là, mais ensuite ça monte moins, je pouvais souffler un peu"
Il y a, à mon avis, deux points de vue pas forcément contradictoires, à écouter ces histoires: Soit de se dire que les choses ont vraiment changé (c'est vrai que le facteur n'est plus à vélo), soit de se dire qu'au fond, pour ce qui est important, le ressenti de chacun, les amours, les douleurs, les rêves, les espoirs, nous sommes tellement semblables. Là, c'est une distance dans le temps. Mais j'avais ressenti la même chose quand j'avais hébergé un étudiant chinois, distance d'ans l'espace et la culture: tellement différent au premier abord, et tellement semblable quand nous sommes devenus intimes. (les anniversaires en famille, les jouets d'enfants, l'humiliation de son père instituteur renvoyé aux champs sous la révolution culturelle, l'humiliation des nôtres, par exemple au STO)
Un voisin m'a raconté une autre histoire de facteur à vélo, le jour de l'enterrement dudit facteur:
Le village de Peyriguère est situé tout en haut de la colline, une sacrée cote à monter à vélo. Le facteur avait gravement manqué de respect à quelqu'un. Ce quidam, pour se venger, avait abonné pendant des années un vieillard de Peyriguère, illettré, à La Dépêche du midi, pour obliger le facteur à monter là-haut tous les jours.
Tout le monde a oublié quelle était l'offense, mais le souvenir de la vengeance est tenace!

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"La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)


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 Sujet du message : Petites gens
Message Publié : 16 Oct 2005 10:50 
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Eginhard
Eginhard

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Localisation : guilers - brest métropole océane
En 1914, cinq frères d'une ferme partirent à la guerre. Ils habitaient Ploudaniel (29), le pays de Mamie Nova. Ils revinrent tous sains et saufs.
Dans le même temps, le futur président Doumer perdait la quasi-totalité de ces nombreux fils. La Mort n'a de préférence sociale entre les humains, sauf cette fois-là peut-être.
Et le pauvre Doumer devait lui aussi tomber sous les balles, celle de Gorguloff.


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 Sujet du message : Petites gens
Message Publié : 16 Oct 2005 12:33 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges

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Localisation : Marseille
Des petits boulots (coursier, livreur, etc.) tout en suivant des cours du soir pour passer son certificat d'études. En fin de carrière (décorateur d'intérieur autodidacte, ayant pour clients plusieurs chefs d'état...) il était conseiller du commerce extérieur. En Egypte où il passa 34 ans, il était président de la colonie française (c'est lui qui écrivait les discours de Monsieur Couve de Murville alors ambassadeur de France au Caire), fonda le premier syndicat libre. La crise de Suez (1956) lui fit tout perdre en une semaine, expulsé du pays comme tous les résidents français ; il se remit immédiatement au travail à 61 ans afin d'achever de quotiser pour sa retraite et élever ses deux derniers enfants encore mineurs (moi-même et ma plus jeune soeur, les numéros 9 et 10 de la tribu... dont il ne reste plus que 5 survivants). Tous ses biens ayant été séquestrés et confisqués, il n'obtint rien du gouvernement français de l'époque. Quand on lui demandait "Et si c'était à refaire?", il répondait immanquablement "Je referrais exactement la même chose"....
Il a toujours su distinguer les accessoires matériels dont on use dans la vie quotidienne de l'essentiel (inaliénable) et, lorsqu'il fut privé des premiers, il considéra que rien d'important ne lui faisait défaut.


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 Sujet du message : Suez
Message Publié : 17 Oct 2005 7:33 
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Eginhard
Eginhard

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Localisation : guilers - brest métropole océane
Couve a-t-il trouvé du travail pour votre père, vicomte Deshays ? :?


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Message Publié : 17 Oct 2005 7:48 
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Eginhard
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Localisation : guilers - brest métropole océane
28 juillet 1947. Brest est une surface quasiment plane, avec quelques immeubles et maisons encore debout. Des dizaines de milliers de gens vivent dans des baraques en bois apportées par les américains. Certaines de ses habitations servaient toujours dans les années 80. Une galerie commerciale préfabriquée a été installée prés de la gare. La Guerre a détruit Brest.

28 juillet 1947. Un Liberty-Ship, cargo fabriqué à la chaine par dizaines de milliers aux USA durant le conflit mondial, est à quai au port de commerce. Il bat pavillon norvégien et améne de l'acier, du nitrate d'ammonium et des produits manufacturés. Les dockers s'emploient à décharger la marchandise.

28 juillet 1947. La grand-mère de ma femme, Marie-Victorine, 30 ans, va accoucher de son deuxième enfant à Guilers, à 7 kms de Brest. Mais elle vient de recevoir l'extrême-onction du curé de la paroisse. Le médecin ne peut plus rien pour elle; il ne comprends pas trop ce qu'elle a d'ailleurs. Elle est moribonde.

28 juillet 1947. P'tit Jean a eu 14 ans hier. Il est dans un hangar avec son père et d'autres personnes. A l'aide d'un tapis roulant électrique, ils mettent les pommes de terre en sac. P'tit Jean sera plus tard le compagnon d'une de mes tantes.

28 juillet 1947. Mon arrière-grand-mère, Marie, est rue Jean-Jaurés, avec sa fille et ses trois petites-filles. Elles logent dans le plus grand immeuble de l'époque : 7 étages. La bâtisse a subi des dommages en 1944. Comme mur de séparation entre voisins, des briques entassées. Marie est dans la cuisine.


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 Sujet du message : Petites gens - 28 juillet 1947
Message Publié : 17 Oct 2005 9:02 
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Eginhard
Eginhard

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Localisation : guilers - brest métropole océane
28 juillet 1947. Port de commerce de Brest. Un ouvrier, occupé à décharger l'Océan-Liberty sort du navire en hurlant : "Au feu !!!".
Les dockers ont compris; les 3000 tonnes de nitrate d'ammonium entreposées dans les cales, et qui servent d'engrais aux agriculteurs, risquent d'exploser. Les pompiers arrivent. On arrose le foyer, sans résultat. Les autorités donnent l'ordre de remorquer le bâteau vers l'océan. La manoeuvre commence, le liberty-ship est bientôt en rade de Brest, mais va s'échouer sur le rivage.

Les brestois se sont précipités au cours d'Ajot, la Promenade des anglais brestoise. On discute, on commente. A Guilers, Marie-Victorine agonise toujours; à Guipavas, P'tit Jean ramasse toujours ses patates et à Brest,
Marie est dans l'appartement de la rue Jean-Jaurés, souvenir de mon enfance.

28 juillet 1947. 16h00 - Un technicien va tenter de faire une brèche dans
l'Océan-Liberty afin que l'eau de mer noie le feu et la cargaison. Le travail est difficile.

28 juillet 1947. 17h30 - P'tit Jean, 14ans, aide toujours les adultes autour du tapis à pommes de terre. Soudain, plus d'électricité... Les hommes se regardent, puis une énorme déflagration se fait entendre. Un immense souffle parcourt le hangar de Guipavas, 10 kms de Brest.

L'Océan-Liberty vient d'exploser.

Des monceaux de ferraille en fusion se répandent dans le ciel de la ville,
puis retombent un peu partout. Des baraques prennent feu. Des personnes sont blessées, tuées. Les vitres des bâtiments explosent. Une gamine de 14 ans réclame sa mère en hurlant, un éclat de verre dans le dos. Sur le port, des gens à terre, gisant dans leur sang.

Marie, mon arrière-grand-mère, qui est dans la cuisine de la rue Jean-Jaurés reçoit un morceau de vitre dans une jambe. Ma grand-mère me dira que la blessure fut bientôt aussi grosse qu'un melon.

Il y aura 26 morts et des centaines de blessés.
Le nitrate d'ammonium, qui avait déjà sévit dans le Monde, tuera encore à Toulouse le 21 septembre 2001.

A Guilers, Marie-Victorine a vomi une substance sans nom. Puis le médecin constate qu'elle va mieux. Il ne comprend toujours pas. La mémé de mon épouse ne supportera jamais plus que l'on dise du mal de la religion. Elle est décédée en 2002, de défaillances cardiaques (suite à une petite anesthésie).

P'tit Jean, mon oncle, est devenu transporteur. Il est mort en 1993, à 60 ans, dans un délabrement épouvantable. Merci la Transfusion Sanguine.


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 Sujet du message : Couve de Murville
Message Publié : 17 Oct 2005 12:16 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges

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Localisation : Marseille
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Couve a-t-il trouvé du travail pour votre père, vicomte Deshays ?
Monsieur Couve de Murville a obtenu pour mon père un prêt d'honneur à rembourser lorsque les biens saisis en Egypte seraient débloqués (ils ne le furent, largement amputés des taxes accumulées, que plus de trente-cinq ans plus tard... après la disparition de mon père).
Professionnellement parlant, mon frère aîné exerçant à Paris depuis 1951 la même profession que mon père (décorateurs d'intérieurs tous les deux) a "employé" notre père de 1956 à 1960 pour permettre à celui-ci d'achever de quotiser pour sa retraite des cadres.


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Message Publié : 12 Jan 2006 18:23 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Localisation : village des Pyrénées
Revivre un passé révolu par des sortes de rituels?
En Limousin, les humains mangeaient des navets et des chataîgnes, et les animaux mangeaient des topinambours (les humains aussi en période de guerre). Oh, je ne suis pas si vieux, pendant mon enfance ça avait déjà un peu changé. Mais je me souviens que papa passait une grande partie de l'hiver à laver des topinambours. Et se gelait les mains.

