Bonsoir à tous,
Arcadius a écrit :
si je suis bien votre raisonnement - mais vous me reprendrez si je dis des bêtises -, l'idée d'une séparation entre une sphère laïque et une sphère cléricale serait née ou due aux Grecs.
Non, il y a là encore trop de provoc
. En fait, je pense que l'idée d'une explication du monde, d'une morale et d'une manière de vivre indépendante de tout rite religieux conservateur ou de justification divine apparaît en Grèce comme en Chine parmi certains érudits.
Cela n'a qu'un rapport très lointain avec la laïcité (mais pourquoi pas une sorte d'origine lointaine? Et certains parlent de "laïcisation") - mais disons plutôt que c'est un début de libre pensée (mais ce mot peut être pour certains aussi anachronique que laïcisation) ou peut-être de désacralisation de l’explication du monde (mais de même pour "sacré")
Après - pour exprimer le fond de ma pensée mais nous ne sommes plus vraiment dans l'Histoire - mon hypothèse est que la philosophie grecque proviendrait d'une contestation sociale des nobles par une classe de marchands, qui, s'enrichissant financièrement et culturellement, dépassent culturellement et financièrement les nobles et désirent accéder au pouvoir.
Ainsi des commerçants marins d'une part, possèderaient un savoir-faire technique de tout premier plan à l'époque, avec le besoin de comprendre ces savoirs faire et donc d'étudier les sciences. De plus, ils voyagent et ainsi ont accès à des savoirs culturels peu connus en Grèce (par exemple à des sciences et mystères d'Egypte). Enfin l'invention de la monnaie semble apparaître en Lydie vers -650, propulsant ensuite par sa généralisation le commerce, pourrait avoir provoqué un déséquilibre social au profit de ces derniers.
Via la démocratie finalement, que fait Périclès (lui par contre politique et noble) sinon d'ouvrir le mode de vie des nobles à tous, en profitant des ressources d'un empire commercial et du trésor de la ligue de Délos ? Ainsi les riches, opposés aux nobles, terrasseraient ces derniers en imposant l'égalité et même en l'étendant à d'autres catégories sociales moindres.
Mais les philosophes anciens font plus encore que cela: ils bouleversent les rites en inventant des méthodes de pensée, en vivant concrètement leur philosophie et par cela en redéfinissant leur statut d'homme, leur rapport à l'univers, et en s'extrayant complètement des conservatismes à l'opposé des rites. Là, cela ressemble à une révolte de jeunes intellectuels, cherchant du sens dans une période de profonde mutation.
Mais la sociologie ne remonte malheureusement pas à cette époque et quand à prouver ces intuitions, cela me semble bien difficile.
Mais j'aime à penser que les philosophes ayant rejeté les rites et les habitudes, n'aimeraient pas qu'on explique leur apparition par un procédé divin
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La laïcité n'a pu naître qu'avec le rejet rationnel de l'idée même de divinité, non pas le seul rejet d'une implication divine dans le monde : en ce sens, c'est toute la pensée des Lumières qui lui ouvre la voix, les Grecs sont très étrangers à ce système de pensée.
Mais dans ce cas, vous excluez les agnostiques, les déistes et les athées de la construction de la laïcité?
Pour les Grecs anciens, c'est encore pire puisqu'ils ne sont pas religieux et qu'il n'y existait pas de clergé - au sens où nous l'entendons de par la comparaison avec le christianisme - leur mais le respect des divinités était plutôt un respect des rites.
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Pour en revenir à Epicure dont vous citiez sa lettre très lumineuse, je pense qu'à nouveau vous confondez deux choses : l'application au quotidien d'une pensée philosophique (même si cela touche essentiellement plus les stoïciens) et l'implication du philosophe dans le corps social. Le système d'Epicure ne prévoit aucune application à la cité mais s'intéresse à l'homme en tant que tel.
Mais je suis d'accord avec le début mais moins sur la fin. D'une part, effectivement, la philosophie des anciens s'adresse à l'homme et propose la philosophie comme une pratique quotidienne. Mais d'autre part, le but du philosophe ancien n'est pas un but politique . Le philosophe grec, intéressé par les sciences et la recherche du bonheur, est finalement plus un missionnaire: il ne dirige pas une cité mais une école. Contrairement à certains philosophes politiques des Lumières qui inventent des systèmes politiques applicables à un peuple, sans chercher une seconde à en vivre le mode de vie supposé. La philosophie politique n'est plus alors un art de vivre mais une science théorique raisonnant abstraitement sur un peuple et une nature humaine supposée.
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A propos des bibliothèques, vous allez un peu vite et trop loin, à mon avis : elles sont certes parfois "publiques" mais pas toujours, de très nombreuses bibliothèques demeurent privées, surtout dans l'Empire romain, et c'est ce qui permet souvent la survivance de certains textes soumis à la censure de tel ou tel Prince, comme l'a très bien montré C. Salles dans Lire à Rome. Les bibliothèques sont plus un centre d'archives de la littérature qu'une structure destinée à étudier les textes, pour cela il faut attendre les universités médiévales.
Oui mais déjà vous avez échappé aux "bibliothèques publiques municipales"
Mais l'important était que certaines bibliothèques grecques étaient publiques et utilisés par des écoles. Après je ne sais si la comparaison avec Rome n'amène pas des distorsions; la culture romaine ayant souvent dénaturé la grecque.
Sinon je m'excuse de la grosse digression du sujet originel, mais le "quoi" étant rapidement épuisable, j'ai pensé qu'un "pourquoi à votre avis" pouvait aussi intéresser et même apporter des "quoi" insoupçonnés. Mais néanmoins, je confesse qu'en histoire, les intuitions ne pouvant remplacer des faits établis, cela n'est plus de l'Histoire.
A vous lire,