Anacharsis, dans ses mémoires, a écrit :
Nous représentons souvent sur des chars les divinités qui président aux planètes, parce que cette voiture est la plus honorable parmi nous ; les Egyptiens les placent sur des bateaux, parce qu’ils font presque tous leurs voyages sur le Nil. De là Héraclite donnait au soleil et à la lune la forme d’un bateau. Je vous épargne le détail des autres conjectures non moins frivoles, hasardées sur la figure des astres. On convient assez généralement aujourd’hui qu’ils sont de forme sphérique. Quant à leur grandeur, il n’y a pas long-temps encore qu’Anaxagore disait que le soleil est beaucoup plus grand que le Péloponnèse ; et Héraclite, qu’il n’a réellement qu’un pied de diamètre. Vous me dispensez, lui dis-je, de vous interroger sur les dimensions des autres planètes ; mais vous leur avez du moins assigné la place qu’elles occupent dans le ciel ?
Cet arrangement, répondit Euclide, a coûté beaucoup d’efforts, et a partagé nos philosophes. Les uns placent au dessus de la terre, la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne. Tel est l’ancien système des Égyptiens et des Chaldéens ; tel fut celui que Pythagore introduisit dans la Grèce.
L’opinion qui domine aujourd’hui parmi nous, range les planètes dans cet ordre : la Lune, le Soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Les noms de Platon, d’Eudoxe et d’Aristote ont accrédité ce système, qui ne diffère du précédent qu’en apparence.
En effet, la différence ne vient que d’une découverte faite en égypte, et que les Grecs veulent en quelque façon s’approprier. Les astronomes égyptiens s’aperçurent que les planètes de Mercure et de Vénus, compagnes inséparables du soleil, sont entraînées par le même mouvement que cet astre, et tournent sans cesse autour de lui. Suivant les Grecs, Pythagore reconnut le premier, que l’étoile de Junon ou de Vénus, cette étoile brillante qui se montre quelquefois après le coucher du soleil, est la même qui en d’autres temps précède son lever. Comme les pythagoriciens attribuent le même phénomène à d’autres étoiles et à d’autres planètes, il ne paraît pas que de l’observation dont on fait honneur à Pythagore, ils ayent conclu que Vénus fasse sa révolution autour du soleil. Mais il suit de la découverte des prêtres de l’Égypte, que Vénus et Mercure doivent paraître, tantôt au dessus et tantôt au dessous de cet astre, et qu’on peut sans inconvénient leur assigner ces différentes positions. Aussi les Égyptiens n’ont-ils point changé l’ancien ordre des planètes dans leurs planisphères célestes.
Extrait du "
Voyage du Jeune Anacharsis en Grèce", de l'abbé Barthélémy, chapitre 31.
Le bon abbé, que la postérité retiendra, fin hélléniste et historien, construisit une sorte de voyage fictif d'un jeune Scythe, Anacharsis, qui aurait voyagé dans toute la Grèce entre -363 et -336, rencontrant toutes les grandes personnalité de l'époque. Respectant scrupuleusement les propos des auteurs antiques, dont ils cite très souvent les références, l'écrivain a composé un véritable monument des savoirs grecs de l'époque. Dont un long passage sur l'astronomie...
Si vous voulez en lire plus, le livre entier a été numérisé par Philippe Remacle sur
son site. Le chapitre 31 se trouve
ici.
Et si vous voulez les notes qui viennent avec le texte original, regardez donc sur
Gallica, où la version scannée et téléchargeable les intègre au texte. Ici, le chapitre concerné se trouve page 540.
Bonne lecture !