Lucius le pacificateur
Sur la figure du général dans le monde grec ou hellénistique, il faut quand même souligner que les Diadoques se prêtaient entre eux leurs troupes ! C'est arrivé plusieurs fois : Antipater à Cassandre, Antigone à Cratère... Donc l'argument de la fidélité des soldats à la personne de leur général tient difficilement dans le cas présent.
Merci pour le récapitulatif qui était effectivement très utile, Lucius. Je voudrais faire quelques commentaires.
Lucius Magnus a écrit :
Peut-être est-ce ainsi le moment de faire un petit récapitulatif des causes possibles:
- Suivre les chefs est une question de survie pour des soldats qui se retrouvent à des milliers de kilomètres de Pella. Ils ne peuvent de toute façon pas rentrer chez eux puis-qu'ils sont officiellement en guerre contre leurs régions d'origine. L'effet de groupe accentuant la chose.
Ca, c'est l'un des points que j'aimerais mieux connaître : est-ce qu'ils ne peuvent vraiment pas rentrer chez eux?
Questions accessoires :
- les Diadoques ont-ils pris une décision concernant les soldats et notamment les vétérans après la mort d'Alexandre? En ont-ils renvoyé quelques-uns chez eux, notamment ceux qui s'étaient mutinés sur l'Indus?
- y avait-il beaucoup de désertions durant les premières guerres entre successeurs?
Citer :
- Après des décennies de guerres sous Philippe et Alexandre, la société macédonienne est devenue une société belliqueuse et expansionniste où la guerre est un élément structurant majeur. La paix générale serait synonyme d'incertitude pour le futur des soldats et des Macédoniens en général.
Pour la société macédonienne prise en tant qu'ensemble, il est vrai que la guerre était devenue, dès Philippe, un élément structurant. Mais pour les soldats qui s'étaient mutinés contre Alexandre, c'était le contraire : la paix et le retour à la maison étaient précisément le but qu'ils recherchaient.
Arrien :
Ils sentent au fond de leurs coeurs se réveiller ce sentiment de la nature, le désir de revoir leurs femmes, leurs pères et leurs enfants, la mère-patrie, la terre natale. Ils le désirent d'autant plus, que vous les avez comblés de richesses (...) L'assemblée reçut par des applaudissements universels le discours de Coenus [celui qui se fait le porte-parole de l'armée], et témoigna par des larmes combien, éloignée du dessein d'Alexandre, elle soupirait après le retour dans la patrie.Citer :
- La constitution de royaumes régionaux était plus familière et culturellement plus acceptable que le projet d'Empire universel tel qu'Alexandre le concevait.
C'est un point intéressant, mais en est-on si sûr ? Si la mutinerie d'Opis contient des éléments de critique de la gouvernance d'Alexandre, celle de l'Indus était seulement un refus pur et simple de continuer la guerre. Royaume régional ou empire universel, ça ne changeait pas grand chose pour ces mutinés.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que la divinisation-pharaonisation de Ptolémée en Egypte ou les menées de Séleucos dans les satrapies les plus orientales, à des milliers de kilomètres de la Macédoine soient plus acceptables pour les troupiers que le périple d'Alexandre. Et ce qui devait l'être beaucoup moins, c'était de faire la guerre à d'autres Macédoniens et non plus à des Barbares, et de ne plus faire de butin. Si on fait la somme de tous ces facteurs, les royaumes hellénistiques paraissent beaucoup moins acceptables pour le troupier macédonien que la conquête alexandrine.
Citer :
- Les vétérans des campagnes d'Alexandre se font de plus en plus rares et les "troupes fraîches" ont grandi dans ce monde divisé.
C'est vrai pour les soldats de la deuxième partie des guerres entre Diadoques (en gros, 300-280). Mais mon interrogation portait sur les guerres qui ont suivi presque immédiatement la mort d'Alexandre et qui mettaient en lice les mêmes soldats que ceux qui s'étaient mutinés contre Alexandre. C'est le comportement de ceux-là que je n'arrive pas à m'expliquer.
Citer :
Ajoutons peut-être que beaucoup avaient dû trouver des compagnes en terre conquise, fondé une famille, etc. Ceux-là n'avaient pas forcément envie de rentrer au pays.
Oui, mais comme dans la réponse ci-dessus, ces soldats avaient déjà des compagnes et des enfants quand ils se sont mutinés sur l'Indus ou à Opis et qu'ils voulaient rentrer chez eux. Pourquoi, d'un seul coup, se diraient-ils "oh puis non finalement, je vais laisser tomber ma femme macédonienne pour garder ma délicieuse Barbare. C'est vrai, du vivant d'Alexandre, je voulais absolument rentrer en Macédoine voir ma famille, j'en avais marre de la guerre ; mais maintenant qu'il est mort, autant rester ici et continuer à se battre" ?
Bien à vous