Le dieu Mithra
Mais le culte mystérique le plus important à la fin du monde romain fut celui de Mithra. Ernest Renan a même affirmé que «si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaque ».
Le développement du culte mithriaque
Mithra (l'ami) en sanscrit est un dieu indo-iranien qui apparaît dans les Veda accouplé à Varuna (avec lequel il forme l'élément lumineux et bienveillant d'une paire antithétique ) comme étant le dieu des contrats et de la solidarité. Si son rôle est demeuré secondaire en Inde, où son culte ainsi que celui de son frère Varuna déclinèrent très vite, il n'en fut pas de même en Perse, où il prit une importance croissante et où il fut l'objet d'un culte très populaire. Dans la Perse ancienne, Mithra est associé à Ahura-Mazdâ comme protecteur des souverains achéménides. Les rois du Pont et certains monarques parthes se placèrent sous son invocation : c'est la série célèbre des Mithridate. La première indication de mystères impliquant Mithra se trouve chez Plutarque, qui évoque les sacrifices pratiqués par les pirates siciliens vaincus par Pompée. Mais, plus de trente ans auparavant, le roi d'Arménie Tiridate avait salué Néron du nom de Mithra, et Pline l'Ancien affirme qu'il aurait initié l'empereur à certaines pratiques magiques qui s'exerçaient au cours d'un «repas des mages ». La première référence littéraire aux mystères de Mithra est donnée par Stace, au premier chant de sa Thébaïde : dans un «antre persique », Mithra triomphe d'un taureau.
Le culte de Mithra se développera cependant en marge des reconnaissances officielles : Commode sera le premier empereur à être véritablement initié, et seuls Dioclétien et les tétrarques, en 305, revendiqueront du dieu un appui qui sera sans lendemain.
À la même époque, le mithriacisme se répandit en Égypte, puis en Italie où il fut apporté par les légions romaines et d'où il passa en Gaule, en Germanie et en Espagne, dans les ports et aux frontières de l'Empire, officiers de légion et fonctionnaires célèbrent le deus invictus, le «dieu invaincu ». À Rome, le temple de Mithra était creusé sous le mont Capitolin, les mystères mithriaques se célébrant dans une caverne, à proximité d'une source.
Il tint tête au christianisme jusqu'au IVe siècle, époque à laquelle il se heurta aux persécutions de l'empereur Théodose, dont un édit, en 391, interdit le culte païen et les sacrifices sous peine de mort. L'empereur Julien, par contre, fut un adorateur de Mithra.
La représentation de Mithra
Le culte de Mithra est bien connu par les représentations sculptées et peintes qui subsistent, mais la doctrine ne nous est accessible qu'à travers quelques allusions des philosophes et des écrivains antiques, grecs et latins, et les critiques des apologistes chrétiens.
Les stèles, les céramiques, les monnaies conservées montrent le dieu sous l'aspect d'un jeune homme, en costume perse (pantalon et bonnet phrygien ), plantant un large couteau dans l'épaule d'un taureau sur l'échine duquel il pèse avec son genou gauche. Cette image de la tauroctonie est visible dans chaque mithraeum, local en partie enterré et qui constitue une sorte de salle à manger collective, dans laquelle les initiés renouvelaient le repas primitif pris par Mithra et le Soleil sur la peau du taureau sacrifié.
Le culte de Mithra
Ce culte, transporté hors des limites de la Perse et agrémenté d'éléments étrangers, devint le noyau d'une religion avec initiation et enseignement ésotérique, connue sous le nom de mithriacisme. Les adorateurs de Mithra reconnaissaient une divinité unique manifestée par la lumière des astres, surtout le Soleil, brillant et invincible, ennemi de la nuit et des démons. Mithra, ange de la lumière, était un serviteur du dieu suprême Ahura Mazda (Ormuzd) et l'intercesseur des hommes auprès de lui. Cette religion était très austère; les initiés étaient soumis à des épreuves, puis baptisés par aspersion avec le sang d'un taureau sacrifié (taurobole) pour devenir frères d'armes. Les prêtres enseignaient que par la pratique de certains rites de purification, d'abstinence et de communion on pouvait participer à la nature des astres lumineux et immortels.
L'initiation
L'initiation consistait en un certain nombre d'épreuves, dont peut-être un ensevelissement rituel, symbole de la mort volontaire du néophyte à l'ignorance du monde et de sa renaissance à la vérité cosmologique. Mithra, né d'un roc, préside, à travers un certain nombre de miracles (dont le jaillissement d'une source d'un rocher qu'il frappe d'une flèche ), à la conservation de la puissance vitale de la nature. Ce que les adeptes de son culte, qui se répartissaient à l'intérieur d'une stricte hiérarchie, devaient donc retenir, c'était l'assurance de la bonne marche du cycle cosmique plus qu'une promesse d'immortalité individuelle. Salué comme le «gardien des fruits », Mithra jouait ainsi un rôle important dans la prospérité de la terre, et le sang, jailli du sacrifice du taureau, fécondait les espèces végétales et animales. Sauveur de l'Univers et du monde divin (il prend place sur le char du Soleil et devient Sol invictus ), Mithra proposait à ses adeptes une cosmologie vitaliste. Mais l'une des raisons de son échec devant le christianisme tient à l'exclusion des femmes de ses mystères. Mithra ne survivra que dans le mazdéisme iranien et, jusqu'à nos jours, dans la doctrine religieuse des Parsis.
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