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Pourquoi le miracle grec ?
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Auteur :  Romeo [ 02 Déc 2005 19:49 ]
Sujet du message :  Pourquoi le miracle grec ?

Comment les historiens expliquent que ce petit pays montagneux et peu peuplé ait eut une telle importance durant l'antiquité ?
Jacqueline de Romilly avait écrit un livre à ce sujet intitulé, "Pourquoi la grèce ?".
La démocratie est une explication mais en dehors d'Athènes il n'y avait pas forcément beaucoup d'état démocratiques. ( Voyez Syracuse).
Une explication d'ordre géographique est possible.
La nécessité de la navigation, la vie dans de rudes montagnes ont pu peut-être forger un type humain un peu exceptionnel, bien que semble t-il peu d'historiens semble retenir ce type d'explications.
Ou alors l'invention de la monnaie en Asie mineure vers -700 a pu en développant l'activité économique, permettre le développement d'activité sortant de l'ordinaire.
Peut-être aussi que les civilisations crétoises et mycéniennes ont pu jeter un certain nombre de bases qui serviront plus tard.
Il serait intéressant également de savoir pourquoi ce " miracle grec' s'est quelque peu étiolé à partir de l'an 400, malgré quelques périodes brillantes (Justinien, époque des Comnènes) et pourquoi il commence vraiment aux alentours de - 600 et pas ou peu avant.
Si vous avez des explications....

Auteur :  Caesar Scipio [ 05 Déc 2005 20:47 ]
Sujet du message : 

Je ne crois pas qu'on puisse dire que le miracle grec se soit étiolé à compter de 400.

Les cités connaissent des difficultés sociales à compter de la fin du 5ème siècle, c'est vrai. Mais n'est-ce pas plutôt la naissance du monde héllénistique (grâce à la conquête d'Alexandre) qui a constitué le triomphe et l'apogée du monde grec.

N'oublions pas non plus que la monnaie a certainement été d'abord inventée pour des raisons de commodité et pour des raisons politiques plus que pour des raisons économiques. C'était un moyen plus commode de payer les mercenaires. Avant la monnaie on payait en lingots.

Dans la cause de ce miracle, je pense qu'il faut voir :
- des éléments objectifs (la particularité de la vie urbaine qui était propice à ce type de développement. Des types qui pouvaient se reposer sur le travail d'esclaves et qui donc ont pensé, développé des concepts).
- des éléments spécifiques qui tiennent très probablement à l'identité grecque (notamment un goût pour les concepts et la théorie), et ce genre de choses s'explique très difficilement. C'est bien pour ça qu'on parle de miracle.
- et aussi, de l'oublions pas des éléments subjectifs. Le fait notamment que les grecs aient su parler d'eux-mêmes et se mettre ainsi en valeur.

Auteur :  Nebuchadnezar [ 06 Déc 2005 0:03 ]
Sujet du message : 

Il existe un autre élément constitutif du miracle grec, selon Davis Hanson (je vous renvoie aux Guerres Grecs, Atlas des guerre, coll. Autrement).

Cet élément, c'est l'infanterie lourde.

I. Apparition
Elle est certainement apparue pour se défendre des cavaliers qui venaient du nord ou par la mer (Perses). C'était certainement la seule solution, puisque la Grèce elle-même est trop pauvre et trop montagneuse pour nourrir un important cheptel de chevaux, ou une population humaine importante.

II. Style de combat
Dans ces conditions, le style de combat de l'infanterie lourde, des hommes lourdement cuirassés, armées de piques qui se battent épaule contre épaule, est la meilleure défense contre des hordes de cavaliers. De plus, s'il implique une bonne condition physique, il ne nécessite pas un entraînement intensif à l'escrime.
La tactique est en effet très simple : attendre que les troupes légères (composés des citoyens pauvres) aient lancé leurs projectiles, puis abaisser les lances et avancer au contact, puis pousser en essayant de frapper tout ce qu'on voit et qui ressemble à l'ennemi. Ce mode de combat est donc pratiquable par des paysans, relativement peu nombreux.

III. Conséquences

a. Des régimes "démocratiques"

Or, ce type d'armée repose sur une classe de citoyens théoriquement égaux : la victoire est obtenue par la cohésion des hommes plus que par l'héroïsme d'une troupe de choc supérieurement armée (charrerie ou cavalerie lourde). Dans ces conditions, la masse des petits propriétaires pouvait pouvait développer un système politique où elle aurait son mot à dire (même si on peut dire qu'elle n'eut vraiment le pouvoir qu'à Athènes).

b. Des cités constamment en guerre... sans en souffrir

Ce système eut un autre effet, quand il se fut généralisé à toutes les cités grecques : du fait de l'équipement des guerriers, qui ne permettaient de se battre que durant un temps limité sous le soleil de Grèce, et empêchaient la poursuite de l'ennemi en déroute, les conflits entre cités pouvaient se résoudre en une bataille d'une journée, finalement peu meurtrière. Ainsi, la société grecque, extrêmement militarisée et belliqueuse (les plus grands auteurs grecs ont fait graver sur leur tombe leurs exploits guerriers avant leurs plus brillantes oeuvres) a pu connaître une période de calme relatif au cours duquel les arts ont pu se développer.

