Nous sommes actuellement le 06 Mai 2024 20:37

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 3 message(s) ] 
Auteur Message
Message Publié : 24 Nov 2006 9:33 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
Message(s) : 1659
Thème de discussion que j'aurais accompagné, s'il était possible de saisir des titres plus longs, du sous-titre : le risque de l'anachronisme dans la rétrospective historique.

Les historiens de l'Histoire romaine, en raison des limites des sources et de la réappropriation ultérieure à des fins politiques des modèles antiques, n'ont que récemment pris conscience de ce phénomène. Et encore, ce n'est pas le cas pour tous.

Beaucoup ont en tendance à considérer que les événements s'enchaînaient de manière si fluide et si logique qu'ils étaient prémédités de longue date et constituaient un seul et même plan absolument machiavélique, voulu dès l'origine par ses auteurs, et notamment par César, les 2 autres étant pratiquement réduits à la portion congrue de faire-valoir, voire de dindons de la farce manipulés par celui qui était destiné à devenir le maître du monde.

Il faut se souvenir des analyses psycho-biologiques de Jacques Benoist-Méchin qui, décrivant des bustes de Pompée et César, parle pour l'un d'un visage bouffi de vanité et transpirant en réalité l'indécision, et pour l'autre du profil et du regard acéré et implacable du visionnaire conquérant.

Il s'agit là d'une belle illustration du précepte selon lequel tout ce qui est excessif est insignifiant.

Il est beaucoup plus rigoureux et réaliste de reprendre les événements dans l'ordre pour comprendre leur véritable portée et pour avoir conscience de l'importance décisive des circonstances du moment, des logiques à court terme qui prévalaient. Tout simplement parce que le pouvoir était particulièrement éclaté et instable dans le système politique romain, avec des acteurs nombreux menant chacun leur barque au gré de leurs intérêts changeants et qu'il était impossible de faire des projets à long terme, des prévisions à 10 ans.

Les hommes concluaient donc des accords politiques au gré de leurs intérêts individuels, pour mettre en commun leurs capacités d'influence et leur capacité à faire adopter des mesures servant leurs intérêts.

La réalité objective du 1er triumvirat, c'est que les 2 hommes les plus puissants (par leurs richesses, leurs clientèles, leur prestige) de Rome, à savoir Pompée et Crassus, étaient rivaux, même ennemis. Et que cette opposition permettait au groupe des optimates, au Sénat, de les isoler et de contrarier leurs desseins.

Et à côté, il y avait un politicien un peu plus jeune, César, qui était à ce stade, sur le plan des projets politiques, un personnage beaucoup plus complexe qu'on ne l'a dépeint, et qui était sur le point d'atteindre le consulat. Ce César ne voulait pas voir son consulat paralysé par l'obstruction des optimates, et notamment par son ennemi personnel Caton qui se promettait de lui "pourrir" son mandat comme il avait "pourri la vie de Pompée et de Crassus dans les années précédentes. Surtout que César avait besoin de se refaire parce qu'il avait cotnracté des dettes d'un montant effrayant pour devenir très populaire et pour gagner ses différentes élections.

Dans cette histoire, c'est Caton, non pas génie politique mais selon moi serial gaffeur borné, que sa haine et son obstination conduisaient à provoquer le pire pour éviter un moindre mal, qui paradoxalement provoquera l'entente entre César et les 2 figures dominantes, Pompée et Crassus.

La suite est encore plus compliquée mais tout aussi passionnante.

Parlons-en. :)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 25 Nov 2006 11:36 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 07 Nov 2006 14:30
Message(s) : 67
Le premier triumvirat est en effet plus complexe qu'il n'y paraît, d'autant plus qu'il est doublé par des alliances entre les trois gentes des triumvir. César y doit sa présence à l'appui de Crassus, à l'idée que ce fait Pompée que César n'est pas dangeureux et au besoin qu'ont ces deux optimates d'avoir avec eux un populares pour contenter le peuple (César était aimé, depuis son édilité, par le peuple). Notons également que, contrairement au second triumvirat, le premier, renouvellé à deux reprises, est un contrat privé, une entente non officielle!


