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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 28 Fév 2013 18:04 
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Polybe
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Les peuples de l'Antiquité ne connaissaient certes pas les microbes mais ils n'étaient pas aveugles au point de ne pas voir que certaines maladies étaient contagieuses et qu'il fallait isoler les malades des bien-portants et cela même s'ils n'avaient pas d'explication rationnelle quant à la cause de la maladie.

Que l'explosion du Santorin ait joué un rôle ou non, les décennies de guerre entre Thèbes et Avaris n'ont pas dû faire du bien à l'état de santé général de la population.

C. Vandersleyen écrit qu'il n'y aucune trace d'une activité militaire ou diplomatique d'Amenhotep I en Asie. Un document récemment découvert remet-il cette affirmation en question ?

Ce qui est surprenant avec Amenhotep I, c'est le contraste entre les informations qu'on a sur ses activités au Sud et leur absence concernant le Nord.

Quant à l'Exode à proprement parler, une chose m'étonne. Pourquoi la révolte de Tétian qui a eu lieu à la fin du règne d'Ahmosis et est mentionnée dans la tombe du soldat Ahmes fils d'Abana n'est-elle jamais évoquée parmi les hypothèses possibles ? Si l'Exode correspond au départ hors d'Egypte des "débris" de l'ancienne puissance hyksos, il serait logique qu'il ait eu lieu relativement peu de temps après les chutes d'Avaris et Sharouen.

Je precise que je ne crois absolument pas aux miracles des textes anciens. La mer qui s'abat sur les Egyptiens est une allégorie que pouvait comprendre n'importe quel général de l'époque.

Sun Tzu :

"Les tactiques militaires sont comme l’eau, son cours naturel part des hauteurs vers les basses plaines."

"Pour la guerre il faut suivre le courant en évitant ce qui est fort et ce qui est faible"

"L’eau construit sa course en fonction de la nature et du terrain sur lequel elle coule. Les soldats vont vers la victoire en fonction de la situation de l’ennemie"


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 28 Fév 2013 18:24 
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Anténor a écrit :
Les peuples de l'Antiquité ne connaissaient certes pas les microbes mais ils n'étaient pas aveugles au point de ne pas voir que certaines maladies étaient contagieuses et qu'il fallait isoler les malades des bien-portants et cela même s'ils n'avaient pas d'explication rationnelle quant à la cause de la maladie.


Allez consulter les écrits des poques concernées. Ce n'est pas être aveugle que de ne pas percevoir ce qu'il a fallu plusieurs siècles pour le découvrir. On sait que certaines maladies sont contagieuses. D'autres semblent frapper au hasard : toute une famille par là, une ou deux personnes dans cette autre famille, sans qu'on arrive à comprendre cette disparité de traitement. Pourquoi un vieillard fragile ne tombe pas malade, alors qu'un adolescent en pleine possession de ses moyens succombe en quelques heures ?

Ce fut par exemple la cas pour la grippe A, il y a 2 ans. Des jeunes hommes et jeunes femmes en bonne santé ont succombé en quelques jours dans des hôpitaux ultra-modernes. Les vieux de plus de 60 ans qui avaient déjà été en contact avec d'autres virus grippaux de souches voisines n'ont rien eu. Nos savants ont pu nous l'expliquer. Maintenant, faites l'effort de vous projeter il y a 4 000 ans et essayer de vous mettre à la place des gens de l'époque. C'est cela faire de l'histoire, comprendre comment les gens de l'époque, avec leurs savoirs et leur culture pouvaient vivre des évènements. Pas plaquer à nos anciens des schémas de pensée moderne influencés par les dernières découvertes scientifiques.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 01 Mars 2013 12:04 
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Aménophis I : il s'agit d'une vieille querelle née de la biographie d'Ahmès-Pennekhebet, officier qui vécut de la fin du règne d'Ahmès II jusqu'à celui d'Hatshepsout. Il signale son premier fait d'armes en Phénicie mais ne mentionne pas sous quel roi il se produit. La querelle semble éteinte depuis car un consensus a rabaissé la date d'accession au trône d'Aménophis I en considérant que le lever héliaque de Sirius connu sous ce roi avait été observé à Thèbes et non à Memphis (20 ans de différence). Cette campagne phénicienne est maintenant considérée comme s'étant produite tout à la fin du règne d'Ahmès II mais rien n'est sûr car l'avancée rapide de Thoutmès I jusqu'à l'Euphrate s'explique mal sans une "préparation du terrain" par son prédécesseur.
Aménophis I a construit dans le Sinaï, à Sérabit el-Khadim (Dessoudeix, Chronique de l'Égypte ancienne, p. 256). Il serait étonnant qu'il n'ait rien fait en Basse-Égypte. Mais il est vrai qu'il semble avoir délaissé (comme d'ailleurs Ahmès II) cette partie du pays pour se consacrer davantage à Thèbes. Ce qui expliquerait en partie l'affirmation d'Hatshepsout au Speos Artemidos.

