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A propos de la route du blé au IV° siècle....
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Auteur :  Auroliv [ 20 Fév 2006 20:12 ]
Sujet du message :  A propos de la route du blé au IV° siècle....

Bonjour à tous, j'essaie de chercher des informations sur la route du blé au IV° siècle. Pourquoi semble-t-elle si importante pour Athènes? Son intérêt majeur n'est-il que purement économique? Je pense éventuellement qu'Athènes, en quête d'hégémonie veut se servir de cette "trajectoire" afin de gagner de l'argent et renforcer ses possessions économiques intérieures.
J'ai aussi trouvé que cette "route du blé" relie la mer Noire à Athènes via les détroits ( Byzance, Mythilène...) mais je ne suis pas sûre de mes sources.... :roll:

Auteur :  Solon [ 20 Fév 2006 23:32 ]
Sujet du message : 

L'intérêt d'Athènes dans l'importation du blé est principalement digestif.

Des terres pauvre ou trop petites (sauf en Thessalie), un hiver froid et humide, un été chaud et sec, sol rocailleux. L'irrigation est un défi de tous les instants. Les grecs doivent importer ce que leur terre ne leur donne pas.. le blé entre autres. Ils chargent leur huile, leur vin, des aromates et par la mer vont les échanger contre le blé. Ils l'importent d'un peu partout. Le nord, l'Eubée, l'Égypte, la Sicile...

Le sol de la Grèce c'est la vigne, l'huile, l'argile et le marbre... tout ce qu'il faut à un artiste pour prendre son pied. Et quel pied ils ont pris!!!

Auteur :  Kevin_Scaevola [ 20 Fév 2006 23:34 ]
Sujet du message : 

Eh bien, la première et plus évidente raison de l'existence de cette "route du blé" athénienne est tout simplement l'approvisionnement de la ville en vivres !
En effet, à part les pauvres terres agricoles attiques, Athènes ne pouvait compter sur personne pour lui fournir du blé en tout temps (dont en temps de guerre, évidemment). Les terres péloponnésiennes étaient sous la coupe spartiate ou sous sa menace permanentes, les terres septentrionales de la Grèce proie aux migrations de peuples et l'Ionie sous le joug perse. Elle dut donc chercher beaucoup plus loin, et envoya vers la fin du VIème siècle des navires commerciaux établirent des relations amicales avec des colonies grecques dans la mer Noire, le "Pont-Euxin". Là, ce furent principalement avec les cités de la Chersonèse Taurique (principalement Chersonèsos, Théodosia, Panticapée et Phanagoria), ainsi qu'Olbia et encore plus au Nord, Tanaïs, que les accords commerciaux furent "signés". Ceux-ci stipulaient que les tyrans de ces villes pourraient compter sur le support quasi-invincible de la flotte athénienne pour mater toute révolte, en échange d'une grande quantité de blé envoyée tous les mois, transportée par les soins de marchands athéniens. Ceci ne posait aucun problème à ces derniers, les terres taurides comptantparmis les plus fertiles du monde grec entier. Si vous voulez une courte description de la Tauride (autre nom donné à la péninsule), jetez un coup d'oeil sur mon article de Wikipedia... :wink:.

Mais, pour revenir au sujet, la route du blé suivait à peu près cette trajectoire : Pont-Euxin (villes citées précedemment), Propontide (mer de Marmara actuelle, avec le ports de Byzance au détroit du Bosphore et ceux de Lampsaque et Abydos aux Dardanelles. Puis, en débouchant sur la mer Egée, les différents convois prenaient des voies différentes: parfois ils longeaient la côte thrace, en s'arrêtant éventuellement en Chalcidique, à Potidée, soit ils traversaient la mer Egée en s'arrêtant sur les plus grandes îles qu'ils rencontraient: Lesbos, comme vous avez dit (sa capitale est Mytilène), puis Chios, Naxis, Délos, Paros, peut-être Egine, tout dépendant des intérêts des marchands. Enfin, ils rentraient à Athènes, où l'Etat leur achetait leur marchandises à bon prix.