Et bien, depuis l'an dernier, je cultive un mètre carré de ces tubercules. Nous en mangeons une seule fois, car totalement ... disons ... gazogènes. Avec un ami un peu anarchiste, nous avons l'intention d'en manger une "venrtrée" si un jour un député (ou un sénateur) doit venir inaugurer quelquee chose au village, à cause justement de cet effet gazogène (nous avons des jeux simples, au village)

Mais le rituel n'est pas là. Le rituel, chaque année, est bien de laver les topinambours, juste pour revivre ces moments avec papa; que je viens d'appeler, et qui se souvient. mais me dit: vous n'allez pas manger ça, c'est pas la guerre. Non papa, c'est juste pour le député :lol: (tu étais déjà un peu anarchiste, souviens toi, le garde chasse, les collets, ...)

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Message Publié : 12 Jan 2006 18:43 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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C'est vrai, dédé, nos aïeux mangeaient des navets et des châtaignes...

Mais pas que ça ! Mon arrière grand-père chassait: à l'occasion, un perdreau ou un lapin améliorait l'ordinaire. Il pêchait aussi... Il y avait des poissons en ce temps-là dans les rivières. Enfin, une fois par an, on tuait le cochon... Etait-on plus pauvre dans la Creuse que dans la Haute-Vienne ?

Je ne le crois pas. Enfin, il y avait du pain, même si sa qualité n'était pas extraordinaire. Et on le mangeait sans laisser une seule miette ! :wink:


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Message Publié : 12 Jan 2006 20:30 
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Philippe de Commines
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Localisation : village des Pyrénées
Nous étions en Corrèze.
Ma famille était depuis des générations fermière chez un comte. La chasse était interdite. Mais dans mon message précédent j'évoque le "jeu" entre papa et le garde. Sauf que le fruit de ce braconnage était vendu pour acheter des choses plus utiles.
J'ai déjà dit, aussi (voir mon modeste site) que ce n'était pas vraiment la misère (selon ce qui m'est arrivé par tradition orale): on vivait modestement, mais on mangeait à sa faim.
En Corrèze, il y avait plus souvent des galettes de sarrasin que du pain. Mais on chauffait le four toutes les six semaines.
Je parle d'un passé que je n'ai pas connu.
Ce dont je me souviens, c'est que papa avait, dans le village, des amis socialistes qui l'ont aidé à sortir de chez le comte. Raymond était facteur, Marcel poissonnier, Fernand marchand de vin, j'ai oublié le prénom de celui qui était ... gendarme. Ils faisait un banquet ... tous les 16 janvier (pardon, mes amis, ce n'est pas pour vous provoquer, je ne fais que raconter). Chacun contribuait selon ses moyens, et papa fournissait le gibier, qu'il attrapait avec "l'aide" de son copain gendarme (qui patrouillait ailleurs) sur les terres du comte. Et puis ils lui ont trouvé des petits boulots en dehors de la ferme, pour qu'il puisse investir dans un cheptel à lui (il n'avait que celui du comte, ce qui le rendait prisonnier). Il faisait double journée ("ils", pardon, maman...), la ferme puis bûcheron (au noir), fossoyeur (il enterrera la comtesse, puis le comte, bien profond, m'a-t-il dit, encore pardon, je narre).
Quand ils ont pu, ils sont allés dans une autre ferme, appartenant à des amis de la famille, où ils vivent aujourd'hui leur retraite.
Je soupçonne que mon diplôme d'ingénieur leur est cher, déjà par lui-même comme signe de leur réussite, mais en plus parce que le comtissou avait échoué au même concours.

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Message Publié : 12 Jan 2006 22:46 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Ah, le tuage du cochon. Je m'en souviens quand il avait lieu à la ferme de mon oncle, et la fabrication des cochonailles à la maison des grands-parents, qui était l'ancienne cure (XVIIIe) du village. C'était il y a vingt, vingt-cinq ans. Là où la "petite" histoire rejoint la grande, enfin à l'échelle du village, on dira donc la moyenne :oops: c'est quand les produits étaient stockés dans une chambre inutilisée, la chambre "du Cardinal". Quel cardinal ? On ne sait pas, mais un cardinal (-archevêque de Lyon) était censé avoir passé une nuit là. L'Histoire, la grande, s'est montrée incapable de confirmer ce mot de la "moyenne".
Aujourd'hui, on ne tue plus le cochon là-bas; la maison est toujours debout, mais à l'intérieur, on a tracé deux appartements "modernes". La belle cave voûtée est sans doute fermée. Dans le jardin qui s'étendait de la cure à l'église, on a construit deux pavillons. Mais si vous traversez Nandax, vous verrez encore, contre le mur du fond du jardin, les couvercles de deux châssis en bois, déposés là par mon grand-père, il y a une vingtaine d'années.


