Merci Tonnerre pour ces nouveaux liens et pour vos explications complémentaires.
Peut-être qu'il faudrait démarrer un fil spécifique sur cette question, quoique je n'ai pas grand chose à ajouter par rapport à ce que je'ai dit, à savoir principalement, que c'est actuellement un château de cartes qui repose essentiellement sur une analyse d'ossements qui n'est pas fiable, comme le reconnaissent les auteurs eux-mêmes (Bruce et Christine Rotschild).
Tonerre a écrit :
Mais sur la base de ces connaissances modernes, il n'est plus possible de s'en tenir à la théorie américaine originale simple ''la syphilis, importation totalement américaine, n'existait pas en Europe avant Colomb.''
De quelles "connaissances modernes" parlez-vous? Pourriez-vous être plus précis ?
Connaissez-vous l'analyse des ossements ? Pouvez-vous la décrire ? Pouvez-vous expliquez pourquoi cette méthode serait fiable selon vous pour reconnaître la syphilis ?
Selon moi, personne n'a apporté la preuve qu'il ait existé un seul européen porteur de la syphilis entre l'an -300 et l'an 1494. Il est possible que certains européens ait été victimes tréponématoses qui ne soient pas des syphilis, mais il est uniquement question ici de la maladie de la syphilis, pas des autres tréponématoses.
Si vous avez une preuve, alors donnez-là, mais pas avec des mots vagues du genre "recherches archéologiques". Préciser le site archéologique, le nom d'au moins un chercheur, l'année de la découverte, et si possible un article dans lequel est consignée cette découverte.
Tonnerre a écrit :
A noter tout de même que cette théorie américaine tardive de l'origine de la maladie arrangeait tout le monde en Europe--au début de la maladie , tout les peuples se renvoyaient la balle, pour les Espagnols et les Italiens, c'était ''le mal français'', pour les français, c'était ''le mal de Naples''. On l'a aussi attribué à diverses minorités, mais rejeter l'origine du mal loin des Européens, sur des sauvages était une solution psychologiquement plus ''avantageuse''.
Et inversement, la théorie non-américaine peut aussi être psychologiquement avantageuse. Bien sûr, il peut y avoir de l'intox d'un côté comme de l'autre. Mais moi qui m'intéresse depuis plusieurs années à l'histoire, et à l'histoire de la médecine en particulier, je peux vous assurer que de tous temps, il y a aussi eu des hommes sérieux qui ont étudié les maladies sans préjugés, sans se soucier de la psychologie. Par exemple, Girolamo Fracostoro, est un homme sans parti pris, en plus d'être un incroyable génie.
La découverte des Amériques a entraîné des échanges dans les deux sens qui sont indéniables et ont concerné non seulement la flore et la faune, mais aussi les microbes. Personne ne nie que la tomate, la pomme de terre, le mais existaient en Amérique et pas en Europe, et qu'inversement, le blé, les choux existaient en Eurasie et pas en Amérique. Personne ne nie que les européens ont apporté des maladies inconnues en Amérique. Mais étrangement, les américains n'auraient eu aucune maladie que les européens n'auraient pas connue.
Tonnerre a écrit :
Les chercheurs ACTUELS proposent des thèses différentes
Quels chercheurs ? Des noms ? Sont-ils sérieux ? Sont-ils des historiens ? Sont-ils désintéressés ?
Tonnerre a écrit :
IL existe depuis très longtemps un peu partout dans le monde des formes de tréponématoses à transmission non vénérienne, bejel dans le Moyen Orient, pinta aux Amériques, yaws dans une variété de pays tropicaux humides. L'hypothèse de mutations à partir de ces formes originelles est assez probable.
Des mutations existent, mais il ne faut pas tout mélanger.
Vous proposez une mutation du béjel vers la syphilis, ou une mutation de la pinta vers la syphilis. Comment s'opèrerait l'une ou l'autre de ces deux mutations ? Donnez des détails. Connaissez-vous au moins ces deux spirochètes ? Connaît-on leur ADN ? Quelle partie de leur ADN doit-être modifiée pour transformer un spirochète de bejel en un spirochète de syphilis ? Dans la nature, les mutations peuvent sembler nombreuses si l'on considère des périodes de plusieurs millions d'années, mais elles sont très rares, si l'on considère des périodes de quelques siècles.
A-t-on déjà vu en laboratoire un spirochète de bejel ou de pinta muter en un spirochète de syphilis ?