D'une certaine manière, l'étoile de la Grèce commença à pâlir lorsque l'art du combat commença à se moderniser et à devenir plus meurtrier (raids de destructions entre Athènes et Sparte lors de la Guerre du Péloponnèse, attaque oblique d'Epaminondas et phalange macédonienne).

IV. Conclusion

Ceci, joint à un fort sentiment d'identité, entretenu par les guerres médiques (contre la Perse), doit avoir sa part dans l'éclosion de ce repère de philosophes coincés entre les montagnes et la mer.

Auteur :  Deshays Yves-Marie [ 06 Déc 2005 9:18 ]
Sujet du message :  Miracle grec, miracle italien...

Sans sortir du sujet (petite parenthèse pour esquisser un parallèle), on peut également se pencher sur le faisceau de paramètres qui a généré une floraison artistique en Toscane à la Renaissance.

Auteur :  Kevin_Scaevola [ 07 Déc 2005 14:48 ]
Sujet du message : 

Je vous félicite pour votre analyse, Nebuchadnezar, je la trouve très pertinente ! :D

Une autre raison qui m'est passé par la tête est le fait que les Grecs aient eu l'idée, copiée des Phéniciens, de fonder à partir de -750 environ des des comptoirs commerciaux sur les côtes de la Méditerranée et de la mer Noire (Pont-Euxin). Ainsi, quand arriva l'heure de leur victoire contre les Perses (pour les raisons que vous avez donné, Nebuchadnezar :wink: ), leur culture était déjà solidement implantée autour du bassin méditerranéen, que ce soit en Ionie, en mer Egée, dans le Pont-Euxin ou, de l'autre côté, dans le Sud de Italie, le Sud de la Gaule ou en Espagne...

Ainsi, pour le Vème siècle, vu comme le siècle d'Or de la Grèce, pas besoin de traducteurs pour le marchand allant acheter ses fourrure à Tanaïs, en mer d'Azov, pour les revendre aux antipodes du monde grec, à Mainaké, en Espagne du Sud... un avantage par rapport aux autres pays, non ? :wink:

Auteur :  Nebuchadnezar [ 11 Déc 2005 0:46 ]
Sujet du message : 

Merci, Kevin_scaevola (:8:) !

A l'appui de ma thèse, je viens de penser à la Suisse, qui a également développé un système démocratique tout en mettant au point un style de combat fondé sur l'infanterie lourde -pour faire pièce à ses chevaliers de voisins.

Vous avez raison également, le dynamisme commercial athénien permit à la société grecque d'être en contact avec toutes les civilisations méditerranéennes.
En plus des avantages commerciaux que lui confère son rôle de plaque tournante, cela devait également permettre une bonne circulation des idées.
Ainsi, Pythagore fut éduqué en Egypte, capturé par les Perses, puis c'est en Italie du sud qu'il commença son enseignement.
Hérodote, puis ses héritiers, ont ressenti le besoin de raconter l'histoire en constatant la multiplicité des peuples.

C'est donc, d'une part, son "modèle sociale", résultant de son art de la guerre, et d'autre part, son ouverture sur l'extérieur, qui permit à la Grèce de rayonner.
Ajoutons que le voisinage d'autres civilisations brillantes telles que l'Egypte ou la Perse, lui fut bénéfique. Elle sut en tirer le meilleur, et en particulier les découvertes mathématiques et astronomiques.

Auteur :  Skipp [ 11 Déc 2005 20:27 ]
Sujet du message : 

Bonjour,
Je pense que le miracle grec provient surtout de l'hégémonie commercial maritime qui a permit à ce pays de recevoir les idées des nombreux peuples avec lesquels il commerça. Si les grecs n'avaient pas remplacés les phéniciens en méditérranée je ne sais pas si ils auraient put se développer ainsi... Et pour la "démocratie" grec il a fallut que le pouvoir central soit assez faible pour pouvoir le remplacer par un système plus proche du peuple. Cette démocratie n'aurait put se mettre en place en égypte où le pouvoir est fort et centralisé autour de Pharaon.

Auteur :  Turenne [ 21 Déc 2005 5:12 ]
Sujet du message : 

Citer :
Pourquoi le miracle grec ?


Peut-etre parce que 90% de nos sources viennent d'eux. D'ici a penser qu'il y a une surepresentation de l'element grec dans l'historiographie par rapport a leur importance reelle, il n'y a qu'un pas...

