Ce n'est pas dans ce cas commandé par un impératif tactique, mais politique.
Depuis le début de sa campagne, Alexandre traine des milliers d'alliés grecs. Le problème est qu'il n'a absolument aucune confiance en eux (à par ses chers Thessaliens, qu'il flatte à chaque occasion pour s'assurer leur fidélité). Par conséquent, à chaque bataille se pose pour lui la question de l'usage à faire de ces hommes. D'un côté il refuse de les aligner, mais de l'autre il ne peut pas non plus les laisser au camp (ce qui les vexerait un peu plus et surtout leur laisserait l'opportunité de le piller voire de se retourner contre lui). La solution qu'il choisit, systématiquement, c'est de les placer en "seconde ligne", assez loin pour qu'ils ne gênent pas et ne risque pas d'intervenir, mais assez prêt pour les tenir à l'œil et éventuellement leur confier des tâches subalternes. Ainsi, au Granique, ils ne sont tout simplement pas mentionnés, car ils n'ont fait que de la figuration. A Issos, il forme une seconde ligne dans un défilé...
Seule une poignée sera employée sur l'aile droite pour soutenir les Agrianes contre l'aile avancée perse qui occupe la colline. Ils n'ont même pas combattus, ce sont les Agrianes qui ont tout fait, mais il restent ensuite sur place afin de prévenir un éventuel mouvement enveloppant. Leur seul rôle a été la dissuasion. Quant à la grande majorité de ces alliés, à Issos comme au Granique, ils n'ont servit à rien et n'ont pas dégainé l'épée...
Quant à Gaugamelès, là encore Alexandre refuse de les aligner avec le reste de l'armée, en dépit de son énorme infériorité numérique et du fait que ses deux ailes sont largement débordées par les Perses. Et pourtant, il opte encore une fois pour les éloigner du front, les plaçant comme d'habitude loin derrière en seconde ligne, où ils ne servent à rien. Néanmoins, vu la situation, ils sont susceptibles d'éviter un enveloppement et protègent ainsi de fait la phalange. Mais tout est fait pour qu'il n'ait pas besoin d'en arriver à de telles extrémités : ses ailes sont renforcées, avec des réserves de cavalerie et d'infanterie légère qui ont pour consigne de s'étendre en fer à cheval afin d'éviter un risque d'encerclement. Au final, ce fut la seule bataille où ils eurent l'occasion d'intervenir : ils firent demi-tour et mirent en déroute les Perses qui attaquaient le camp, parachevant ainsi la victoire.
Au final, au Granique et à Issos, cette double ligne ne sert à rien, c'est du bluff et surtout un impératif politique (les "alliés" font plus figure d'otages que de combattants). A Gaugamelès uniquement, outre les raisons précédente, peut jouer la crainte d'un encerclement, à rapprocher de la double ligne des Gaulois à Télamon en 225. Ce n'est donc pas du tout un "tactique" macédonienne adapté à leur armement, mais un simple pis-allé de la part d'Alexandre, visant à accorder aux Macédoniens l'entier honneur de la victoire tout en devant placer ses alliés comme spectateurs. A l'issue de chaque bataille, c'est une leçon offerte aux alliés : nous sommes invincibles et nous n'avons pas besoins de vous, soyez heureux d'être nos amis. Bref, une démonstration de force.
On retrouve cette même logique à Sellasia. Outre le fait que le champs de bataille exigüe n'autorise pas d'aligner tout le monde, nous somme à nouveau dans le cadre d'une campagne commune destinée à affermir l'autorité macédonienne. Antigonos (fort de 19 000 fantassins, 600 cavaliers) a convié tous ses alliés pour assister à sa démonstration (4300 achéens, 2200 Béotiens, 1050 Epirotes, 1050 Acarnaniens) ; ces derniers sont tous placés en seconde ligne, voire même en troisième ligne (encore une fois : il n'y a pas de place) ; ils ne servent à rien si ce n'est de témoins devant les exploits macédoniens, et ce en dépit de Polybe qui fait sont possible pour mettre en valeur ses compatriotes mégalopolitains et son très cher Philopoemen, jeune homme sans le moindre commandement, auquel il attribue sans sourciller toute l'action (secondaire) de la cavalerie....
Sous Alexandre comme sous Antigonos, ces "seconde ligne" n'existent en amont que pour des raisons politiques, comme témoignage d'allégeance/de fidélité, et servent en aval à la propagande macédonienne. Leur rôle véritablement militaire est largement accessoire face à ces impératifs. Quand les Macédoniens sont seuls, ils n'ont jamais jugé utile de mettre une seconde ligne d'infanterie lourde figurative !