A quatre reprises dans son histoire, Athènes a-t-elle été bloquée de son approvisionnement, et à chaque fois, elle subit ou fut à deux doigts de subir une grave crise: en 412, les Spartiates prennent le contrôle des Détroits, et privent Athènes de ravitaillement. En début 411, le pouvoir démocratique est renversée et remplacé par un pouvoir oligarchique. Mais le retour d'Alcibiade à la fin de cette année et ses victoires sur la flotte spartiate en début 410 permirent le retour de la démocratie, en même temps que le blé. Mais les envieux prirent rapidement ombrage d'Alcibiade, et le chassèrent en fin 408. Dès septembre 405, la flotte athénienne était anéantie dans les Dardanelles, à Aigos-Potamos , et les Spartiates, désormais alliés avec les Perses de nouveau en contrôle des Détroits. Cette-fois, aucun retour miraculeux ne sauva Athènes, qui capitula, affamée, en avril 404, après 7 mois de siège terrible. Survivant selon le bon vouloir des Spartiates pendant les 10 années suivantes, elle reprit l'avantage avec l'arrivée de Conon à la tête d'une toute nouvelle flotte perse, qui écrasa la marine lacédémonienne à Cnide (août 394).
Deux générations plus tard, en début 339, Philippe de Macédoine menaça de nouveau Byzance. A ceci, Démosthène réagit violemment, proposant d'entrer en guerre contre l' "insolent Barbare". Mais ses espoirs furent anéantis à Chéronée (septembre 338). Après la bataille, néamoins, Philippe laissa de nouveau les navires athéniens traverser la Propontide en toute sécurité, ce qui dura jusqu'en 322 et la début de la Guerre Lamiaque. Là, le régent de Macédoine, Antipater, bloqua de nouveau les Détroits, mais les Athéniens n'eurent pas le temps d'en souffrir: leur armée et leur flotte furent écrasés en août 322 à Crannon et à Amorgos repsectivement, et leur ville prise peu de temps après. A partir de ce moment, Athènes ne représente plus de menace pour le pouvoir macédonien, et leur commerce va bon train, mais dès lors sans ces puissants convois qui faisaient la fierté de l'Athènes du Vème siècle...

Ainsi, vous voyez que, loin d'être uniquement un moyen de faire du profit, le contrôle de cette dénommée "route du blé" fut vital à la survie d'Athènes, bien incapable de se sustenter longtemps autrement. Dès qu'il était perdu, la ville ne tenait pas bien longtemps...

Auteur :  Auroliv [ 22 Fév 2006 20:27 ]
Sujet du message : 

merci infiniment pour la richesse de vos explications. Etant très précises, elles me permettent de comprendre davantage ce point jusqu'alors obscur pour moi. :wink:

Auteur :  L'historien [ 24 Fév 2006 14:01 ]
Sujet du message :  Re: A propos de la route du blé au IV° siècle....

Auroliv a écrit :
Bonjour à tous, j'essaie de chercher des informations sur la route du blé au IV° siècle. Pourquoi semble-t-elle si importante pour Athènes? Son intérêt majeur n'est-il que purement économique? Je pense éventuellement qu'Athènes, en quête d'hégémonie veut se servir de cette "trajectoire" afin de gagner de l'argent et renforcer ses possessions économiques intérieures.

1° Athènes c'est une cité de 0.5 à 1 million d'habitants au V°-IV° s... 2° L'Attique est un territoire très petit.
Donc, l'Attique n'arrive pas à nourrir le 1/3 de sa population... or, il faut donc pour Athènes nourrir les 2/3 restants...
Il n'y pas 36 solutions : Athènes doit conquérir de nouvelles terres, des terres à blé. En 404, AThènes n'a plus rien, elle a tout perdu... jusqu'à ses murailles... Sa population baisse : les esclaves sont moins nombreux, car les Athéniens n'ont plus d'argent pour en acheter, et les métèques (comerçants étrangers à 99%) la fuient également (car il n'y a plus d'affaires à y faire). Enfin, les Athéniens ont souffert des pertes en hommes de la guerre de 431 à 404.