Tétiânkh : ceci indique bien qu'il a dû exister des poches de résistance hyksôs ou pro-hyksôs sous le règne d'Ahmès II. Ceci appuierait éventuellement la véracité de la mention de Josèphe qui signale que, d'après Manéthon, le fils du premier pharaon de la XVIIIe dynastie leur aurait accordé un sauf-conduit pour qu'ils "débarrassassent le plancher".

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Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 02 Mars 2013 9:03 
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Je reviens sur Tétiân (mal orthographiè Tétiânkh ds la précipitation) : la chute de ce personnage se situe sous Kamès, un an ou deux avant le début du règne d'Ahmès II, encore enfant. On me fait remarquer ailleurs — et c'est très pertinent — que les titres portés par la probable sœur du roi, Ahmès Satamon, semblent indiquer qu'Ahmès II se serait marié assez tard avec Ahmès Néfertari et donc qu'Aménophis Ier aurait pu, lui aussi, monter sur le trône encore enfant à la mort de son père. (ce qui impliquerait une co-régence.dont on a retrouvé aucune trace). Cela amènerai imaginer une poche de résistance hyksôs bien plus tard qu'il ne semble logique, puisque c'est seulement à un âge proche de l'âge adulte qu'Aménophis aurait pu leur accorder un sauf-conduit. Peut-être y aurait-il lieu de reconsidérer la relative confiance accordée à Josèphe sur ce point, que je basais sur l'absence de destructions et de traces de combats, et la maigreur des rares butins mentionnés.

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Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 02 Mars 2013 23:26 
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Allez consulter les écrits des poques concernées.


Je me méfie autant de ces écrits que de la Bible. Les gens lettrés gravitaient autour des cercles du pouvoir et leur liberté d'expression demeurait très limitée. L'Egypte et Israel étaient des dictatures théocratiques. Attribuer les maladies en général et certaines épidémies en particulier à la colère des dieux était un bon moyen pour le clergé d'assurer sa mainmise sur ses brebis.

La religion publique est une chose. Mais ils devaient également circuler dans le peuple tout un tas de superstitions à côté desquelles le culte d'Amon-Ré passerait presque pour progressiste. A l'inverse, je ne peux m'empêcher de penser qu'il existait aussi des opinions beaucoup plus rationnelles et scientifiques. Les pyramides en sont le meilleur exemple. Si la raison de leur construction peut sembler irrationnelle, il n'empêche qu'il fallait de sacrées connaissances scientifiques pour les réaliser. La science était au service de la religion.


Citer :
Je reviens sur Tétiân (mal orthographiè Tétiânkh ds la précipitation) : la chute de ce personnage se situe sous Kamès, un an ou deux avant le début du règne d'Ahmès II, encore enfant.


Vous parlez des menaces de Kames qui veut chasser de la ville de Néférousy "Téti, fils de Pepi" qui en a fait un repère d'"aamou" ?


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 03 Mars 2013 10:55 
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Bien vu la confusion : Téti fils de Pépi sous Kamès, à Néférousy.
Alors que Tétiân se situe en Nubie, sous Ahmès II.
Mea culpa : ça m'apprendra à vouloir répondre à plusieurs messages à la fois ; du coup, on perd le fil de la discussion et on se mélange les pinceaux (ou plutôt les calames).
Cela ne change rien au fait qu'il soit peu probable (mais pas impossible) qu'il ait encore existé des poches de résistance hyksôs en Basse-Égypte sous Amenhotep Ier. Cette mention chez Josèphe reste toutefois "intrigante" mais il est possible qu'elle soit basée sur des légendes qui avaient cours du temps de Manéthon que "on" ait voulu relier le fils du premier roi de la XVIIIe dynastie à cet Aménophis qui avait enfermé les "Impurs" dans des carrières...

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Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 04 Mars 2013 21:49 
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Ceux qui ont vu le film « Les Dix Commandements » ont certainement gardé en mémoire l'épisode brutal et solennel où la mer s'ouvre en deux pour laisser passer les Hébreux, conduits par Charlton Heston, avant que de se refermer brutalement sur l'armée du méchant Yul Brynner. Ce qu'on ignore en général c'est que trois versions différentes de cet épisode sont étroitement imbri­quées dans le texte biblique. Selon les notes de la Bible de Jérusalem, « l'ensemble du récit est complexe. La tradition [israélite], probablement fort semblable à la tradition [judéenne], n'y a laissé que peu de traces. Dans le reste, il y a la trace de deux traditions [une autre tradition judéenne et une sacerdotale] conser­vées de manière substantielle mais certains éléments ont pu être ajoutés par des rédacteurs ».
Ces trois versions couvrent une partie du chapitre 13 et le chapitre 14 de l'Exode. Pour faire ressortir leur imbrication, il me faut retranscrire le texte dans sa quasi intégralité. Le récit le plus ancien sera en rouge, le deuxième en bleu et le troisième en vert. On trouvera également une phrase en rouge gras, fossile d'un récit encore plus ancien. Il faut lire chacun de ces trois textes selon sa couleur, sans tenir compte des deux autres.

