Diablophil a écrit :
En ce qui me concerne je lis principalement L'Histoire et la Nouvelle Revue d'Histoire. Je trouve les 2 revues excellentes, bien que fort différentes.
La première est une revue qui se veut plutôt neutre, mais qui est malgré tout assez nettement marquée à gauche. En général les sujets sont plutôt intéressants et ils font de très bons dossiers. Seul point noir à mes yeux, certains articles m'ennuient profondément. Par exemple on pouvait lire dans un de leurs récents numéros un article sur la phobie d'être enterré vivant au XIXème siècle...
Eh bien, pourquoi pas ? Si un tel article t'ennuie profondément, ce n'est peut-être pas le cas de tout le monde !
C'est d'ailleurs le mérite de la revue
L'Histoire que de signaler des domaines de l'histoire qui ne sont pas très connus. L'intérêt principal de cette revue est qu'elle donne la parole à des chercheurs tout en restant accessible. Bref, de la vulgarisation savante.
Ceci étant,
L'Histoire a, depuis quelque temps, adopté un style un peu moins "académique" et un peu plus "journalistique" qui a parfois tendance à flirter avec le "consensus mou" voire avec le racolage :
- Des intertitres parfois provocateurs, extraits du texte et du coup placés hors contexte. Exemple dans le dernier numéro dont le dossier est consacré à Freud : "Freud n'a pas une grande vitalité sexuelle". C'est digne d'Ardisson ou de Cauet...
- Des portraits d'historien(ne)s. L'idée est plutôt sympa : le portrait de celles et ceux qui ont écrit les livres sur lesquels j'ai sué, pourquoi pas. En revanche, lorsque le portrait en question ne dépasse pas le niveau d'un article de
Elle, je n'en vois pas l'intérêt.
- Une revue des livres de moins en moins critique. Les commentaires sont soit neutres, soit élogieux. Contrairement aux
Annales ou à
Historiens ou Géographes, l'objectif de cette rubrique n'a jamais été de disséquer un ouvrage puisque
L'Histoire se destine à un public moins averti que ces dernières. Pour autant, je préférerais des critiques un peu plus conséquentes et un peu moins consensuelles. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire, dans
Historiens et Géographes, les critiques de Robert Fossier dont la plume s'apparente essentiellement à un scalpel ou à un chalumeau oxycoupeur. A côté, les critiques biblio de
L'Histoire, c'est "L'Ecole des Fans"...
- Une revue dont la forme est en train de prendre le pas sur le fond. Je reprends l'exemple du dernier numéro (mai 2006). Le dossier Freud est fièrement annoncé en couverture. Mais en quoi consiste ce "dossier Freud" ? Une chronologie (pas bâclée, je précise), et trois entretiens. Aucun article de fond. J'en attendais davantage... Plus généralement, les articles de fond ont tendance à être de moins en moins centraux, alors que les entretiens, les "news", les pages "magazine" bénéficient d'un soin apparemment de plus en plus marqué.
Je lis
L'Histoire depuis une quinzaine d'années et je reste convaincu qu'il s'agit d'une revue qu'un étudiant ou un enseignant en histoire ne peut ignorer. Je m'inquiète néanmoins de certaines orientations prises, depuis quelque temps, par la rédaction. A surveiller...
Passons maintenant à la
Nouvelle Revue d'Histoire. Là, je ne peux que t'inciter à la plus extrême prudence. Une simple recherche sur Internet te permettra de glaner quelques infos sur le rédacteur en chef de cette revue : Dominique Venner, proche de ce que l'on a coutume d'appeller la "Nouvelle Droite" (en quelque sorte un mouvement visant à intellectualiser l'extrême-droite et qui se signale par un rejet de l'extrême-droite "ultra-catho" et par une fixette sur les origines pré-chrétiennes de l'Europe).
Etude de texte à titre d'exemple :
http://www.n-r-h.net/editos/nrh_edito_23.pdfApparemment, Venner a bien aimé le film
Gladiator. Pourquoi ? Parce qu'il met en scène la romanité païenne. Par contre, il ne semble pas porter
Ben Hur dans son coeur. Bizarre, puisque ces deux films ont, finalement, une histoire identique. Ah oui ! Dans
Ben-Hur, le héros est juif...
Bon, je ne vais pas m'étendre sur Venner, mais je citerai pour terminer un extrait du livre
Les fascismes de Pierre Milza :
Citer :
"A l'origine de la nouvelle droite, on trouve en effet une organisation, le GRECE (Groupement de recherches et d'études pour la civilisation européenne), né à la fin de 1967 à l'initiative d'un petit groupe de militants venus d'Europe-Action, la revue raciste et néo-nazie de Dominique Venner, ex-dirigeant de Jeune Nation." (Points Seuil, p. 514.)
Venner a-t-il trouvé depuis son chemin de Damas ? J'en doute et, personnellement, je m'en fiche totalement. Ce qui m'inquiète davantage, c'est que des universitaires assez connus acceptent à l'occasion de publier des articles dans les torchons volontiers révisionnistes de Venner.