Donc en 403 tout est à refaire à Athènes. La première chose est de s'émanciper des Spartiates , ce qui est fait à Cnide en 396 ; le butin permet de reconstruire les murailles d'AThènes, et de relancer une flotte de guerre. Le 2° étape est de regagner des terres ; c'est fait en 386 où le Grand Roi perse autorise les Athéniens à posséder "les 3 îles" (Imbros, Scyros et Lemnos) qui relient Athènes aux Détroits et qui sont de riches terres à blé. A partir de là, ça va beaucoup mieux pour Athènes : elle a repris des positions stratégiques sur la route commerciale la plus importante de l'Egée, et elle a de quoi nourrir sa population. Depuis 396 Athènes a recommencé à lier des alliances avec quelques cités égéennes ; mais jusqu'en 378 leur nombre est minime (moins de 10). Avec l'indépendance thébaine de 378, Sparte prend un gros coup sur la tronche ; et permet à Athènes de relancer un programme impérial : en 377 Athènes lance un appel à tous les Grecs qui sont désireux de garder leur indépendance contre les Spartiates et les Perses. Les adhésions ne sont pas très nombreuses au début, mais dès 376 et la victoire de Naxos (toujours sur les Spartiates), les Athéniens voient un nombre important de cités égéennes entrer dans leur alliance. A partir de là, pour AThènes, c'est la route de la gloire : en 375-3 l'alliance gagne même la mer Ionienne (Corcyre), etc. etc. c'est l'êge d'or d'AThènes : Sparte est en déperdition complète, les Perses ne réagissent pas, et Thèbes n'est pas encore assez forte pour inquiéter les AThéniens. Ces années 376-370 sont sans doute les plus belles d'Athènes au IV° siècle.
Mais ce bonheur n'a qu'un temps : en 371 Thèbes écrase Sparte et se dresse en véritable hégémon de la Grèce (aucune cité ne peut rivaliser). La domination thébaine est si importante que les 2 ennemies de jadis Sparte et Athènes s'allie dès 369 pour tenter de contrer l'ascendane thébaine... Mais rien n'y fait : Thèbes prend le controle de tout le Péloponnèse après avoir pris le controle de toute la Grèce centrale... une expédition soumet également la Grèce du Nord... Il ne reste plus qu'Athènes à terrasser et Thèbes régnera sans partage.
Mais AThènes a retenu des erreurs du V° s : 1° cette fois, les Athéniens ont réellement fortifié l'Attique, avec plusieurs forteresses et non des moindres tout au long de leurs frontières avec la Béotie et la Mégaride... Ainsi, il ne sera plus si facile d'entrer en terre athénienne. 2° leur empire sur la mer est consolidé par des dispositions favorables aux alliés (Athènes ne décide plus seuls, mais les alliés réunis en synèdre ont un poids égal à Athènes dans les décisions stratégiques ; etc. aucun athénien n'est autorisé à acquérir des terres sur les alliés etc.). Bref, il semble bien que les stratèges athéniens ont bien calculé leur coup.
Et il faut avouer qu'ils ont eu raison : les Thébains n'attauqent pas une seule fois de front l'Attique... alors qu'ils ont un avantage terrestre. Il faut croire que l'Attique était si bien défendu que les Thébains n'avaient d'autre choix que de provoquer Athènes sur son propre terrain (la mer). Ainsi, en 364, Epaminondas lance un programme naval qui vise à construire 100 trières dans l'espace d'un an et de ramener (sic) les propylées sur la Cadmée... En 363 Thèbes se lance à l'assaut de l'Egée : Céos est prise aux athéninens comme beaucoup d'autres îles, l'expédition rejoint même l'Asie mineure et passe par les Détroits et Rhodes... bref elle sillonne tout l'Egée. Mais, le problème est que les Thébains ne renouvelle pas ces expéditions, et AThènes regagne de suite l'avantage maritime... La stratégie thébaine est donc vouée à l'échec... D'autant que dès 362 les Thébains sont défaits à Mantinée parla coalition athéno-spartiate. L'âge d'or de Thèbes est fini. La période qui suit est très trouble : aucun hégémon ne se détache avant l'arrivée de la Macédoine des années 350. A cette époque, c'est la fin des espoirs athéniens : les Macédoniens commencent par s'en prendre aux possessions athéniennes du Nord, puis de Grèce centrale, jusqu'à Athènes elle-même (338). Athènes à partir des années 360 perd peu à peu le controle sur son empire : en 365 Timothée est obligé de fonder des clérouquies à Samos pour maintenir l'île dans l'alliance... de même dans le Nord dès 362... les Athéniens ne tiennent plus leurs engagements. Les alliés se détachent peu à peu de cette alliance lassante. En 357 une guerre éclate entre alliés d'Athènes, preuve que l'hégémon ne meitrise plus grand chose. Il en va ainsi jusqu'en 338, où à Chéronée Athènes est terrassée par la Macédoine. Son empire est disloqué suite à cette défaite.