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Message Publié : 12 Jan 2006 23:04 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 08 Mai 2002 9:54
Message(s) : 1923
Oui, je comprends, Dédé... Vos comtissous étaient salement attardés !

Cela dit, je sais que l'arrière grand-père a eu du mal à sortir de sa condition de métayer (colon, disaient les actes anciens); il a d'abord succédé à son beau-père, à Mouterre dans la Vienne. Et là, il y avait une petite rivière poisonneuse, la Gartempe.

Sa femme est morte très jeune. il s'est remarié avec la veuve... de son cousin germain et il a pris la suite, toujours comme métayer. Mais c'était d'un rapport plus intéressant. Enfin, il a pu acheter une petite propriété de 11 hectares. Je crois que le précédent propriétaire avait été tué à la guerre et n'avait pas d'enfants.

L'aïeul allait à la chasse tandis que son épouse allait à la messe... Avec les enfants (les siens et mon grand-père). Il lisait le Populaire... comme mon grand-père. Celui-ci a quitté la campagne, étant amputé: il n'était plus bon à rien à la terre...

C'est beau votre réussite: vos parents peuvent être fiers de vous. C'est vrai que là, la République a eu du bon...


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Message Publié : 20 Jan 2006 11:29 
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Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
L'histoire de "petites gens" est tellement présente dans les cartes postales anciennes. je passe des heures chez les brocanteurs, à lire ces cartes J'en achète parfois.

Hors les banals "bons souvenirs et amitié" , on trouve beaucoup d'allusions amoureuses. Parfois tellement sous-entendues qu'on peut avoir un doute:
ainsi, celle-ci, de 1910: (d'une dame à un certain monsieur Vion, "inspecteur des mines")
Citer :
Je serai à Toulouse jeudi et passerai directement par le rue Raymond VII où vous m'attendez si aimablement avec mon colis ..... de fruits !!
Bons souvenirs - à demain 7h19 rapide n°3

je vois (à tort ?) l'allusion érotique dans les cinq points de suspension avant les fruits, suivis des deux points d'exclamation.
Dans les périodes de restriction, les cartes parlent souvent d'alimentation:
Citer :
Salon-la-Tour, Le 4 mai 1943
Chère madame,
Je viens de vous expédier votre colis. J'espère qu'il arrivera en bon état, sans être visité ni trop de casse. Je vais vous dire pour la matière grasse qui devient très rare il y a de l'augmentation, le morceau est de 100 F., quand au reste c'est au même prix. Les haricots, j'ai trouvé ce mélange. Si ce [illisible] ne vous plait pas vous pourriez en céder pour semence à des personnes qui auraient un jardin, il est très bon en vert, et donne beaucoup.
En attendant le plaisir de vous lire, recevez de nous tous nos bonnes amitiés. Bonjour à votre famille

Salon-la-Tour est mon village natal, en Corrèze, d'où partaient souvent des colis vers les proches habitant en ville. On peut voir que les restrictions frappaient les agents des postes, soupçonnés là de « visiter » les colis. L’imprécision des informations sur la matière grasse (combien pèse un morceau ?)
Je lis tout ça avec un peu de sentiment de culpabilité, de voyeurisme.

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Message Publié : 20 Jan 2006 14:37 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
Message(s) : 5364
C'est vrai. En même temps, d'une certaine manière, ces gens oubliés reviennent à la surface, reprennent vie quand vous prenez cette position de voyeur... d'observateur.
C'est le sentiment que j'ai (celui de voir revivre des anonymes oubliés) quand je parcours la base généalogique dont mon amie s'occupe, en lisant le nom d'Untel, paysan dans un village quelque part du côté de Chauffailles ou de Villefranche de Rouergue... tout à fait indépendamment du fait qu'il appartienne ou non à mon propre arbre d'ailleurs.


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Message Publié : 21 Jan 2006 21:10 
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Polybe
Polybe

Inscription : 30 Mars 2005 10:28
Message(s) : 93
A vous lire, cela m'a rappelé mon grand-père paternel. Né vers 1895, il fut placé comme commis de ferme à 7 ans. Il dormait dans la paille, au-dessus des vaches. Il y est resté un an. Il a travaillé chez les autres, jusqu'à pouvoir s'acheter une bien modeste ferme. Quand son fils ainé (mon père) fut reçu à l'école normale et partit en Bretagne, il décida de ne plus jamais lui écrire, en raison de son orthographe. Ce fut ma grand-mère, qui avait été scolarisée en hiver 2 ou 3 ans, qui désormais le fit, cherchant ses mots dans le journal.

_________________
"Se mettre à plat ventre, c'est bien. Toutefois cette position est incommode pour lécher la main de celui qui vous donne des coups de pied dans le derrière." (Satie)


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