Exode 13,
18 b. Les enfants d'Israël montèrent en armes hors du pays d'Égypte.
19. […]
20. Ils partirent de Succoth et ils campèrent à Étham, à l'extrémité du désert.
21. Yahvé allait devant eux, le jour dans une colonne de nuée pour les guider dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu'ils marchassent jour et nuit.
22. La colonne de nuée ne se retirait point de devant le peuple pendant le jour, ni la colonne de feu pendant la nuit.

Exode 14
1. Yahvé parla à Moïse et dit :
2. Parle aux enfants d'Israël. Qu'ils se détournent et qu'ils campent devant Pi Hahiroth, entre Migdol et la mer, vis-à-vis de Baal Tsephon ; c'est en face de ce lieu que vous camperez, près de la mer.
3. Pharaon dira des enfants d'Israël : Ils sont égarés dans le pays ; le désert les enferme.
4. J'endurcirai le cœur de Pharaon, et il les poursuivra. Pharaon et toute son armée serviront à faire éclater ma gloire, et les Égyptiens sauront que je suis Yahvé. […]
5. On annonça au roi d'Égypte que le peuple avait pris la fuite. Alors le cœur de Pharaon et celui de ses serviteurs furent changés à l'égard du peuple. Ils dirent : Qu'avons-nous fait en laissant aller Israël, dont nous n'aurons plus les services ?
6. Et Pharaon attela son char et il prit son peuple avec lui.
7. Il prit six cent chars d'élite et tous les chars de l'Égypte ; il y avait sur tous des combattants.
8. Yahvé endurcit le cœur de Pharaon, roi d'Égypte, et Pharaon poursuivit les enfants d'Israël. Les enfants d'Israël étaient sortis la main levée.
9. Les Égyptiens les poursuivirent; et tous les chevaux, les chars de Pharaon, ses cavaliers et son armée, les atteignirent campés près de la mer, vers Pi Hahiroth, vis-à-vis de Baal Tsephon.
10. Pharaon approchait. Les enfants d'Israël levèrent les yeux, et voici, les Égyptiens étaient en marche derrière eux. Et les enfants d'Israël eurent une grande frayeur et crièrent à Yahvé.
11. Ils dirent à Moïse : N'y avait-il pas des sépulcres en Égypte, sans qu'il fût besoin de nous mener mourir au désert ? Que nous as-tu fait en nous faisant sortir d'Égypte ?
12. N'est-ce pas là ce que nous te disions en Égypte : Laisse-nous servir les Égyptiens car nous aimons mieux servir les Égyptiens que de mourir au désert ?
13. Moïse répondit au peuple : Ne craignez rien, restez en place et regardez la délivrance que Yahvé va vous accorder en ce jour ; car les Égyptiens que vous voyez aujourd'hui, vous ne les verrez plus jamais.
14. Yahvé combattra pour vous ; et vous, gardez le silence.
15. Yahvé dit à Moïse : Pourquoi ces cris ? Parle aux enfants d'Israël, et qu'ils marchent.
16. Toi, lève ta verge, étends ta main sur la mer et fends-la ; et les enfants d'Israël entreront au milieu de la mer à sec.
17. Et moi, je vais endurcir le cœur des Égyptiens pour qu'ils y entrent après eux. Et Pharaon et toute son armée, ses chars et ses cavaliers, feront éclater ma gloire.
18. Et les Égyptiens sauront que je suis Yahvé, quand Pharaon, ses chars et ses cavaliers, auront fait éclater ma gloire.
19. L'ange d'Élohim qui allait devant le camp d'Israël partit et alla derrière eux. Et la colonne de nuée qui les précédait partit et se tint derrière eux.
20. Elle se plaça entre le camp des Égyptiens et le camp d'Israël. Cette nuée était ténébreuse d'un côté, et de l'autre elle éclairait la nuit. Et les deux camps n'approchèrent point l'un de l'autre pendant toute la nuit.
21. Moïse étendit sa main sur la mer. Et Yahvé refoula la mer par un vent d'orient qui souffla avec impétuosité toute la nuit. Il mit la mer à sec et les eaux se fendirent.
22. Les enfants d'Israël entrèrent au milieu de la mer à sec, et les eaux formaient comme une muraille à leur droite et à leur gauche.
23. Les Égyptiens les poursuivirent ; et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, entrèrent après eux au milieu de la mer.
24. A la veille du matin, Yahvé, de la colonne de feu et de nuée, regarda le camp des Égyptiens et mit en désordre le camp des Égyptiens.
25. Il [fit quelque chose aux] roues de leurs chariots et en rendit la marche difficile. Les Égyptiens dirent alors : Fuyons devant Israël, car Yahvé combat pour lui contre les Égyptiens.
26. Yahvé dit à Moïse : Étends ta main sur la mer et les eaux reviendront sur les Égyptiens, sur leurs chars et sur leurs cavaliers.
27. Moïse étendit sa main sur la mer. Vers le matin, la mer reprit son impétuosité. Les Égyptiens s'enfuirent à son approche mais Yahvé précipita les Égyptiens au milieu de la mer.
28. Les eaux revinrent et couvrirent les chars, les cavaliers et toute l'armée de Pharaon qui étaient entrés dans la mer après les enfants d'Israël. Et il n'en échappa pas un seul.
29. […]
30. En ce jour, Yahvé délivra Israël de la main des Égyptiens; et Israël vit sur le rivage de la mer les Égyptiens qui étaient morts.
31. Israël vit la main puissante que Yahvé avait dirigée contre les Égyptiens. Et le peuple craignit Yahvé, et il crut en Yahvé et en Moïse, son serviteur.