A travers ce panorama de l'histoire d'AThènes de 404 à 338 on remarqueune chose :Athènes n'est plus assez forte pour posséder manu militari la route du blé (ce qu'elle faisait au V° siècle) ; elle est donc amené à développer une politique économique favorable aux marchands, et donc plutot libérale, et à faire des concessions à ses alliés. Mais, cette politique échoue. Xénophon écrit en 350 un livre à ce sujet Les revenus : il s'agit pour lui non plus de s'attirer la richesse par la guerre, mais par une politique favorable au commerce.


Auroliv a écrit :
J'ai aussi trouvé que cette "route du blé" relie la mer Noire à Athènes via les détroits ( Byzance, Mythilène...) mais je ne suis pas sûre de mes sources.... :roll:
C'est tout à fait ça. Car en fait il y a 3 greniers à blé : 1° l'Egypte, 2° la Sicile, 3° la Mer Noire (l'Ukraine).
L'Egypte est sous controle perse au IV° siècle. La Sicile est trop lointaine et est sous influence spartiate. Il ne reste plus que la Mer Noire à Athènes. Mais c'est un réservoir non négligeable : Démosthène nous dit qu'en une seule année il en vient 300.000 médimnes (15300 tonnes!). Athènes s'attire les bonnes grâces des souverains de la Mer Noire 1° en leur donnant des honneurs, 2° en les exemptant de taxes eux et leurs marchands, 3° en controlant les Détroits (le seul point de passage entre monde grec et mer noire).

En conclusion on voit que richesse économique puissance politique et puissance militaire sont liées. Controler la route du blé implique des retombées en argent énormes ; argent qui permet lui-même de faire la guerre etc. Contrôler la route du blé au IV° s. c'est un peu l'unique but athénien.

Après 355, quand Athènes aura compris qu'elle n'a plus aucune chance de reprendre le controle de l'Egée et des Détroits, elle enverra de façon inespérée une expédition dansl'Adriatique (en 325), près de Rimini, pour y fonder une colonie et sans doute en importer du blé... mais cette colonie fut vite massacrée par les barbares alentours. Qu'oiqu'on en dise le IV° siècle est bien le siècle de la fin pour la grande Athènes.

[ps : je suis sur que personne va rien comprendr à se message, mais c'est pas grave. J'aurais essayé.]

Auteur :  Clole [ 07 Mars 2006 15:31 ]
Sujet du message : 

La route du blé est très importante pour Athènes car la chora ne permet pas de nourrir toute la population.
On peut voir l'importance de cette route du blé dans le décret honorifique accordé par l'ecclesia aux rois du Bosphore cimmérien ( royaume dans l'actuel ukraine) qui livrait Athènes en blé et dans le discours de Démosthène : Contre Leptine.
Au IV e siècle, Athènes possède des clérouquies en Chersonnèse de Thrace qui permettent de contrôler les détroits et donc l'approvisionnement en blé.

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