Si oui, alors, ce serait une preuve extraordinaire, et j'adhèrerais aussitôt à votre idée.
Cependant, non seulement, il faudrait qu'une telle mutation se produise, mais qu'en plus elle est lieue juste après le retour des marins de Christophe Colomb, et juste dans la ville où ces marins sont revenus. Quelles coïncidences !
Tonnerre a écrit :
Des thèses avancent une évolution de la maladie en plusieurs endroits y compris Europe, et surtout, mutation de formes de transmission non vénériennes à vénériennes.
Des thèses, mais aucune preuve. La science a besoin de preuves.
Tonnerre a écrit :
Mais surtout, les traces de lésions syphilitiques sur des ossements de provenance très diverses sont maintenant trop nombreuses pour que l'on puisse les écarter
Comment ça "trop nombreuses" ?
Oui, nous avons quelques traces de lésions que l'on soupçonne avoir été causées par un tréponème. Mais, il est mensonger d'affirmer que ces lésions sont d'origine syphilitique.
Tonnerre a écrit :
s'agit-il de syphilis vénérienne?
Une syphilis qui ne serait pas vénériennne, cela n'a aucun sens. C'est E.H. Hudson qui pense qu'un cas de béjel observé en 1929 chez des bédouins serait une syphilis non-vénérienne. Mais c'est comme une maladie cardiaque qui ne concernerait pas le coeur mais le foie, ou comme un bateau qui n'irait pas sur l'eau, ou un avion qui ne volerait pas. En jouant sur les mots, on peut dire n'importe quoi. Cela devient de la poésie, pas de la science.
Tonnerre a écrit :
Un seul, pas des plus récents--97 je peux donner la ref.--, fait état de travaux/découvertes étayant la thèse américaine
Pourquoi faut-il des découvertes récentes pour confirmer ce qui a déjà été démontré ? Faut-il des découvertes récentes pour confirmer l'assassinat d'Henri IV ?
Par ailleurs, pourquoi rejeter les personnes qui croient à la thèse américaine, comme par exemple Alfred Crosby, George Armelagos, Brenda Baker, John Verano, Robert J. Knell, Livingstone, Steinbock, et moi ?
Maintenant, quelques mots à propos de vos liens :
Le premier lien pointe sur un article d'un journaliste, John Noble Wilford. Il rapporte que des ossements d'un cimetière à Metapento, en Italie du sud, et les ossements de deux squelettes en Angleterre ont quelques trous comme ceux des vers dans le bois.
Il précise que c'est la première fois que de tels trous ont été découverts en Europe, alors que l'on aurait découvert de nombreux os avec des trous en Amérique. Le cimetière italien date de 600 av. J.C à 250 av. J.C. La découverte italienne a été faite par Dr. Maciej Henneberg et Renata Henneberg, anatomistes d'Afrique du Sud. En fait, les ossements n'ont pas de trous. Il y a seize crânes un peu plus épais que la normale, sept os longs ayant des marques, et des dents dont l'émail est défectueux. Les anatomistes précisent "we are not sure of our findings", et "we cannot tell whether the infection was veneral or not". Dr. Alfred W. Crosby de l'université du Texas déclare "As long as all we've got is bone deformations, I don't think we are getting anywhere in solving the origins of syphilis".
Les deux squelettes troués d'Angleterre ont été examinés par le Dr. Donald J. Ortner, américain, qui prétend qu'ils sont antérieurs à 1492 sans donner aucune date. Ce Dr. Ortner n'a pas des méthodes scientifiques, comme le montre sa déclaration "I've argued for a long time that it ought to be in Europe, and it was just a matter of finding it." Autrement dit, il a un parti pris initial, qu'il cherche ensuite à confirmer. Deux autres américains, les Dr. Armelagos et Dr. Brenda J. Baker, ont retrouvé plusieurs ossements troués en Amérique, mais aucun en Europe. Ces deux américains croient à la thèse de l'importation américaine de la syphilis.
Le journaliste évoque la possible confusion entre la lèpre et la syphilis. C'est une méconnaissance de la qualité des médecins de l'antiquité et du moyen âge. Ce n'est pas parce qu'ils suivaient Aristote et faisaient des saignés qu'ils étaient tous stupides au point de confondre la lèpre et la syphilis. Les deux maladies présentent des symptômes suffisamment différents pour que la confusion soit impossible sauf peut-être pour quelques médecins débutants, mais en aucun cas pour Hyppocrate, Galien, et les autres grands médecins.