Dans le plus ancien, la mer ne joue aucun rôle. Ce récit met en scène un « ange d'Élohim » qui se contente d'empêcher Pharaon et ses chars de rejoindre les Hébreux. La dernière phrase (en rouge gras), semble n'appartenir à aucune des trois sources évoquées. Elle paraît encore plus ancienne. Alors que jusqu'ici, il avait été question de « chars » (rekeb, en principe un char à deux roues, tiré par des chevaux) elle mentionne l'immobilisation de « chariots » (merkaba, terme désignant un engin plus fruste, à quatre roues et tiré par des bœufs ou des ânes). On ignore également ce que fit exactement l'ange d'Elohim aux roues des chariots égyptiens: le verbe sour retranscrit peut-être une autre expression mal comprise par le copiste. La Segond l'a traduit par « ôter » et la Bible de Jérusalem par « enrayer » mais sour signifie aussi « mettre à part, détourner, éloigner, écarter, séparer, détacher, déposséder, supprimer, mettre à l'écart... » Quoi qu'il en soit, ce premier récit s'arrête sur une explication naturelle (considérée comme un miracle) rendant la conduite des « chariots » égyptiens aléatoire. Sans doute s'agit-il d'un début d’ensablement. On observera en outre que ce récit ignore l'existence Moïse. Mais ce qui est le plus important à noter, c'est qu'il est le seul à mettre en scène Pharaon en personne se lançant à la poursuite des Hébreux. On observera également qu'aucun Égyptien n'est tué à cette occasion.

La deuxième version, de tradition judéenne, passe de l'ensablement à la submersion. Elle met en scène Yahvé (et non plus l'ange d'Élohim) s'interpo­sant toute la nuit entre l'ar­mée du pharaon et les Hébreux, puis refoulant la mer par un fort vent d'est, avant que de la faire se jeter au matin sur le camp Égyptien. Dans cette version, la colonne de nuée, devenue lumineuse, aveugle les poursuivants et les empêche de s'apercevoir que la mer est en train de se retirer sous l'effet d'un « vent d'orient ». Au matin, le vent tombe, la mer reprend sa place et l'armée égyptienne boit la tasse. On notera qu’ici, Moïse est présent mais qu'il n'est pas fait mention du pha­raon parmi les poursuivants. On notera aussi que le dieu Baal Tsephon, devant le sanctuaire duquel se produit le miracle, est justement un dieu marin du vent. Peut-être faut-il voir dans ce récit l'adaptation d'une légende populaire locale plus ancienne.

Venons en enfin à la dernière version, la version sacerdotale. Elle ampli­fie l'événe­ment encore davantage. Elle fait s'ouvrir la mer en deux, y créant un chemin permettant aux Hébreux de traverser à pied sec. Les eaux s'ouvrent sur un geste de Moïse (et non par un vent de Yahvé), puis se referment brutalement sur l'armée égyptienne lancée à la pour­suite des fuyards. Ici aussi, Pharaon est absent de l'épisode. La mention « Pharaon et toute son armée, ses chars et ses cava­liers feront éclater ma gloire » est une formule de victoire anticipée sur l'Égypte pharaonique ; elle n'induit nullement la présence du roi dans le récit.

La noyade du pharaon dans la mer n'est rien d'autre qu'une idée reçue. Le Livre de l'Exode ne dit nulle part que le pharaon ait péri dans les flots. Lorsque dans les deux dernières versions du miracle de la mer, le texte relate qu'Israël « vit sur le rivage de la mer les Égyptiens qui étaient morts » ou que « il n'en échappa pas un seul », le pharaon, absent de ces moutures du récit, ne peut figurer parmi les morts. Dans la seule version où le roi en personne se lance avec son armée à la poursuite des Hébreux, il n'y a pas de miracle lié à la mer, l'ange d'Elohim s'étant contenté de « freiner » les roues des chars poursuivants, sans d’ailleurs faire périr aucun Égyptien. Il était donc vain de chercher à savoir, comme on l'a fait, si Ahmès II, Ramsès II, Mérenp­tah, Séthi II ou Siptah avaient péri noyés.

