Thème de discussion que j'aurais accompagné, s'il était possible de saisir des titres plus longs, du sous-titre : le risque de l'anachronisme dans la rétrospective historique.
Les historiens de l'Histoire romaine, en raison des limites des sources et de la réappropriation ultérieure à des fins politiques des modèles antiques, n'ont que récemment pris conscience de ce phénomène. Et encore, ce n'est pas le cas pour tous.
Beaucoup ont en tendance à considérer que les événements s'enchaînaient de manière si fluide et si logique qu'ils étaient prémédités de longue date et constituaient un seul et même plan absolument machiavélique, voulu dès l'origine par ses auteurs, et notamment par César, les 2 autres étant pratiquement réduits à la portion congrue de faire-valoir, voire de dindons de la farce manipulés par celui qui était destiné à devenir le maître du monde.
Il faut se souvenir des analyses psycho-biologiques de Jacques Benoist-Méchin qui, décrivant des bustes de Pompée et César, parle pour l'un d'un visage bouffi de vanité et transpirant en réalité l'indécision, et pour l'autre du profil et du regard acéré et implacable du visionnaire conquérant.
Il s'agit là d'une belle illustration du précepte selon lequel tout ce qui est excessif est insignifiant.
Il est beaucoup plus rigoureux et réaliste de reprendre les événements dans l'ordre pour comprendre leur véritable portée et pour avoir conscience de l'importance décisive des circonstances du moment, des logiques à court terme qui prévalaient. Tout simplement parce que le pouvoir était particulièrement éclaté et instable dans le système politique romain, avec des acteurs nombreux menant chacun leur barque au gré de leurs intérêts changeants et qu'il était impossible de faire des projets à long terme, des prévisions à 10 ans.
Les hommes concluaient donc des accords politiques au gré de leurs intérêts individuels, pour mettre en commun leurs capacités d'influence et leur capacité à faire adopter des mesures servant leurs intérêts.
La réalité objective du 1er triumvirat, c'est que les 2 hommes les plus puissants (par leurs richesses, leurs clientèles, leur prestige) de Rome, à savoir Pompée et Crassus, étaient rivaux, même ennemis. Et que cette opposition permettait au groupe des optimates, au Sénat, de les isoler et de contrarier leurs desseins.
Et à côté, il y avait un politicien un peu plus jeune, César, qui était à ce stade, sur le plan des projets politiques, un personnage beaucoup plus complexe qu'on ne l'a dépeint, et qui était sur le point d'atteindre le consulat. Ce César ne voulait pas voir son consulat paralysé par l'obstruction des optimates, et notamment par son ennemi personnel Caton qui se promettait de lui "pourrir" son mandat comme il avait "pourri la vie de Pompée et de Crassus dans les années précédentes. Surtout que César avait besoin de se refaire parce qu'il avait cotnracté des dettes d'un montant effrayant pour devenir très populaire et pour gagner ses différentes élections.
Dans cette histoire, c'est Caton, non pas génie politique mais selon moi serial gaffeur borné, que sa haine et son obstination conduisaient à provoquer le pire pour éviter un moindre mal, qui paradoxalement provoquera l'entente entre César et les 2 figures dominantes, Pompée et Crassus.
La suite est encore plus compliquée mais tout aussi passionnante.
Parlons-en.