?? C’est bien la première fois que je vois Clisthène accusé de ne pas être démocrate mais d’avoir instauré un « pouvoir oligarchique modéré »…
A l’origine, la révolte contre les Pisistratides est une révolution aristocratique, qui avaient beaucoup perdu de leur influence lors de la tyrannie populiste de Pisistrate. Les oligarques, en la personne d’Isagoras, s’emparent du pouvoir avec l’appui de Sparte, exilent Clisthène et les démocrates, mais se heurtent à des résistances à la fois d’autres clans aristocratiques (les Alcméonides de Clisthène, les partisans des Pisistratides encore puissants) et de la pression populaire. Lâché par Sparte, Isagoras chute et est exilé à son tour avec ses partisans tandis que Clisthène est de retour.
Premier point, Clisthène, mis à part son archontat de 507, n’exerce apparemment aucune autre magistrature. Les décisions sont donc prises par l’ecclésia. Pisitrate ne réunissait pas l’ecclesia, ou du très rarement. Certes, Clisthène s’est appuyé sur le peuple (évidemment puisqu’il est démocrate), mais la comparaison s’arrête là : il n’a en aucun cas « assuré sa position » puisque son statut personnel n’a pas bougé, qu’il n’a pas exercé davantage de magistratures, et que sa famille (les Alcméonides) perd avec le nouveau système électoral l’influence qu’elle pouvait espérer avoir dans le système de Solon. Son influence politique repose uniquement sur ses talents d’orateur et sa faculté de convaincre : ce qui est le propre de la démocratie… D’ailleurs sa vie est très peu connue en dehors de cette série de réforme.
Second point : avant Clisthène, les bouleutes sont élus dans le cadre des phratries, à base territoriales et gentilices, donc aux mains des aristocrates locaux. Clisthène remplace ces vieilles circonscriptions electorales par de nouvelles, autrement dit, détruit l’assise aristocratique du régime de Solon, et les remplace par de nouvelles circonscriptions, purement territoriales mais non plus homogène (dèmes – trittyes - tribus), donc non dominés par une ou plusieurs familles riches et puissantes. Cette réforme n’a absolument rien d’oligarchique, et est la condition sine qua non de l’instauration d’une égalité politique entre les citoyens.
Troisième point : avant Clisthène, le pouvoir politique est répartit selon les classes censitaires. Les archontes étaient choisis dans la plus haute classe, au sein des tribus (circonscription à base alors territoriale et gentilice) ; le recrutement est alors élargit aux autres classes sociales à l’exception des zeugites, et surtout l’élection ne se fait plus sur critère gentilice. Quant à la Boulè, elle aussi est recrutée au sein de ces tribus sur critère censitaire, elle devient dorénavant ouverte à tous par tirage au sort au sein des nouvelles tribus clisthéniennes. Enfin et surtout, le pouvoir de décision est transféré à l’Ecclésia, au dépend du Boulè. Au final, le seul élément encore un poil aristocratique (et absolument pas oligarchique, la nuance est sérieusement de taille), c’est les archontes et le pouvoir de l’Aréopage, composé des anciens archontes, donc zeugites exclus, et qui conservait un rôle de contrôle en sus de ses responsabilités judiciaire, et un prestige important. Mais même eux se voient leur recrutement démocratisé par rapport à la situation antérieure. Dès 487, ils seront tirés au sort et non plus élus.
Vu l’ampleur des réformes, j’ai du mal à comprendre qu’on lui renie ses convictions démocratiques, et qu’on tente de le faire passer pour un oligarque. Pire, qu’on le compare à un « tyran », certes sympathique (Pisistrate), mais qui a privé toutes les institutions de leur pouvoir, soit en les peuplant de ses propres créatures, soit en négligeant de les réunir. J’ai du mal à voir le rapport avec Clisthène…
Quant à la caricature d’assemblée présentée… une masse d’ivrogne sans scrupule qui ne s’intéressent pas le moins du monde à la cité mais qu’au seul misthos… Rappelons que Aristophane est un Comique, qui s’amuse à se moquer de ses contemporains en mettant le doigts sur le moindre défaut, qu’il outre au maximum (ce qui est le principe d’une comédie, tout de même). Il ne dépeint la réalité qu’à travers le miroir très déformant de son humour et de son humeur, et donc n’est pas à prendre au sens propre sans la moindre nuance. Surtout qu’il se montre souvent critique envers les dérives démocratiques et passablement méprisant envers les plus pauvres, bref qu’il n’est pas lui-même un démocrate forcené. Quant au misthos, il ne fut instauré au bénéfice des juges tout d’abord que par Périclès au milieu du Ve, et ce n’est qu’au IVe siècle qu’il est étendu à l’ecclésia. Clisthène n’a donc rien à y voir… Au passage, rappelons que la population citoyenne d’Athènes au IVe est pratiquement divisée par deux par rapport à celle du Ve, d’où les difficultés pour obtenir des quotas, et la nécessité d’attirer les plus pauvres, qui sans misthos seraient exclus de fait des délibérations (qui durent toute la journée tout de même).
Je n’ai pas lu le manuel de Mossé, mais là, je suis un peu abasourdi par la manière dont il présente les chose. Quelle est l’impression des autres lecteurs ?
|