Oui, en effet, je serais aussi intéressé par des références exactes.
Parce que Bourdieu a plutôt tendance à reprocher aux sociologues de, justement, occulter l'histoire.
Mais il a parfaitement pu critiques les historiens également -s'il y a une chose que Bourdieu savait manier, c'est bien la critique
Sur Simiand, il me semble que c'est un raccourci, pas très juste.
Ce qui serait juste, c'est de dire que l'école durkheimienne était sans doute... un peu impéraliste, sur le plan intellectuel. Il y avait effectivement une tentative de subsumer les sciences humaines et sociales dans une épistémologie, et conséquemment une méthodologie, communes.
Ou pour être plus précis, il y a eu de la part des "durkheimiens" des tentatives pour créer des courants au sein de disciplines connexes, qui puissent être compatibles avec la sociologie telle qu'ils l'avaient fondée.
C'est le cas de M.Mauss avec la psychologie par exemple. Mauss, qui, par ailleurs, a été déterminant dans l'évolution de l'éthnologie sous des auspices durkheimiennes, créant en quelque sorte le courant français de la discipline, dont bien évidemment, le disciple le plus célébre sera Lévi-Strauss.
C'est donc aussi le cas avec l'histoire. Mais puisque vous citez Simiand, que fait-il, Simiand, en fait ? Il incite à ouvrir l'étude historique sur d'autres approches et d'autres thèmes, ainsi que d'autres méthodologies, que celle qui est alors couramment enseignée. L'objectif est alors clairement, du côté de la sociologie, de trouver une complémentarité : Simiand l'écrit explicitement, il aimerait que l'histoire produise des données qui soient ensuite intégrables dans l'analyse sociologique.
Or, l'histoire se cantonne trop, à son goût, soit à des monographies, des récits de vie qui se rapprochent de la littérature -et donc très éloignés de l'analyse "scientifique" qu'ils défendent pour les sciences humaines et sociales- soit à des comptes-rendus pointilleux d'évènements microscopiques inutilisables. Vous trouverez l'article de Simiand ici, si vous le souhaitez :
http://classiques.uqac.ca/classiques/si ... stoire.doc
Mais concrètement, ce que je veux dire est que Simiand et les durkheimiens s'attaquent à la critique d'une
certaine manière de faire de l'histoire, l'approche académique représentée à l'époque par Seignobos. Mais prenez en exemple un des moments de ce débat, celui qui est retracé dans ce compte-rendu :
http://classiques.uqac.ca/classiques/Du ... _socio.doc
Vous noterez que Bloch, lui, adopte plutôt les positions des durkheimiens (Durkheim lui-même et Bouglé).
Et effectivement, lorsque Bloch et Febvre fondent les Annales, c'est bien à l'article de Simiand qu'ils font directement référence.
Et lorsque Febvre, 20 ans plus tard, fustige encore "l'histoire historisante" dans
Combats pour l'histoire, c'est toujours à Simiand qu'il se référe.
Et après Febvre et Bloch, on pourrait aussi parler de Braudel, bien entendu, qui lui aussi, a bcp à voir avec la sociologie.
Et du côté sociologie, on pourrait par contre parler de l'école allemande, Weber évidemment en première ligne, qui, lui, a beaucoup à voir avec l'histoire.
Donc tout ça pour dire que "rivalité" ne me semble pas un terme adéquat. Enfin, sur le plan institutionnel, en France, il y a eu, et il y a rivalité, c'est certain.
Mais, sur le plan intellectuel : d'un côté la discipline histoire a considérablement profité de l'apport sociologique, et en particulier, a profondément bénéficié, à l'intérieur, de la critique que la sociologie lui a adressé à un moment donné de l'extérieur.
Et de l'autre côté, ni Weber certainement, ni sans doute Durkheim -même si c'est dans une moindre mesure que son homologue allemand- n'auraient existé sans l'histoire.
(D'ailleurs Weber, entre nous, c'est peut-être plus un historien qu'un sociologue, en fait, mais c'est un autre sujet).