Bref, cet article ne démolit pas du tout la thèse de l'importation américaine. Au contraire, il la conforte en montrant que les preuves contre cette thèse sont très très subtiles, et même les anatomistes sud-africains se gardent bien de conclure contre la thèse.
Le deuxième lien est un article de Theodor Rosebury, qui n'est pas non plus un historien, bien qu'il tente de faire de l'histoire. Il part dans tous les sens. Il est difficile de le suivre. Il donne des sources mais elles ne concernent qu'une petite partie de ses suppositions. J'ai beaucoup de mal à comprendre cet article et à voir où sont les preuves sur lesquels il se base pour dire que la syphilis existait en Europe avant le voyage de Christophe Colomb, et pour dire qu'il est impossible que les marins aient ramené la syphilis.
Le troisième lien est un article de Robert J. Knell, qui affirme que la syphilis est bien apparue en 1495. Il ne remet absolument pas en cause la théorie de l'importation américaine.
Le quatrième lien est un article de Conrado Rodríguez-Martín qui affirme qu'il est difficile de savoir si la thèse américaine est vraie ou fausse. On ne peut donc pas le classer parmi les adversaires de la thèse américaine. Il rapporte même qu'un certain Livingstone pense qu'une souche particulièrement virulent fut ramenée d'Amérique par les marins. Un certain Steinbock est aussi opposé à l'existence de la syphilis avant 1495. Le cas du squelette de Norwich est douteux, ainsi que le cas du cimetière de Costebelle. C'est donc un article qui ne remet pas en cause la théorie de l'importation américaine.
Le cinquième lien évoque un article d'une ancienne infirmière, Charlotte Roberts, dont le titre "Secret of the dead" laisse présagé qu'il s'agit plus d'une nouvelle de science-fiction que d'un article scientifique. Cet article donne des noms de sites archéologiques, mais n'apporte aucune preuve.
Le sixième article renvoie vers Encarta qui est une encyclopédie contenant dix fois plus d'erreurs que Wikipedia, qui n'est déjà pas exempt d'erreur. Malgré tout Encarta ne réfute pas du tout l'hypothèse américaine. Encarta dit qu'il existe aussi deux autres hypothèses, mais ne fait pas le choix pour l'une plutôt que pour l'autre. Encarta dit que la syphilis aurait pu être confondue avec la lèpre. Comme je l'ai dit plus haut, cet argument ne me convainc pas du tout, car il implique un très mauvais sens de l'observation des médecins, ce qui n'était pas le cas. Ils se trompaient souvent sur les remèdes, mais très peu sur les observations.
Le dernier lien est celui que vous aviez déjà donné. C'est l'article de L.J. ANDRE. Il est ancien médecin militaire à l'institut Pasteur de Brazzaville, puis directeur à l'institut de médecine tropicale de Marseille. Il est maintenant à la retraite et fait des recherches sur le sida. Il s'est toujours intéressé à l'immunologie, d'abord pour lutter contre l'amibiase, où il a obtenu un certain succès. Puis contre le malaria, où l'immunologie est hélas de peu de secours. Puis contre le sida, où l'immunologie n'apporte pas non plus le remède souhaité.
Dans son article, il tente de promouvoir une thèse pour le moins audacieuse qui serait que les marins de Christophe Colomb n'auraient pas ramenés en Europe la syphilis, mais une chose qui causerait une défaillance du système immunitaire contre la syphilis. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Pourquoi faire appel à une chose inconnue ? Bien sûr cette hypothèse ne tient pas debout. C'est comme de dire, que les défenses immunitaires acquises par la prise d'un vaccin contre la tuberculose peuvent soudainement être totalement supprimées par une chose venant d'ailleurs. Il est vrai que les corticoïdes sont des substances qui réduisent les défenses immunitaires, mais je n'ai jamais entendu parler de micro-organismes vivants qui agiraient de même. Par ailleurs, les immunodéficiences existent de manière naturelle de tous temps pour un très faible pourcentage de la population. Les pauvres êtres immunodéprimés du moyen-âge et de l'antiquité auraient dû attraper la syphilis, ce qui n'a jamais été rapporté. L. J. André n'apporte absolument aucune preuve, juste une nouvelle hypothèse.
Excusez-moi pour cette discussion. Je suis tout prêt à vous croire. Je voudrais seulement des preuves solides.