Je suis ravi que le sujet soit ouvert, voilà des années que je tourne autour sans oser y plonger ; j'espère que du monde apportera des lumières sur un sujet particulièrement complexe, avec des sources à la fois surabondantes (quasi tous les Attiques y font allusion, que ce soit à l'initiation, au culte ou au sacerdoce) mais terriblement difficiles d'interprétation, les seules précises étant... chrétiennes (tout en sachant qu'ils peuvent raconter ce qu'ils veulent, l'initié ne peut les contredire sous peine de briser son serment).
C'est pour ma pomme l'occasion de me pencher plus en détail sur le sujet, et parmi les sources évoquées plus haut, j'ai opter pour commencer sur le
Phèdre de Platon, mentionné par Calame :
Calame a écrit :
Platon évoque également les mystères dans le Phèdre.
J'ai donc passé une partie de la matinée à relire le discours. Et pouf, patatra : pas l'ombre d'une allusion aux mystères d'Eleusis. Platon dévoile certes dans un long passage (244a à 253c) des mystères ; mais pas du tout ceux d'Eleusis : il n'y est fait ni référence à Déméter, ni à Coré, ni à Hadès (mais met en scène Zeus, Arès, Apollon, Héra, etc. et attribue une place toute particulière dans ce cosmos à Hestia) ; il n'y est même pas envisagé un séjour sous-terrain des âmes des morts ; au contraire, il développe l'idée d'immortalité de l'âme, de métempsychose, de réincarnation, avec les âmes non incarnées qui flottent plus ou moins haut selon le poids de leurs actions passées, qui accèdent ainsi pour les plus légères à une proximité avec les dieux qui influeront dans leurs futurs réincarnations, à la fois dans leur destiné (les meilleurs naîtront dans le corps d'hommes puissants, les mauvais dans les âmes brutes d'animaux) et dans leurs comportements (les compagnons d'Arès chercheront à retrouver dans leurs vies et dans leurs compagnons cette aspect de la divinité qu'ils ont côtoyé lorsque l'âme n'était pas attachée au corps), etc. Il s'agit de mystères pythagoriciens, pas du tout éleusiniens ! Cerise sur le gâteau, Platon fait parler Socrate qui lui-même prétend dans ce passage imiter Stésichore; or Stésichore n'était peut-être pas pythagoricien à l'origine, mais lui et sa poésie ont été récupérées par les Pythagoriciens, qui s'appuient beaucoup sur eux et se sont littéralement appropriés le poète. Enfin, Platon a été très influencé par les écoles pythagoriciennes, comme Eurytos et Philolaos qu'il respectait énormément, qu'il a fréquenté à la fois directement lors de ses voyages en Sicile et en Italie, et indirectement par les écrits pythagoriciens qu'il collectionnait à prix d'or.
Est-ce simplement une erreur de référence, ou d'interprétation ?