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 27 Nov 2006 9:33 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
Message(s) : 1659
Il semble plutôt que ce soit César qui ait pris l'initiative de réconcilier les 2 hommes les plus puissants de Rome, Pompée et Crassus qui se haïssaient mais étaient de ce fait isolés par la faction des optimates, laquelle jouait l'un contre l'autre par un jeu de bascule.

César n'était en effet pas au niveau des 2 autres.

Il n'était pas un ancien consulaire. Il n'avait ni leur prestige, ni leurs clientèles, ni surtout leurs richesses puisqu'il était très endetté, notamment auprès de Crassus.

Son coup de génie, qui répondait en fait à son intérêt personnel immédiat, ça a été de vouloir former une alliance qui serait suffisamment forte pour empêcher que l'obstruction des optimates ne paralyse son consulat. Parce qu'il était à peu près acquis que César allait être consul. Mais comme César était très ambitieux et avait besoin de beaucoup d'argent, il ne voulait pas que son consulat ne produise aucun résultat.

Rappelons aussi que ce triumvirat aurait parfaitement pu être un quadriumvirat si Cicéron avait accepté la proposition d'alliance que lui avait faite César.

Cette proposition montre que César ne voulait pas du tout faire un coup d'Etat. Il voulait certainement mener une politique efficace, de tendance popularis. Et pour cela, il voulait le plus d'alliés possible.

C'est le caractère foncièrement conservateur de Cicéron, notamment sur la question des distributions de terres, qui l'a conduit à refuser cette alliance.

En tout cas, effectivement, César était ce que les anglais appellent le "junior partner" dans cette alliance à trois. C'est en tout cas ainsi que les romains pervecaient l'entente sur le moment.
Il faut dire que les capacités manoeuvrières de César étaient tellement évidentes qu'elles étaient reconnues par ses alliés et craintes de ses adversaires.

Il apportait dans l'alliance :

1 - la promesse de faire aboutir la ratification des actes de Pompée en Asie et la distribution de terres aux vétérans de Pompée.

Ce n'était pas rien puisque, depuis la fin de l'année 62, Pompée et ses affidés s'étaient révélés incapables de faire aboutir ces projets. Or ces projets étaient indispensables à Pompée. Sinon, il aurait perdu la face aux yeux de tous les provinciaux, rois et alliés d'Asie. Et il aurait probablement perdu la considération et la clientèle de ses vétérans qui se seraient dit : "mais qu'est-ce que c'est que cet imperator qui n'est pas capable de nous faire distribuer des terres ?" (sachant que Pompée n'avait déjà pas pu faire distribuer en 70 des terres à ses vétérans d'Espagne faute de moyens dans le trésor).

2 - la promesse de revoir à la baisse le montant que les publicains devaient verser au trésor pour percevoir le tribut d'Asie. Crassus était le principal appui de ces chevaliers publicains qui risquaient de perdre beaucoup d'argent (parce qu'ils avaient fait une offre trop élevée) et il avait certainement lui-même des parts dans des sociétés de publicains.

Même chose. Ses alliés et clients chevaliers risquaient de lui en vouloir fortement s'il ne parvenait pas à leur éviter de prendre un bouillon.


En échange, César recevait un prix très appréciable, mais pas exagéré.

Primo il faisait aussi distribuer des terres aux citoyens pauvres pères d'au moins 3 enfants, tout à fait dans la lignée de la tradition popularis/gracchienne. Ce qui lui gagnait des clientèles propres et renforçait son image d'ami du peuple, notamment dans la ville de Rome même.

Secundo il obtenait ce qui lui était indispensable pour ne pas faire faillite à court terme : un grand commandement pour une durée suffisamment longue (5 ans) qui lui permettrait de trouver l'occasion de grandes campagnes pourvoyeuses de gloire et de richesse.

Ajoutons que contrairement aux vieilles idées, cette entente était conclue sans durée définie. Elle n'était valable que pour autant que chacun des 3 hommes continuerait d'y trouver son intérêt. A compter du moment où l'un des 3 avait l'impression qu'il y gagnait moins que les autres, il était tenté de prendre ses distances.

C'est ce qui semble s'être produit en 57 et début 56, jusqu'à ce que César resserre les liens et reconduise l'accord sur de nouvelles bases à l'occasion de la conférence de Lucques.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 3 message(s) ] 

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 80 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB