Au temps pour moi concernant Hanson. J’ai une vague méfiance à son égard, friand qu’il est d’anachronisme et de généralisation…
J’ai commencé à reprendre Thucydide (je m’arrête pour aujourd’hui au début du livre VII, donc au milieu de l’expédition de Sicile), je retire mes remarques, la cavalerie athénienne est tout aussi présente au début qu’à la fin, voire plus… Mais confinée à d’autres tâches à la fois pour des raisons stratégiques et techniques.
Bob a écrit :
Je me demande pourquoi au début de la guerre, quand Athènes avait la possibilité de ravager les territoires lacédémoniens quand ceux-ci étaient en campagne, l'utilisation de la cavalerie n'a pas été plus massive.
Pour une raison finalement simplissime : il faut transporter les chevaux… J'aurais du y penser, cela a toujours posé problème et les exemples abondent : Agathocle fit la traversée en Libye sans le moindre cheval, misant sur quelques captures à l’arrivée. Hannibal en regagnant Carthage n’a pu embarquer ses chevaux et en fit égorger 4000 à son départ pour qu'ils ne tombent pas aux mains des ennemis. Les Romains de Regulus en 256 ne peuvent transplanter que 2 ou 300 malheureux chevaux en Afrique, ce qui contribua largement à sa défaite l’année suivante, etc.
Et pour revenir à Athènes, il lui a fallut s’adapter. Il fallait d’abord se trouver des transports adaptés, et la campagne de Sicile met bien en relief le problème : un transport n’emporte que 30 chevaux… Thu., II.56 (fin juin 430) : "
[Périclès] emmenait quatre mille hoplites athéniens et trois cents cavaliers sur des transports aménagés à cet effet, pour la première fois, avec de vieux vaisseaux."
A partir de ce moment les campagnes maritime avec un effectif de cavalerie plus ou moins important se généralise, pour se monter à 1 cavaliers pour 10 hoplites en général, proportion parfois diminuée en fonction de la conjoncture. En fait, le gros des 1200 cavaliers athéniens se consacre (avec efficacité) d’une part à la défense de l’Attique contre les invasions annuelles des Lacédémoniens. Leur présence limite fortement les ravages de ces derniers, contraints à rester groupés. Seuls les Béotiens peuvent alors leur tenir tête, mais ils sont surpassés en nombre à l’extérieur. D’autre part, dès 431, en des raids annuels sur la Mégaride, la plupart du temps non signalés (cf. Thu., II.31 : "
Par la suite au cours de cette guerre, les Athéniens recommencèrent chaque année leurs invasions en Mégaride, soit avec de la cavalerie, soit avec l'armée entière, jusqu'à ce qu'ils se fussent rendus maîtres de Nisaea.")
Enfin, il faut tenir compte des ravages de la peste… Alors qu’en 431 Athènes aligne 1200 cavaliers (dont 200 archers à cheval), 300 succomberont à la maladie… Dès 426, ils ne peuvent dorénavant plus compter que sur 900 cavaliers.
Ces difficultés de transports expliquent à plus forte raison la faiblesse des effectifs embarqués pour une destination aussi lointaine que la Sicile. Alors que Nicias envisageait pas moins de 300 cavaliers athéniens pour le soutenir, il n’en reçut lors de la première expédition que 30… Pour la simple raison que transporter 300 chevaux mobilisait 10 navires, tous mobilisés pour le transport des effectifs pléthoriques (à l'échelle grecque) que Bob énumère.
Par contre, après les innombrables difficultés que leur cause cette absence, dans les renforts, la cavalerie sera prioritaire, avant même l'arrivée de Démosthène. VI.74 : «
Ils envoyèrent une trière à Athènes pour demander qu'on leur expédiât, dès le printemps, de l'argent et de la cavalerie. » VI.93 : «
On donna satisfaction à cette demande par l'envoi à l'armée d'approvisionnements et de cavaliers. » VI.94 : «
ils reçurent les cavaliers venus d'Athènes en renfort ; ceux-ci étaient au nombre de deux cent cinquante, avec leur harnachement, mais sans chevaux ; on s'était dit qu'ils trouveraient sur place des montures. Ils avaient reçu également trente archers à cheval », soit le tiers du potentiel militaire athénien en cavalerie. Encore une fois, c’est le transport des chevaux qui posent problème. Agathocle usera de la même ruse, faisant embarquer ses cavaliers avec bride et attirail, misant sur des captures libyennes pour reconstituer sa cavalerie. Il est possible qu’Hannibal fit de même avant Zama (en s’appuyant sur Appien). Pour les Athéniens, le bidouillage réussit puisqu’ils «
avaient obtenu des chevaux des Egestains et de Catane ou en avaient acheté. » (VI.98). Agathocle, lui, n’eut pas cette chance…
Pour les alliés syracusain, en l’occurrence Egeste, ils ne sont pas du tout à blâmer puisque leurs participation est mentionnée tout au long de la campagne, le corps de cavalerie d’Egeste se montant à 300 chevaux, complétés encore par une petite centaine d’autres en provenance de Naxos et des Sicanes de l’intérieur (VI.98).
Mais en dépit de ces renforts, ils ne purent pas faire grand-chose non seulement face aux 1200 cavaliers syracusains, mais aussi à la cavalerie de la moitié de l’île qui se mobilise au compte-goutte pour renforcer les Syracusains, phénomène s’accentuant encore avec l’arrivée de Gylippe qui rassure les cités siciliotes qui n'ont plus à craindre une hégémonie syracusaine, puisqu'ils se placent non sous ses ordres à elle, mais sous ceux de la lointaine et prestigieuse Sparte. Comme quoi, un seul homme peut fait pencher la balance...
Quant aux alliés italiotes… c’est une prime offerte par les talents oratoires d’Alcibiade. De toute manière peu décisifs, composés surtout de trières, non d’infanterie ou de cavalerie, et ils rebroussent chemin à l’annonce de la destitution d’Alcibiade… Quand ils ne rallièrent pas l’ennemi en même temps que lui (comme Thourioi, fidèle à Sparte jusqu’à Aigos Potamos).
Bob a écrit :
Pour les sièges, un bon contre exemple serait celui de Syracuse par les Athéniens.
Les sièges de Potidée et de Syracuse ne sont pas vraiment comparables. A Potidée, les Athéniens sont maîtres du plat pays qui fait partie de leur « empire », et qui plus est bénéficient d’un corps de cavalerie fourni par les opposants de Perdiccas, à savoir Philippos et Pausanias, qui fournissent pas moins de 600 cavaliers pour un corps expéditionnaire de 3000 hoplites. La proportion est plus que notable, aucune cavalerie athénienne n’est nécessaire.
En Sicile, c’est le phénomène inverse, les Athéniens sont isolés au milieu d’un territoire hostile contrôlé par la cavalerie abondante de l’ennemi, et le siège n’est qu’un échappatoire pour tenter de renverser la vapeur. Nicias avait prévu le coup, mais son conseil ne fut suivit qu’avec un an de retard… trop tard…
Une dernière parenthèse sur la cavalerie macédonienne, pour illustrer mes propos précédents : Thu. II.100 : «
Les Macédoniens ne songèrent pas à opposer à l'ennemi de l'infanterie. Mais à leurs alliés de l'intérieur qui pouvaient leur en fournir ils demandèrent de la cavalerie ; et, malgré leur infériorité numérique, ils attaquaient à l'improviste le camp des Thraces. Là où ils fonçaient, nul ne pouvait soutenir le choc de ces cavaliers hardis et cuirassés. Mais, cernés par la foule des ennemis bien supérieurs en nombre, ils se trouvaient dans une situation critique. Finalement ils renoncèrent à leurs attaques, à cause de la disproportion de leurs forces. ». Les forces de Sitalcès qu’affronte Perdiccas sont estimés par Thucydide à 150 000 hommes dont un tiers de cavalerie. Peu importe le chiffre réel, c’est la supériorité tactique de la cavalerie macédonienne sur ses voisins que je veux mettre en relief, dès 429.