Yongle a écrit :
Très clair. Et si l’on revenait au début de notre période ? Dites-moi si je me trompe, mais la prise de Babylone de 1595 par les hittites n’a servi qu’à mettre au pouvoir le roi du Hana et sa future dynastie Kassite.
En fait cette période n'est pas claire du tout, c'est un "angle mort" de nos connaissances, car il y a très peu de documentations. La chronologie est très mal connue, les dates qu'on donne couramment sont vraisemblablement toutes fausses, on ne sait pas comment ni en combien de temps les Kassites ont dominé toute la Babylonie. On commence à y voir clair quand ils la dominent, pour le reste il faut surtout se débrouiller avec quelques récits reconstitués par les historiographes babyloniens par la suite dont la fiabilité historique est questionnable.
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Toutefois, au Nord, se trouve le Mitanni (je crois que l’on n’est pas bien sur de savoir à quand il remonte), mais son influence s’étendait elle effectivement jusqu’à la côte ?j’ai devant mes yeux une traduction de l’inscription figurant sur la statue d’Idrimi.
En 1595 le Mitanni n'existe pas encore. Quelques années plus tard on entend parler d'un "royaume des Hourrites" dans les textes d'un roi hittite. On suppose que c'est un ancêtre du Mitanni. C'est autour de 1500, avec Barratarna qu'on voit ce royaumes dominer la Syrie du nord où les Hittites ont mis la pagaille quelques décennies plus tôt. Ils ont apparemment profiter des tensions internes qui ont affaibli ces derniers pour mettre la main sur les royaumes qu'ils avaient affaiblis, ce qui nous amène à la suite ...
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Dans cette sorte d’autobiographie qui flirte avec le méta récit(le mot est trop fort mais je n’en trouve pas d’autres sur l’instant) d’une dynastie régnante sur une cité, il explique que suite à de nombreuses tribulations il s’est fait prendre à parti par «Parrattarna, le roi puissant, le roi des Hourrites». Il a du, après avoir réussi difficilement à reprendre sa place à la tête d’Alalah, rappeler les termes d’un serment(qui alors faisait office de traité) avec le grand roi de Mitanni.
De quelle nature pense-t-on qu’était la domination du Mitanni sur ses vassaux ? Il est vrai, qu’à cette époque, un traité ne se fait pas d’État à État mais de roi à roi et qu’il fallait de renouveler à chaque succession. Était-ce le cas pour le problème d’Idrimi ? La proximité devait pourtant faciliter cette domination. À moins que cette proximité soit compensée par une réelle faiblesse du Mitanni.
Idrimi est en fait un descendant des rois d'Alep, un royaume qui avait le calibre de celui de Babylone avant d'être détruit par les Hittites avant ce dernier (comme son vassal Alalakh). L'autobiographie d'Idrimi est à lire entre les lignes. En gros il se réfugie plus au sud, monte une armée et reprend Alalakh, ancienne dépendance de ses ancêtres. Barratarna ne lui permet par de toucher à Alep, mais le laisse à sa place à condition qu'il n'en fasse pas trop, et ça a marché. Un traité de paix montre Idrimi passer un accord avec le roi du Kizzuwatna, royaume situé sur sa frontière nord et aussi vassal du Mitanni ; Barratarna y est mentionné, preuve qu'il y est sans doute pour quelque chose. Pour ce qui est des accords entre Barratarna et Idrimi, il y en a sans doute eu un, mais on ne le connaît pas. On ne sait pas non plus si leurs successeurs ont dû les renouveler. En tout cas pour les Hittites à la même époque les traités ne devaient pas être renouvelés tout le temps. En Syrie ce n'était peut-être pas pareil (avant la domination hittite), mais on ne peut pas le savoir.
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En ce qui concerne la documentation El Amarnienne et plus généralement la diplomatie Égypto asiatique, vous dites qu’elle se caractérise par une phraséologie familiale. On pourrait aussi ajouter que l’Égypte se contentait d’imposer des ennemis à ses vassaux. Il est pour eux formellement interdit de faire alliance avec un ennemi de l’Égypte. Une illustration très parlante est la lettre de pharaon à Aziru (EA 162) dans laquelle il dit clairement que s’il est reprit à fréquenter l’ennemi « alors toi, avec ta famille entière, (vous) mourrez par la hache du roi ».
Aucune de ces choses n'est caractéristique de la sphère de domination égyptienne. La métaphore familiale vient des rois syro-mésopotamiens de la période précédente (Hammurabi appelait Zimri-Lim de Mari "mon frère" quelques années avant détruire son royaume). Et les vassaux devaient obéissance à leur suzerain, et aide militaire si demandé. Évidemment la trahison implique la déchéance, peut-être la condamnation à mort.
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Alors que les plaintes répétées de Rib addi, roi de Byblos(EA74), se plaignant à pharaon des incessantes encartades de son voisin Abdi ashirta par contre laisse le roi égyptien de marbre. Ce qui montre bien que la domination égyptienne se moque bien du proverbe « les amis de mes amis sont mes amis » mais ne peut en aucun cas admettre que « les ennemis de tes amis ne soient pas tes ennemis ». C’est tout de même une domination prononcée même s’il y avait une certaine latitude du fait de la distance.Ce que, je peux me tromper, le Mitanni même si proche de Alalah ne peut assurer. Peut-on lier cette hypothèse avec les défections de certains vassaux en faveur des hittites ?
Ce qui intéresse les Égyptiens c'est la loyauté de leurs vassaux, en revanche ils ne s'amusent pas à régler tous leurs différends, d'autant plus que de leur point de vue Rid-Addi passe son temps à se plaindre pour pas grand chose. Il a été mis en évidence qu'il y avait un décalage entre les Égyptiens et leurs vassaux levantins : ces derniers attendaient plus des premiers, peut-être parce que les royaumes suzerains de Syrie et d'Anatolie avaient l'habitude d'intervenir plus. Les Égyptiens paraissent être des suzerains assez lointains. De toute manière ils avaient des garnisons et des administrateurs dans plusieurs villes du Levant, qui se chargeaient peut-être plus des problèmes entre leurs vassaux. Mais on n'a pas leur correspondance donc ce n'est qu'une hypothèse. En tout cas le Mitanni pas plus que les Hittites ne toléraient la défection des vassaux. Celle-ci ne survenait qu'en cas d'affaiblissement du grand royaume, souvent face à un autre. Ce qui explique pourquoi les petits rois devaient passer de la domination de l'un à celle de l'autre en général, sauf cas particulier comme les Assyriens.