Je n'ai pas connaissance d'une course de 32 km dans le monde grec. La course de fond habituelle, le dolichos, mesure 24 stades, environ 4600m, soit l'équivalent de notre 5000.
De toute manière, Phidippidès n'est pas un athlète coureur de stade, mais un professionnel, un messager qui sait largement doser son effort pour les très longues distances, ce n'est pas un amateur.
Quelques mots sur ce personnage devenu complètement mythique... dans nos sociétés ! Il n'a pas couru de Marathon à Athènes, il a simplement été le courrier délégué à Sparte, qu'il a atteint le lendemain. Il est surtout célèbre pour avoir rencontré Pan et l'avoir rappelé au bon souvenir des Athéniens, qui après la bataille lui dévouèrent un sanctuaire. Il n'est absolument pas mort d'épuisement, il est revenu à Athènes par la suite faire son rapport, en pleine forme. Tout cela est conté par Hérodote, VI.105-106. Pausanias en VIII.54.6 le suit fidèlement. Cette histoire est probable, puisque rédigée seulement une génération après les évènements, en présence de nombreux marathomaques, et marquée par le culte de Pan introduit à cette occasion.
Et cette histoire de messager mort en délivrant son message, me direz-vous ?
J'y viens. Il faut attendre Plutarque, dans son traité "Les Athéniens se sont-ils davantage illustrés par les armes ou par les lettres ?" pour voir apparaître cette historiette:
Héraclide du Pont dit que Thersippe d'Erée apporta la nouvelle de la bataille de Marathon. D'autres prétendent, et c'est le plus grand nombre, que ce fut Euclée. Ils disent qu'il arriva à Athènes encore tout fumant du sang des ennemis ; qu'il tomba de fatigue à la porte des magistrats, à qui il ne dit que ces paroles : « Réjouissez-vous, nous avons vaincu, » et qu'il tomba mort à leurs pieds.C'est ballot, ce n'est pas le même !
Et cette fois-ci l'histoire est bien peu probable, puisque inconnue des auteurs du Ve, Héraclide ne datant que du IVe, bien après les évènements et la mort des acteurs du combat. Les variations du noms sont un indice supplémentaire du flou artistique qui englobe l'anecdote.
Un second auteur, cette fois-ci du IIe ap., reprend cette histoire : Lucien, XIX
Sur une faute commise en saluant, §2-3:
Le premier, dit-on, qui employa cette formule, fut le coureur Philippides, qui, venant annoncer la victoire de Marathon, cria aux archontes assis sur leurs sièges et inquiets de l'issue du combat : "Réjouissez-.vous, nous sommes vainqueurs !" et, en disant le mot g-chairete, il expira. Faut-il voir en ce Philippides un amalgame avec le Phidippides d'Hérodote et de Pausanias ? Peut-être, pas sûr. Peut-être simplement une énième version du nom de ce héros anonyme, et sans doute purement légendaire.
Par un mystère qui m'échappe complètement, c'est ce nom que la tradition a conservé... Même la Souda (Art. Philippides), qui résume le récit Hérodote, utilise ce nom faux. A remarquer que la Souda estime la distance Athènes/Sparte parcourue à 1500 stades, ce qui fait un peu beaucoup (encore que, de quel stade s'agit-il ?).
Pour le plaisir, je vous signale une dernière version, complètement farfelue, tirée de la même Souda, l'encyclopédie byzantine du IXe, à l'article
Haimonios :
Haimonios : a Roman; wounded during the war of the Persians against the Athenians he [nevertheless] ran to Athens, went in to [see] the prytaneis, and said to them 'Rejoice, we are rejoicing'; he then fell dead.Inutile de se casser la tête en se demandant ce que les Romains viennent faire dans l'affaire !
En conclusion, Phidippides n'est pas le coureur de Marathon, qui lui n'a sans doute jamais existé.