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Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 04 Mars 2013 23:37 
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Polybe
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Pourriez-vous nous expliquer plus précisément comment a été défini ce découpage du texte biblique ? Difficile de se faire une opinion sans davantage d'explications.

Citer :
Alors que Tétiân se situe en Nubie, sous Ahmès II


Il y a bien eu un Téti gouverneur de Nubie à cette époque (Vandersleyen le place sous Kames) mais le Tétian sur lequel je m'interroge est celui mentionné dans la tombe du soldat Ahmes fils d'Abana. Le récit racontant la vie de ce soldat place la révolte de Tétian tout à la fin du règne du pharaon que vous appelez Ahmès II après les prises d'Avaris et de Sharouen (A quel moment placez-vous le règne d'Ahmès I ?).

C. Vandersleyen émet même l'hypothèse que le pharaon Ahmès (II) a trouvé la mort lors de cette révolte étant donné qu'on n'entend ensuite plus parler de lui dans ce récit et qu'on passe directement au règne d'Amenhotep I. Il se demande aussi si tous ces Téti ne formeraient pas une lignée.

Ce Tétian m'intéresse également par le fait que dans le Contre-Apion, Josèphe fait dire à Chaeremon que Moïse était appelé Tisithen par les Egyptiens. Il y a une certaine ressemblance entre les deux noms.

La destruction de Jéricho est datée au C14 des environs de -1525. Si le récit de l'Exode a un fond historique, il ne peut donc être ultérieur à Amenhotep I. Ce qui renforce mes soupçons sur la révolte de Tétian.


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 05 Mars 2013 10:42 
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Anténor a écrit :
comment a été défini ce découpage du texte biblique ?

Vous vous doutez bien que je n'ai pas inventé ce découpage. Il est connu depuis des siècles. En 1753, Jean Astruc, dans « Conjectures sur les mémoires originaux dont il paroît que Moÿse s’est servi pour composer le livre de la Genèse » avait déjà repéré deux de ces versions. J'ai préféré m'appuyer ici sur la Bible de Jérusalem dont les auteurs (Révérends Pères, Chanoines et autres Monseigneurs) sont tous fidéistes, donc peu suspects de raconter des carabistouilles sur leur Livre sacré.
Ce découpage se base, outre sur le vocabulaire, sur les temps employés et sur les répétitions de termes particuliers ou caractéristiques d'une époque. Mais il n'y même pas besoin de lire l'hébreu. On voit très bien que certains morceaux du texte ne correspondent pas entre eux : la fin de 14, 10 et le début de 14, 11 : ils crièrent vers Yahvé mais il dirent à Moïse... Ce qu'ils crièrent à Yahvé n'est repris qu'en 14, 15.
De 14, 21 à 14, 23, Moïse lève son bâton, la mer se fend, les Hébreux passent entre les murailles liquide et les Égyptiens aussi. Au verset suivant on revient au récit de la fuite nocturne puisque Yahvé, au matin, regarda le camp des Égyptiens. Or les Égyptiens sont censés être au milieu de la mer en train de poursuivre les Hébreux. En 14, 27 Yahvé précipite les Égyptiens au milieu de la mer ; en 28, ce sont les eaux qui se rabattent sur les Égyptiens par ce que Moïse à baissé son bâton...
On trouve le détail de ce découpage dans les notes de l'édition 1998 de la BJ, p. 122, note c et 123, notes a et b.
Anténor a écrit :
A quel moment placez-vous le règne d'Ahmès I ?

Voir mon post du 20 février à 12h13. Ahmès I est Sénakhtenré, le probable père de Séqénenré Taâ.
Anténor a écrit :
C. Vandersleyen [...] se demande aussi si tous ces Téti ne formeraient pas une lignée.

Vandersleyen envisage juste une relation entre le Téti fils de Minhotep (condamné par le Décret de Coptos d'Antef VII) et le Téti fils de Pépi (adversaire de Kamès). Je ne pense pas qu'il fasse la relation avec Tétiân qui vit à 600 km de là en Haute-Égypte.
Anténor a écrit :
Josèphe fait dire à Chaeremon que Moïse était appelé Tisithen

Après avoir cité Chærémon, Josèphe dit qu'il s'est trompé, puis, juste après, le traite de menteur et de falsificateur. Désolé mais je ne rentre pas dans ces discussions sur Tisithen, Peteseph, Osarseph, Alpha et toute la smallah.

Enfin pour ce qui est de l'exode, seule la tradition de l'expulsion tient debout historiquement et m'intéresse. La tradition de la fuite est beaucoup trop empreinte de surnaturel que pour n'avoir pas été inventée. On peut en discuter du point de vue philologique ou théologique mais pas du point de vue historique.