Auteur :  Caesar Scipio [ 21 Déc 2005 9:21 ]
Sujet du message : 

C'est certainement une partie de l'explication mais une partie seulement. Le fait est que la culture grecque, ou plus exactement héllénistique, est bel et bien devenue la culture de l'ensemble du monde méditerranéen et européen alors même que les Etats et cités grecques déclinaient politiquement et tombaient sous la domination romaine pour la plupart et parthe pour d'autres.

Auteur :  L'historien [ 21 Déc 2005 13:04 ]
Sujet du message : 

Autant parler de mirage.

Auteur :  Turenne [ 22 Déc 2005 0:04 ]
Sujet du message : 

Caesar Scipio a écrit :
C'est certainement une partie de l'explication mais une partie seulement. Le fait est que la culture grecque, ou plus exactement héllénistique, est bel et bien devenue la culture de l'ensemble du monde méditerranéen et européen alors même que les Etats et cités grecques déclinaient politiquement et tombaient sous la domination romaine pour la plupart et parthe pour d'autres.


Du point de vue de la culture, il y a effectivement un miracle grec (même si les emprunts a d'autres cultures - notamment l'égyptienne - par les Pythagore, Thales, Hérodote etc... est indéniable).
Par contre, parler de miracle grec au niveau politique me semble plus relever de la dépendance aux sources que de la vérité. Le systeme bicaméral, par exemple, a ete inventé a Sumer; parle-t-on pour autant de "miracle sumérien"?

Auteur :  Rachidus20 [ 23 Déc 2005 0:35 ]
Sujet du message : 

[quote="Caesar Scipio"]Les cités connaissent des difficultés sociales à compter de la fin du 5ème siècle, c'est vrai. Mais n'est-ce pas plutôt la naissance du monde héllénistique (grâce à la conquête d'Alexandre) qui a constitué le triomphe et l'apogée du monde grec.
quote]
Je pense au contraire que la conquête d'Alexandre constitua la chute de la gloire intelectuelle du monde hellénistique. Parce que avant Alexandre les Etat-cités grecs étaient des Démocraties qui permettaient l'apparition de libres penseurs et de philosophes tel que Socrate, Platon ou Aristote.
Mais Alexandre avec sa conquête de la Grèce mit fin a toute démocratie en imposant la monarchie macédonienne.
Et aussi le fait que le citoyen grec qui se sentait en sécurité dans son Etat-cité se retrouve face a face avec le reste du monde (vu l'immensité de l'empire d'alexandre) d'ou la naissance d'angoisses et de peurs qui menèrent a l'apparition de courants philosophiques tel que le Stoicisme ou l'épicurisme au détriment de la philosophie aristotelicienne (pour qui la philosophie représente non seulement la réthorique et la dialectique mais aussi l'ensemble des sciences connues à l'époque) et platonicienne.
Sans oublier le fait que les guerre menées par Alexandre firent plus de morts que toutes les guerres menées par les grecs avant lui.

Auteur :  Caesar Scipio [ 23 Déc 2005 20:26 ]
Sujet du message : 

Je ne pense vraiment pas qu'on puisse parler de chute intellectuelle du monde grec sous la domination macédonienne puis à l'époque héllénistique.

Ce serait notamment tenir sous silence le rôle immense joué par Alexandrie d'Egypte, ainsi que les grands savants qui vont faire des avancées considérables. Et de surcroît, c'est à cette époque que, tout en continuant à se développer, la culture grecque étend son rayonnement sur tout l'ancien empire perse et sur toute la Méditerranée, pénétrant même plus nettement l'intérieur de l'Europe, grâce entre autres au relais romain.

La démocratie athénienne n'est pas définitivement morte en -322. Athènes a par la suite de nouveau connu la démocratie.

Je ne vois pas en quoi la domination macédonienne aurait provoqué un sentiment d'insécurité alors que les cités grecques, fédérations et royaumes grecs, quand ils n'étaient pas sous une domination étrangère, passaient leur temps à se faire la guerre entre elles.

Quant aux morts faits par les guerres d'Alexandre, mis à part les thébains, la plupart ont été des perses ou des asiatiques qui obéissaient à Darius puis Bessos ou qui refusaient de se soumettre.

Auteur :  Rachidus20 [ 26 Déc 2005 21:49 ]
Sujet du message : 

et alors, les perses ne méritent pas de vivre?

Auteur :  Florian [ 27 Déc 2005 10:13 ]
Sujet du message : 

La thèse de la "révolution hoplitique" exposée par Nebuchadnezar, selon laquelle l'apparition de formation en phalange serait à la base de la démocratisation car elle nécessite des soldats nombreux et leur donne en retour le droit à la citoyenneté est aujourd'hui assez contestée.
Certains historiens ont par exemple pu montrer que le système hoplitique a surtout servi dans les cités tyranniques du Péloponnèse pour appuyer ces régimes.

Bref, si le raisonnement n'est pas illogique et s'il peut avoir une part de vrai, mieux vaut éviter de le systématiser car dans le détail, les choses s'avèrent plus complexes.

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