Aïe. Les références d'études contemporaines ne sont pas trop ma tasse de thé... Je peux facilement renvoyer à des sources, rarement à des études. A l'occasion, je jetterai un œil dans mes cartons, il doit me rester des notes bibliographiques datant de mes études... En attendant, si tu as l'occasion de mettre la main sur le bouquin d'Edmond Levy,
Sparte. Histoire politique et sociale jusqu'à la conquête romaine, Editions du Seuil, 2003, il doit y avoir un chapitre consacré au sujet accompagné d'une bibliographie relativement récente.
Pour les sources, d'une manière générale, on sait assez peut de chose mine de rien sur les détails concrets, car l'essentiel est d'époque hellénistique ou romaine, transpirant le mythe spartiate plus qu'autre chose. Xénophon est de loin de meilleurs, de par sa date et sa qualité de témoin direct ; Platon est souvent utilisé, mais d'emploi difficile puisqu'il s'inspire du système spartiate, mais dans un proportion difficilement mesurable...
Sans trop entrer dans les détails (j'ai passablement la flemme ces derniers temps sur PH...) les exercices ne sont pas très originaux, il s'agit de former un hoplite. L'accent est surtout mis sur les deux qualités premières de l'hoplite : discipline et résistance. Donc certes, leur endurance au manque de sommeil, au froid, à la douleur était développée par des privations de toutes sortes, mais bien entendu pas systématiquement ni quotidiennement : il faut bien dormir ! Pour l'histoire du froid, cela tient à leur unique manteau, qu'il portent hiver comme été. Certes, la Grèce n'est pas souvent victime de gelée, mais le climat peut être assez rude, avec des changements de temps rapide, des automnes torrentiels, etc. Et puis, le Péloponnèse est une région montagneuse, où les chaînes dépassent souvent 1500-2000 m, sans compter des foutus vents violents, qui descendent la vallée de l'Eurotas ou qui frappent le Cap Malée, aux tempêtes célèbres et très redoutées. Même s'il ne neige pas tous les jours, je n'aimerai pas m'y ballader cul nu et nus pieds avec un court manteau uniquement...
Pour le régime alimentaire, hop, citation d'Athénée, IV.19 qui s'y est intéressé et multiplie les citations (Dicéarque date des IV/IIIe siècles, Sapharos et Molpis de Lacédémone ne sont connus que par Athénée, peut-être des II/Ier av., donc tardifs) :
Dicéarque détaille ainsi le souper des Phédities, dans son Tripolitique : « Le premier souper se sert à chacun en particulier, et personne n'a de communication avec un autre ; ensuite on donne à tous une maze aussi grande que chacun la veut. On leur met en outre à côté d'eux un Kothon, ou vase plein de vin, dont ils boivent à leur volonté : on leur sert toujours à ce repas du cochon bouilli, quelquefois même cette bonne chère se réduit à un quart pesant au plus, et ils n'ont pas autre chose, si ce n'est le jus ou bouillon qui en vient, mais justement autant qu'il en faut à chacun pour faire couler tout le souper. On leur donne peut-être encore des olives, du fromage, ou des figues, ou tel surcroît que quelqu'un leur envoie; comme du poisson, du lièvre, du ramier, ou autre chose semblable. Après ce souper, qui est bientôt terminé, on sert ce surcroît, qu'on appelle epaikles : chacun fournit au phédities environ trois médimnes attiques de farine, et jusqu'à la concurrence, à-peu-près, de dix ou douze congés de vin; outre cela, certaine quantité de fromage, de figues, et environ dix oboles d'Égine pour l'achat de la bonne chère. » Sapharos écrit, dans son troisième livre de la République de Lacédémone, que « les convives des phédities apportent pour eux-mêmes les epaikles, et que les chasseurs, qui sont quelquefois en grand nombre, y présentent de leur chasse. Quant aux riches, ils font apporter du pain, et de ce que fournit la campagne, selon la saison, et selon la quantité des personnes réunies, pensant qu'il serait inutile de faire des apprêts plus que suffisants, puisque le superflu ne serait pas consommé. » Molpis dit que « il y a toujours après le souper quelque régal, que l'un ou l'autre, ou même plusieurs des convives ont apporté, après l'avoir préparé chez eux. Jamais on n'apporte d'epaikles achetés ; car ils ne le font pas pour flatter la volupté et l'intempérance, mais pour montrer leur adresse à la chasse. Plusieurs ayant des troupeaux à eux, font volontiers part de quelques jeunes animaux aux convives. Les régals sont des ramiers, des oies, des tourterelles, des grives, des merles, des lièvres, des agneaux, des chevreaux. Les cuisiniers désignent toujours, en pleine assemblée, ceux qui ont apporté quelque chose, afin que tout le monde sache combien ces chasseurs se plaisent à la chasse, et quelle est leur générosité envers les convives. »Ce porc bouilli est le fameux brouet noir, tristement célèbre (car dégueulasse...). Il me semblait avoir croisé un recette un peu plus précise, mais je n'arrive pas à mettre la main dessus. Peut-être dans les
Géoponiques ? Une espèce de soupe épaisse au sang de porc assaisonné de vinaigre, avec quelques morceaux de lard qui surnagent.. Mmmh, appétissant...
Pour le plaisir : Cicéron,
Tusculanes, V.34 :
Vous savez ce qu'on servait aux Lacédémoniens dans leurs repas publics. Denys le tyran s'y étant trouvé, et ayant voulu goûter d'un ragoût fort noir, qui en faisait le mets principal, il le trouva détestable, "Je ne m'en étonne pas", lui dit le cuisinier, "puisque le meilleur assaisonnement y manque". - "Quoi donc?" - "La fatigue de la chasse", répond le cuisinier, "l'exercice de la course aux bords de l'Eurotas; la faim et la soif. Voilà ce qui fait trouver nos sauces si bonnes". Juste un mot pour revenir sur le soupçon d'eugénisme avancé par Plutarque : le célèbre roi de Sparte Agésilas était malingre et boiteux de naissance, preuve s'il en est que la "sélection", à supposer qu'elle ait existé, n'était pas si rigoureuse que cela...
Il existe plusieurs sujets consacré à l'éducation militaire spartiate, autant reprendre là-bas et relire ce qui a déjà été dit, avant de poursuivre :
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