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Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 05 Mars 2013 12:20 
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Jules Michelet
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Didoumès a écrit :
Enfin pour ce qui est de l'exode, seule la tradition de l'expulsion tient debout historiquement et m'intéresse. La tradition de la fuite est beaucoup trop empreinte de surnaturel que pour n'avoir pas été inventée. On peut en discuter du point de vue philologique ou théologique mais pas du point de vue historique.


Les aspects surnaturels ne suffisent pas à valider ou invalider le fonds historique d'un texte. Il y a de bien meilleurs arguments pour faire des récits sur la vie de Moïse des récits peu fiables historiquement parlant :
* d'abord le fait que les récits en question soient très tardifs, sans doute de l'époque exilique ou post exilique ;
* les liens établis entre le récit biblique et les textes égyptiens de la fin du Nouvel Empire sont extrêmement limités, et tous les candidats potentiels pour être identifiés à Moïse n'ont dans les sources disponibles que très peu de ressemblances avec le personnage biblique ;
* tous les éléments topographiques renvoient à la situation du Ier millénaire av. J.-C., donc l'époque de rédaction des textes, et non à l'époque supposée des faits, celle du Nouvel Empire, qui n'est qu'une reconstruction des historiens de la vieille école (le texte biblique ne donnant aucun horizon temporel) ; du reste, la description du trajet des Hébreux n'est pas très précise ;
* rien du côté de l'archéologie non plus pour appuyer l'historicité du récit.

Reste le fait qu'on a toujours du mal à imaginer qu'une telle histoire ait été inventée de toutes pièces. Donc on suppose qu'il y a bien à l'origine une bande de fuyards menée par un leader charismatique. Mais là encore on est face à une situation où la place de la croyance influence l'analyse : honnêtement, dans n'importe quel autre contexte un tel récit appuyé par aussi peu de traces historiques serait renvoyé au rang de fable et étudié plus pour ce qu'il nous apprend de ses rédacteurs que sur la supposée "vraie vie" des personnages qu'il met en scène (cf. par exemple les récits sur les Trois Augustes et les Cinq Empereurs en Chine).


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 05 Mars 2013 13:22 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Didoumès a écrit :
En 1753, Jean Astruc, dans « Conjectures sur les mémoires originaux dont il paroît que Moÿse s’est servi pour composer le livre de la Genèse » avait déjà repéré deux de ces versions.

Effectivement Jean Astruc … après Richard Simon (1678) voire Jean Le Clerc … est un précurseur de ce qui deviendra la « théorie documentaire » (quatre sources, et non trois, sont identifiées) … mais nous restons toujours à l’INTERIEUR de la Bible … et/ou la bible expliquée par elle-même c’est à se mordre la queue.

Aussi expliquer, notamment ce qui est supposé avoir une historicité, la Bible par elle-même … ne sert, de nos jours, plus à rien sauf à « noyer le poisson » … car quand bien même on puisse déceler, via notamment Elohim et Yahwé, des « couches » d’auteurs différents … cela relève, en grande majorité, plus de « l’astuce » des auteurs saints que d’une qcqconque existence d’« histoires » différentes sur un même sujet.

Ne pas oublier que cette fameuse « théorie » est antérieure aux découvertes archéologiques … notamment les tablettes Mésopotamiennes … un mythe fondateur restera un mythe qcq soit la façon de le raconter.


Cordialement, Epsilon


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 05 Mars 2013 14:51 
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Je ne perds absolument pas de vue, ni ce que soulève Zunkir, ni ce que soulève Epsilon, et qui est exact. On ne peut cependant nier qu'il y a bien en Ex 13 et 14 trois "miracles de la mer" différents contés à la queue leu leu. Pour moi, il ne s'agit pas "d'astuce" des rédacteurs mais simplement du fait que ceux-ci ne se sont pas autorisés à effacer la prose de leur(s) prédécesseur(s) parce qu'il la tenaient pour sacrée. On a le même cas avec les généalogies post-adamiques et le récit du Déluge.

Quant au merveilleux contenu dans les traditions de l'exode-fuite, il peut s'expliquer par le fait qu'à partir de 1150, aux populations primitives d'Israël et de Juda, essentiellement constituées de Cananéens des basses terres, vinrent s'ajouter sporadiquement des tribus semi-nomades et des groupes étrangers qui tous possé­daient certainement des traditions liées à leurs errances personnelles. C'est peut-être ce faisceau d'itinéraires, parfois contradictoires, que les rédacteurs post-exilique ont voulu réunir en un seul parcours, sans se soucier des anachronismes et autres incohérences révélés par l’enchaînement des étapes. L'amalgame tardif de toute ces légendes induit que le texte actuel pourrait regrouper, par exemple, plusieurs montagnes divines résumées sous les appellations de Sinaï et d'Ho­reb. Et Dieu sait — c'est le cas de le dire — si elles sont nombreuses dans la région à avoir fait l'objet d'un culte rendu à la divinité censée résider à leur sommet. Il semble maintenant avéré qu'un travail postérieur de compilation a tenté de réunir le tout en une seule épopée afin de donner à l'événement fondateur de la communauté juive le contexte historique et topographique qui lui manquait.

