liu a écrit :
Sparte n'a alors rien transmise ?
Sparte a beaucoup donné à l'histoire et à la pensée politique moderne (Voir l'ouvrage de N. Birgalias, K. Buraselis et P. Cartledge sur la contribution de Sparte à la pensée politique moderne), mais dans le débat opposant tenants d'une Athènes opulente et démocratique et tenants d'une Sparte ascétique et conservatrice, c'est Athènes dont l'histoire a gardé la mémoire et le legs.
Au XVIIIème siècle, par exemple, cette confrontation historique a pour champions Démosthène (pour Athènes) et Phocion (pour Sparte) et peut se retrouver dans la Querelle de Göttingen. Au XIXème siècle, encore, Buonarotti explique que les débats de la Convention ne sont que le reflet de cet affrontement entre mémoire d'Athènes et mémoire de Sparte. Souvent, l'éloge de Sparte se fonde sur les mérites de sa constitution originelle (Montesquieu) mais les philolaconiques, c'est-à-dire les partisans de Sparte, mettent en garde contre le manque de considération des classes inférieures (Mably) : vous noterez, d'ailleurs, le paradoxe entre le conservatisme des auteurs philolaconiques et leur appel à la considération des plus misérables.
Pour continuer dans cette lancée, l'égalitarisme - posé en obstacle à la structuration oligarchique de la société, comme c'est le cas à Athènes selon les philolaconiques - est associé à la Sparte antique et plusieurs philosophes pré-révolutionnaires vont encenser le modèle de Sparte contre une Athènes corrompue (Rousseau, Diderot d'un certain point de vue). La Révolution renverse ce mouvement en revenant à la 'liberté première' (Tocqueville).
Pour conclure, donc, Sparte a profondément marqué l'histoire et le siècle des Lumières mais son association à la pensée égalitariste a entraîné sa mise au ban des idées politiques après les premiers temps de l'ère révolutionnaire. Les politiciens d'alors lui ont préféré l'Athènes démocratique et son exaltation de la liberté. Cette dialectique égalité-liberté a pourtant continué de marquer le champ politique, en particulier avec la naissance de la Troisième République en France et l'émergence de l'égalitarisme gambettien mais plus largement avec l'application du modèle marxiste à une situation concrète.
Edit : J'ajoute que le philolaconisme n'est pas lettre morte après la Révolution française car il demeure une composante essentielle de la pensée politique des contre-révolutionnaires comme Joseph de Maistre (Voir l'ouvrage de Jean-Yves Pranchère sur la philosophie du penseur français). Je source, également, cette association de Jean-Jacques Rousseau à l'éloge du modèle spartiate : de telles thèses se retrouvent dans l'ouvrage de Pranchère (précédemment cité) et dans
Les anti-Lumières : du XVIIIe siècle à la guerre froide (2006) de Zeev Sternhell.