Je viens de (re)lire les pages de Ducat où il traite de l'utilisation militaire des hilotes, et les sources qui vont avec. J'aurai mieux fait de m'y plonger avant d'intervenir cela m'aurait éviter de dire quelques bétises. Même si, vu que je suis teigneux, je ne le suit pas sur tous les points (par exemple, voir les esclaves athénien tués à Marathon comme des holplites ne repose sur rien du tout; ou la généralisation de l'hilote hoplite à chaque mention des hilotes lors d'une campagne: là aussi, c'est largement discutable à mes yeux).
Je reprend donc ma copie, intégrant Ducat mais pas systématiquement...
1) Il peuvent combattre comme valet d'arme. Mais à Platées, ils étaient 7 par Spartiate (et non 9, erreur bête) où ils sont qualifiés de psiloi. Donc ils sont aussi susceptible de combattre comme fantassins léger, pas uniquement comme valet d'arme. Ceci dit, s'ils ont des pertes puisqu'un tombeau à part est élevé pour eux, leur rôle proprement militaire est très limité (il ne faut sans doute pas trop se faire d'illusion à la fois sur leur motivation, et sur leur armement: hop, un petit javelot et le voilà qualifié de psiloi...)
2) Oublié précédement, ils servent abondamment dans la flotte lacédémonienne à titre de rameurs.
Dans ces deux cas, ils sont hilotes, et visiblement restent hilotes.
3) Enfin, ils combattent comme hoplites. Et là, cela mérite un petit développement. Contrairement à ce que je disais, il ne sont pas forcément libres...
Les Brasidiens de 425 semblent servir d'exemple, ce seraient les premiers hilotes combattant en hoplites. Volontaires et sélectionnés au sein de l'élite sociale des hilotes, les Spartiates leur promettent la liberté à leur retour, y compris la liberté de résidence. A leur retour uniquement, ce qui sera un objet de débat; au final ils seront affranchis, mais conservés sous les armes et envoyés en garnison. Ils continuent donc à servir, mais cette fois à titre d'hommes libres, moyen comme un autre de les garder sous contrôle et surtout d'éviter de disperser dans la campagne laconienne des hommes ayant une formation et une expérience militaire. Ils sont d'ailleurs envoyés en garnison aux confins de l'Elide, le plus loin possible des autres hilotes, en gros. Ils vieilliront sous les armes.
Ensuite seulement, après le succès de cette expérience, les Lacédémoniens recommencent avec cette fois l'apparition des néodamodes, qui disparaissent après 369. Il faut attendre Cléomène en 223 pour qu'il réactualise la pratique, dans un contexte un peu particulier: 6000 hilotes achètent financièrement leur liberté, et 2000 la gagne en servant dans l'armée comme phalangites.
Le problème, c'est qu'un Néodamode, étymologiquement "nouveau citoyen", est un homme libre, pas un hilote. Or des hilotes apparaissent parfois combattant aux côtés de néodamodes, donc comme hoplites (par exemple Thucydide VII.19.3). Ducat en déduit, à raison à mon avis, qu'il s'agit de deux étapes de la carrière. Les Hilotes qui souhaitent une promotion sociale ont la possibilité, dans des conjonctures tout de même très particulières, de s'engager dans l'armée lacédémonienne où ils serviront comme hoplites (en nombre toujours relativement limités) contre une promesse d'affranchissement et une solde. Mais ils ne sont pas affranchis dès l'origine: comme les Brasidiens, ils doivent mériter leur affranchissement, qui ne leur est octroyé qu'après un temps de service indéterminée. Ils entrent alors seulement dans la catégorie des Néodamodes.
Autrement dit, contrairement à ce que je pensais de prime abord, les Lacédémoniens utilisent des hoplites esclaves, à titre exceptionnel. Ces Hilotes sont alors la plupart du temps envoyés en expédition au loin ou en garnison, et restent en service jusqu'à la retraite.
Contrairement à ce que Ducat suppose, c'est un cas vraiment unique en Grèce. Il fait néanmoins deux parallèles, en insistant sur leur caractère exceptionnel :
1) les esclaves athéniens morts à Marathon. Au rapport de Pausanias I.32.3 et VII.15.7, il déduit que ce sont des hoplites. Franchement, cela ne repose sur rien: ce sont sans doute les classiques valets d'arme/psiloi qui durent participer à la curée et aux escarmouches précédant le combat, et à ce titre subirent quelques pertes. Ni Pausanias ni Hérodote n'en font des hoplites. Le décret accordant la liberté aux esclaves à la veille de Marathon est un "classique" que les Athéniens présenteront aussi lors de la seconde Guerre médique, après Aigos Potamos, après Chéronée... C'est une mesure défensive d'urgence, pas un signe d'armement hoplitique. D'ailleurs matériellement, les Athéniens en 490 n'ont pas la possibilité de fournir des panoplies à des esclaves levés en urgence: il n'en ont pas, les panoplies appartiennent aux particuliers. Bref, contre-exemple à oublier, à mon avis.
2) Au rapport de Polyen, I.43.1 (vers 415-413):
Dans une sédition qui s'était formée à Syracuse, un grand nombre d'esclaves s'étaient attroupés, et ils avaient pour chef Sosistrate. Hermocrate envoya vers lui Damaïque, l'un des principaux officiers de la cavalerie, et qui était ami de Sosistrate, pour lui dire de la part des généraux, qu'ils ne pouvaient s'empêcher d'admirer son courage ; qu'ils donneraient la liberté à tous ceux qui l'avaient suivi ; qu'ils les armeraient, et leur donneraient la même quantité de vivres qu'aux autres généraux, et qu'on lui donnerait la même autorité qu'à eux ; enfin qu'il pouvait, en cette qualité, venir au conseil, et prendre part aux affaires publiques. Sosistrate, gagné par son ami, prit vingt des plus déterminés des esclaves de son parti, et se rendit à l'assemblée des autres chefs. Mais on le saisit avec ses vingt braves, et ils furent tous mis en prison. Dans le moment Hermocrate prenant six mille soldats, et s'étant rendu maître du sort des esclaves soulevés, il leur jura si chacun voulait retourner auprès de son maître, qu'il ne leur serait fait aucun mal. La plupart se laissèrent persuader, et retournèrent trouver leurs maîtres, il n'y en eut que trois cents qui passèrent du côté des Athéniens.Ici la comparaison me semble bien plus pertinente. D'une part, la référence est ici explicite, et d'auter part le parallèle avec le système des néodamodes évident (promesse de liberté, équipement hoplitique fournit, solde=vivres). C'est d'autant plus intéressant qu'il faut se rappeler que les Syracusains possèdent leurs propres "hilotes", qu'ils nomment Killikyrioi. Les contexte sociaux sont donc très semblable.
Mais Thucydide n'y fait aucune allusion...