La tradition de l'exode-expulsion donne tout de même' un itinéraire logique (même si les appellations toponymiques relèvent de ce qu'elles étaient au Ve siècle) qui semble bien partir de l'ouadi el-Toumilat pour se diriger vers le nord et la "Route d'Horus", au moins jusqu'au lac Sirbonis.

Il est certain que Moïse ne peut être relié à aucun personnage historique. Pour ma part, je considère que, s'il a existé, il n'est en rien mêlé à l'Exode mais, éventuellement, à la période de la formation de la confédération israélite... dont on ignore à peu près tout.

_________________
Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 05 Mars 2013 17:45 
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Jules Michelet
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Didoumès a écrit :
La tradition de l'exode-expulsion donne tout de même' un itinéraire logique (même si les appellations toponymiques relèvent de ce qu'elles étaient au Ve siècle) qui semble bien partir de l'ouadi el-Toumilat pour se diriger vers le nord et la "Route d'Horus", au moins jusqu'au lac Sirbonis.


Ce qu'un lettré du Levant Sud de n'importe quelle époque historique est capable de décrire, vu que les relations avec l’Égypte sont importantes depuis au moins deux millénaires. Mais quand ledit lettré va prendre des repères géographiques des VIIIe-VIIe siècles av. J.-C. au plus tôt, ça enlève de la crédibilité à l'historicité du récit de l'Exode, même si ça ne suffit évidemment pas pour nier l'existence de Moïse (cf. les récits médiévaux sur Alexandre le Grand).


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 05 Mars 2013 19:17 
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Plutarque
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Je ne comprends pas très bien cette allusion à « des repères géographiques des VIIIe-VIIe siècles av. J.-C. au plus tôt », à moins que vous ne parliez des possibles récits initiaux.
Il semble bien que le scribe initial transcrive, sous la XXVIe dynastie (vers 600), des bribes de récits datant du siècle précédent. (Vers 750, Amos et Osée ne semblent pas connaître le nom de Moïse puisqu'ils l'appellent « un prophète » sans autre précision, semblant déjà se référer à une tradition qui n'est plus l'originelle.) Après l'Exil (disons après 538), l'ensemble est remis en forme, sans doute sous Esdras, par des gens nés en Babylonie qui, ne connaissant rien à la géographie égyptienne, reprennent les toponymes cités par le scribe du VIIe siècle. Ces toponymes, bien sûr, ne correspondent plus à ceux de l'époque à laquelle le récit est censé se dérouler. (On le voit avec Ramsès confondue avec Avaris.) Ceci n'empêche pas de tenter de les identifier.

Trois routes ont toujours relié l'Égypte à l'Asie.
- La première partait de Memphis et, passant par la région de l'actuelle ville de Suez, rejoignait Aqaba en traversant le désert du Sinaï. Elle reçut plus tard le nom arabe de darb el-Hagg, « route du Pèleri­nage », car elle se prolongeait jusqu’à Médine et La Mecque via les pistes caravanières.
- La deuxième longeait l'ouadi el-Toumilât et, passant au nord du Sinaï, obli­quait ensuite vers le Néguev.
- La troisième partait de Péluse, longeait la Méditerranée, passait devant le lac Sir­bonis, traversait la frontière constituée par l'ouadi el-Arish et rejoi­gnait Gaza. C'était la route la plus com­mune, la plus courte et la plus riche en points d'eau. Les Égyp­tiens l'appelaient la route d'Horus. Les Romains la rebaptise­ront via maris, « route de la mer ».

Ils partirent de Soukkoth et ils campèrent à Étham, nous dit le texte reçu. Ensuite, ils se déplacent et s'arrêtent devant Pi-Hakhiroth, entre Migdol et la mer, vis-à-vis de Baal Tsephon. » (Je cite de mémoire car je ne suis pas dans mon bureau mais dans la cuisine, sur un portable, pendant que ma femme et une copine s'affairent à nous préparer de quoi aggraver notre taux de cholestérol.)

