Plutarque est de loin la source la plus prolixe (Vie de Cimon, 24-26; Parallèle avec Lucullus, 2; Vie de Périclès, 9-10, Parallèle avec Fabius, 4), mais n'est pas unique (Souda, K.1621; Dion Chrysostome, LXXIII.6; Nepos, Vie de Cimon, 3) et surtout est attesté dès le début du IVe (Andocide, Contre Alcibiade, 33 et Platon, Gorgias, 516d). Mieux encore, des ostraka ont été retrouvé, dont un remarquable nommant Cimon fils de Miltiade, et l'invitant à s'en aller en compagnie d'Elpinice, sa demie-soeur avec qui il vivait, au grand scandale des Athéniens et qui d'après Andocide (et la Souda) fut la principale cause de son ostracisme ! De plus le contexte ne laisse guère de doute quant à un bouleversement drastique de la vie politique athénienne, puisque l'alliance spartiate dont Cimon était le champion est brisée au bénéfice d'une alliance avec Argos, la grande ennemie de Lacédémone. La situation politique était devenue précaire et violente à Athènes, et la lutte entre les Démocrates et les Oligarques (en fait, plutôt les modérés, partisans d'une démocratie contrebalancée par certains organes aristocratiques, comme l'Aréopage) battait son plein : Ephialte et Périclès ont profité de l'absence de Cimon et de ses plus ardents partisans partis aidés Sparte contre les Hilotes pour briser le pouvoir de l'Aréopage (462), et la tension était à son comble. Tant en politique intérieur (décrédibilisation de l'Aréopage) qu'en politique extérieure (l'alliance Spartiate), tout les opposait à Cimon, la discorde menaçait Athènes (Ephialte sera d'ailleurs assassiné dès 461). Donc un ostracisme s'imposait pour décanter la situation. Après le fiasco de l'expédition de soutien à Sparte (renvoyés de manière humiliante par les Lacédémoniens) et la mise à mal de l'Aréopage, les résultats ne faisaient guère de doute (alors qu'en 463, les mêmes larrons avaient échoués dans un procès contre Cimon), soutenus encore par l'éloquence des deux ténors du barreau qu'étaient Ephialte et Périclès, qui jouèrent en plus sur le commerce douteux entre Cimon et sa soeur pour toucher la population... La manoeuvre fut un succès, le parti oligarchique décapité pour près de 15 ans, les derniers éléments aristocratiques éliminés, la politique extérieure revue et corrigée, les ambitions athéniennes en Grèce même deviennent une priorité (Béotie, lutte pour l'hégémonie contre Sparte), etc. La malheureux Cimon fera plusieurs tentatives pour regagner les faveurs de ses compatriotes, et finalement saura faire jouer ses relations privilégiées avec Sparte pour obtenir son retour légèrement prématuré pour négocier une trève avec les Lacédémoniens. Mais même après son retour, Cimon ne moufetera plus, Périclès et ses partisans dominent de la tête et des épaules les débats et Cimon semble s'être couché, satisfait de la paix avec Sparte et de rediriger l'agressivité athénienne contre les Perses. Il faudra que son beau-frères'en mêle, Thucydide, pour que les oligarques fassent de nouveau entendre leurs voix.
Bref, textes, archéologie et contexte confirment l'ostracisme de Cimon en 461.
On peut toujours prétendre qu'il n'y a pas de sources du Ve qui le confirme, mais il n'existe tout simplement plus de sources du Ve qui abordent le sujet, la pentécontaétie est une des périodes les plus mystérieuses de l'histoire athénienne : Hérodote s'arrête avant, Thucydide commence après et se contente d'un laconique résumé, et même les livres de Diodore sont incomplet (l'ostracisme de Cimon aurait été mentionné dans le livre X, perdu). Le problème n'est pas un manque de source sur l'ostracisme de Cimon, mais un manque de source pour toute la décénie ! Il faut se rabattre sur des sources de seconde main, pas toujours très fiables, comme Platon ou les orateurs, dont les conceptions historiques et la chronologie sont loin d'être fiables... Andocide par exemple assaisonne sa remarque sur l'ostracisme de Cimon avec des précisions qui concernent son grand-père, Cimon le père de Miltiade, lui aussi ostracisé et vainqueur olympique... Même les ostraka peuvent être discuté : ils ne sont pas en soit une preuve d'un ostracisme, mais d'une tentative d'ostracisme. Mais cette prudence par rapport à ces sources ne sauraient à mes yeux justifier un quelconque négation de l'ostracisme de 461, plus que vraisemblable et que rien n'invalide.
Je n'ai d'ailleurs jamais lu ou entendu quelqu'un le nier : qui soutient ça ?
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