- Pithom devrait correspondre au Per-Atoum, « Maison d'Atoum », des inscrip­tions du Nouvel Empire (actuelles Tell el-Maskouta et/ou Tell el-Retaba). Cette mention pourrait être une ajoute ultérieure car le lieu ne devint vraiment une ville qu'au VIIe siècle. On sait cependant que les lieux furent brièvement occupés, jus­tement vers 1550.
- Pour Etham, je n'ai pas de repère en tête. 
- Soukkoth (« cabanes, tentes ») serait à rattacher à l'an­tique Tjekou dans le delta oriental.. Dans le P. Anastasi IV (rapport du garde-frontière de la forteresse de Mérenptah) Tjekou est associée à Per-Atoum/Pithom ; les deux lieux devaient être voisins.
- Pi-Hakhiroth peut signifier, « Bouche des canaux » (de peh, « bouche », et yeor, « canal »), ou « Bouche des roselières » (de peh, « bouche », et akhou, qui signifie à la fois « praire » et « roseau »). Ces toponymes nous renverraient vers le nord, à l’endroit où les eaux de la branche pélusiaque du Nil (ou d'un canal artificiel creusé à partir de cette branche) se déversaient dans une lagune ou dans un lac, peut-être le lac Ballah et sa région, en égyptien pa tjoufy.
- Migdol, mot hébreu entré dans le vocabulaire égyptien, signi­fie, « tour, fortin ». Les prophètes Jérémie et Ézéchiel loca­lisent ce site dans le nord.
- Baal-Tsephon est le nom d’un dieu syrien protecteur des marins. Il est attesté à Ugarit sous le nom de Baal Tspn, en Israël (Baal Tsa­phon) et en Égypte (Br Djpn). Deux sanctuaires lui étaient encore attribués en Égypte à l’époque hellénistique, où il était connu sous le nom de Zeus Kasios. L'un était situé dans le delta (je ne sais plus où), l'autre, à environ 15 km à l’est de Péluse, près de l'extrémité occidentale du lac Sirbonis (actuelle Mahemdiah). À l’époque romaine, Zeus Kasios, devenu Jupiter Casius, semble avoir été identifié à l’Horus de Péluse. La ques­tion de l'existence, au tout début du Nouvel Empire, d'un temple de Baal Saphon à cet endroit est toujours débattue. L'hypothèse n'a cependant rien d'invraisemblable, sachant qu'une partie de la populat­ion hyksôs était composée de marins. De toute façon, le scribe, qui ignore les toponymes du Nouvel Empire, cherche, comme je viens de le dire, à situer son récit parmi ceux de l'époque où il écrit ; on l'a vu avec Avaris confondue avec Pi-Ramsès. Ce baal du Saphon fut certainement révéré par les Hébreux, sinon ceux-ci n'auraient pas été mis en scène campant devant son sanctuaire, comme pour se placer sous sa protection.

C’est ici que la mer est mentionnée pour la première fois dans l’itinéraire initial. À deux reprises le scribe la désigne par le terme yam, sans autre précision. Or yam non suivi d'un déterminatif représentait pour les Hébreux et les Cananéens la mer baignant leur territoire, c'est-à-dire la Méditerranée, appelée aussi yam ha gadol, « la Grande mer ». Les transcripteurs tardifs, s’appuyant peut-être sur une tradi­tion parallèle, l’ont nommée yam souph, traduit par « mer du roseau ». Or les végétaux traduits par « roseaux »  devaient être des papyrus si, comme on le croit, l'hébreu souph provient de l'égyptien tjouf, « papyrus » (« Roseau » en hébreu se dit agmôn, akhou ou qaneh mais pas souph.), De toute façon, ces plantes (roseaux ou papyrus) ne croissent qu'en eaux douces et seule la région du delta en possédait, notamment, à l'est, les environs du lac Ballah, nommés par les Égyptiens pa tjoufy, « région du papyrus ». Il faut savoir également que yam, en tant que nom commun, peut désigner toute étendue d'eau importante comme une mer mais aussi un lac (ainsi le lac de Tibériade, dans le nord d’Israël, était-il appelé yam kinne­reth, « mer en forme de lyre »). Yam souph peut donc s'appliquer au lac Ballah ou à un lac voisin. Hélas, la topographie de la région des lacs orientaux a été profondé­ment bouleversée, d'abord par l'avancée des terres du delta dans la Méditer­ranée depuis l'Anti­quité, et ensuite, dans la seconde moitié de notre XIXe siècle, par le percement du canal de Suez, ce qui rend délicate l'identification des toponymes bibliques.

Je n'affirme rien mais veut simplement montrer que l'itinéraire de la tradition de l'exode-expulsion n'est pas si « vague » qu'on le dit souvent.

Même si, effectivement, rien n'est sûr.

_________________
Roger


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 Sujet du message : Re: Moise et l'histoire
Message Publié : 05 Mars 2013 19:40 
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Jules Michelet
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En fait je ne soulignais pas le manque de clarté du trajet dans le récit. J'insistais seulement sur le fait qu'il reflète un état qui remonte au plus tôt au VIIIe siècle av. J.-C., plus probablement aux VIe-Ve siècles av. J.-C. Ensuite si le récit du trajet n'est pas toujours clair, c'est probablement parce qu'il mêle plusieurs traditions (ce que vous avez déjà souligné plus haut si je ne me trompe) et que ceux qui les ont "édité" ne connaissaient pas bien la topographie des régions décrites puisqu'ils vivaient en Babylonie ou en venaient, comme vous le dites (ce qui n'est pas forcément le cas de ceux qui ont conçu les récits plus anciens).


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